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12/12/2006 | FRANCE | N°05DA01354

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 12 décembre 2006, 05DA01354


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI, dont le siège est 117 rue Charles Michels, BP 169 à Saint Denis Cedex 01 (93208), représentée par son

président-directeur général en exercice, par Me Sarrazin ; la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801830 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur

les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990,...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI, dont le siège est 117 rue Charles Michels, BP 169 à Saint Denis Cedex 01 (93208), représentée par son

président-directeur général en exercice, par Me Sarrazin ; la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9801830 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 et à la restitution, à concurrence respectivement de 61 854 francs et 72 553 francs, des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées au titre des exercices en 1990 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge et le remboursement des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les rappels de TVA n'ont entraîné aucune conséquence sur la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés et que l'administration se contredit en invoquant l'existence d'un profit sur le Trésor tout en motivant son redressement sur le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le choix de l'exercice d'imputation sur lequel doit s'imputer la charge afférente au rappel de taxe sur la valeur ajoutée confère au profit sur le Trésor un caractère éventuel qui s'oppose à sa taxation au titre de l'impôt sur les sociétés ; que, l'administration, pas plus que le Tribunal qui ne s'est pas livré à un examen concret des circonstances, n'apporte pas la preuve d'une variation de l'actif net entraînée par le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui permettrait son imposition en application de l'article 38-2 du code général des impôts ; que l'abandon de la créance détenue sur la société TSE dont elle est actionnaire ne procède pas d'un acte anormal de gestion ; que dans son instruction du 22 août 1983 n° 84-A-7-83, l'administration a admis que l'entreprise pouvait prouver par tout moyen que la situation nette réelle de la société bénéficiaire de l'abandon de créance est manifestement inférieure à sa situation nette comptable, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'eu égard à la position exprimée par le ministre dans sa correspondance du 22 avril 1994 sur le taux d'intérêts des avances aux filiales, et en vertu du droit de compensation offert au contribuable par l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, la base d'imposition à retenir pour l'exercice clos en 1990 doit s'établir à 160 813 francs ; que le fait d'avoir réclamé une rémunération de 8,95 % à ses filiales bénéficiaires des avances n'est pas une décision de gestion lui étant opposable mais a été imposée dans le cadre du contrôle fiscal précédent ; que le montant du redressement concernant l'avance à la SA Tous Loue est erroné dans son montant dès lors que l'avance ayant servi de base à la réintégration des intérêts n'a pas bénéficié à cette SA mais à la SCI du Gremichon ; que cette erreur comptable n'est pas neutre car le débiteur des intérêts sur avances n'est pas une société de capitaux mais une société de personnes, les résultats de cette dernière ayant une influence directe sur le résultat de la société vérifiée qui est dès lors en droit de demander par la voie de la compensation, la prise en compte de la réintégration à concurrence de la proportion des parts de la SCI détenues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que la réintégration, dans les résultats de la société, d'un profit sur le Trésor égal au montant du rappel de TVA dont