La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2006 | FRANCE | N°05DA01159

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 12 décembre 2006, 05DA01159


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, dont le siège est Hôtel du département, quai Jean-Moulin à Rouen (76101) Cedex 1, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Phélip ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0100543 du 2 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à la compagnie d'assurance Groupe Azur la somme de 82 687,56 euros assortie des intér

ts au taux légal à compter du 27 février 2001, en réparation des préjudic...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, dont le siège est Hôtel du département, quai Jean-Moulin à Rouen (76101) Cedex 1, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Phélip ; le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0100543 du 2 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à la compagnie d'assurance Groupe Azur la somme de 82 687,56 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2001, en réparation des préjudices liés à l'accident de la circulation survenu le 5 septembre 1988 sur la voie départementale n° 152 à Lammerville entre M. X, son assuré, et M. Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par la compagnie d'assurance Groupe Azur devant le Tribunal administratif de Rouen ;

3°) de condamner la compagnie d'assurance Groupe Azur à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME soutient :

- à titre principal, que le Tribunal administratif de Rouen a estimé à tort que la prescription quadriennale avait été opposée au nom de l'exposant par une autorité incompétente ; qu'en effet, ladite autorité bénéficiait d'une délégation générale de signature lui donnant habilitation pour ce faire, même en l'absence de mention expresse sur ce point ; qu'en tant que de besoin, l'exposant entend opposer, dans la présente instance d'appel, la prescription quadriennale sous la signature du président du conseil général ;

- que la créance dont se prévaut la compagnie d'assurance Groupe Azur à l'égard de l'exposant, laquelle a pris naissance au plus tard le 31 décembre 1993, date de la consolidation de l'état de M. Y, était prescrite à la date à laquelle ladite compagnie a engagé la présente action ;

- à titre subsidiaire, que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'exposant a correctement entretenu l'ouvrage public routier ; qu'en effet, la priorité à droite dont le non respect est à l'origine de l'accident, n'avait pas à faire l'objet d'une signalisation particulière, alors que l'intersection était parfaitement visible ;

- que, par ailleurs, le président du conseil général n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de modifier les règles de priorité applicables à l'intersection où l'accident s'est produit ;

- que le Tribunal administratif de Rouen a estimé à tort la responsabilité de l'exposant engagée à raison de 40 % des conséquences dommageables de l'accident, alors que ce dernier trouve son origine exclusive dans les fautes commises par M. X, qui sont de nature à exonérer l'exposant de sa responsabilité ; qu'en effet, M. X, qui connaissait les lieux, circulait à une vitesse excessive et inadaptée à la configuration de la route à cet endroit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 8 septembre 2005 et régularisé par la production de l'original le 13 septembre 2005, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA

SEINE-MARITIME qui oppose la prescription quadriennale à la créance dont se prévaut la compagnie d'assurance Groupe Azur ;

Vu l'ordonnance en date du 29 septembre 2005 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 20 décembre 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2005, par lequel la caisse de mutualité sociale agricole de la Seine-Maritime fait connaître à la Cour qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance ;

Vu l'ordonnance en date du 2 décembre 2005 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte au 28 février 2006 la clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 24 février 2006 et régularisé par l'envoi de l'original le 27 février 2006, présenté pour la compagnie Azur-Assurances, dont le siège est

7 avenue Marcel Proust à Chartres (28937) Cedex 9, par le cabinet d'avocats Cassel ; la compagnie Azur-Assurances conclut au rejet de la requête et à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La compagnie Azur-Assurances soutient :

- que le tribunal administratif a écarté à bon droit l'exception de prescription quadriennale comme opposée par une autorité incompétente ; qu'il ne ressort, en effet, pas des dispositions de la délégation générale dont se prévaut le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME que l'habilitation conférée au délégataire comportait la compétence pour opposer la prescription quadriennale ; que, par ailleurs et dans ces conditions, le président du conseil général ne saurait valablement opposer à l'exposant la prescription de sa créance pour la première fois en appel ;

- qu'à supposer la prescription quadriennale compétemment opposée, la créance de l'exposante n'est pas atteinte par la prescription ; qu'en effet, le délai de prescription n'a pu commencer à courir au plus tôt qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise ; qu'il a ensuite été interrompu par la réclamation préalable adressée au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME par l'exposante ;

- qu'ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, la responsabilité du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est engagée dès lors que l'absence de signalisation aux abords de cette intersection, qui présente un caractère incontestablement dangereux, constitue un défaut d'entretien normal de la voie ; que la collision survenue entre les véhicules de M. Y et de M. X, qui pensait raisonnablement circuler sur une voie prioritaire, trouve son origine dans ce défaut de signalisation ;

- que, par ailleurs, le président du conseil général a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police de nature à engager la responsabilité du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME en omettant d'imposer une priorité de la voie départementale sur un chemin qui n'est désormais utilisé que pour assurer la desserte d'une propriété privée ; que cette faute est la cause principale de l'accident ;

- que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que

M. X aurait commis des fautes de nature à l'exonérer intégralement de sa responsabilité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 27 février 2006 et régularisé par la production de l'original le 1er mars 2006, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME et concluant aux mêmes fins que ses requête et précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 7 mars 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire rectificatif, enregistré le 11 avril 2006, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME ;

Vu les lettres du 7 novembre 2006 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 16 novembre 2006 et régularisé par l'envoi de l'original le 20 novembre 2006, présenté pour la compagnie Azur-Assurances ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle justifie avoir effectivement indemnisé les consorts Y et être subrogée dans leurs droits et actions ;

Vu les pièces du dossier établissant que la procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Dieppe et à M. Y qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » ; que l'article 2 de la même loi dispose que « La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...), Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance » ;

que, lorsque l'assureur d'une personne qui a été condamnée par le juge judiciaire à indemniser les victimes de l'accident qu'elle a causé intente une action à l'encontre d'une personne publique dont il estime la responsabilité susceptible d'être engagée dans la survenance de cet accident, la créance éventuelle de cet assureur ne se rattache pas à l'exercice au cours duquel a eu lieu le dommage, mais à celui au cours duquel le juge judiciaire a fixé le montant des réparations dues aux victimes ;

Considérant qu'il résulte en l'espèce de l'instruction que, par un arrêt en date du 6 janvier 2000, la Cour d'appel de Rouen, après avoir avant dire droit déclaré M. X entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont a été victime

M. Y le 5 septembre 1988 à Lammerville (Seine-Maritime), s'est prononcée définitivement sur le montant des réparations auxquelles avaient droit M. Y et les parents de celui-ci ; que, par suite, la créance dont se prévaut la compagnie Azur-Assurances doit être rattachée, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, à l'exercice 2000 ; qu'il suit de là que, le 28 août 2000, date à laquelle la compagnie Azur-Assurances a présenté sa réclamation préalable aux fins d'indemnisation au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, ladite créance n'était pas atteinte par la prescription ; que, dès lors, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a écarté l'exception de prescription quadriennale qu'il avait opposée à la demande de la compagnie Azur-Assurances ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, que le 5 septembre 1988, la voiture de M. X, qui circulait sur la route départementale n° 152 en direction de Brachy, est entrée en collision avec le cyclomoteur de

M. Y qui venait d'une voie ouverte à la circulation située sur sa droite ; qu'il résulte de l'instruction que cette intersection était précédée, sur la route départementale, d'une courbe à gauche en montée bordée, sur la droite, d'un bosquet ; que la disposition particulière de ce carrefour et notamment le fait que ladite voie était très peu visible des personnes empruntant la route départementale, créait un danger particulier imposant une signalisation à une distance convenable ; qu'en l'absence d'une telle signalisation sur la route départementale, qui est imputable au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, celui-ci n'établit pas l'entretien normal de l'ouvrage public ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Rouen a estimé que sa responsabilité se trouvait engagée du fait de l'accident dont a été victime M. Y ;

Considérant, d'autre part, que l'absence de signalisation ne dispensait pas M. X du devoir de prudence qui s'imposait à lui en vertu des articles R.11-1 et R. 23, alors applicables, du code de la route et que l'intéressé, qui connaissait les lieux, les a abordés à une vitesse inadaptée à leur configuration et n'a pas maîtrisé son véhicule lorsqu'il s'est trouvé en présence du cyclomoteur de M. Y qui avait priorité sur lui ; qu'il a ainsi commis des fautes de nature à atténuer la responsabilité du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME ; que si le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME soutient que les premiers juges auraient dû considérer que les fautes ainsi commises par M. X l'exonéraient totalement de sa responsabilité, il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Rouen n'a pas fait une inexacte appréciation de la gravité de ces fautes en estimant qu'elles n'étaient de nature à exonérer le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME de sa responsabilité qu'à hauteur de 60% ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a retenu sa responsabilité à hauteur de 40% dans la survenance des conséquences dommageables dudit accident et l'a condamné dans cette mesure à indemniser la compagnie Azur-Assurances du préjudice subi par la victime dont le montant n'est pas contesté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la compagnie Azur-Assurances, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la compagnie Azur-Assurances et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME versera à la compagnie Azur-Assurances la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, à la compagnie Azur-Assurances, ainsi qu'à M. Christophe Y.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Dieppe et à la caisse de mutualité sociale agricole de la Seine-Maritime.

2

N°05DA01159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA01159
Date de la décision : 12/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-12;05da01159 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award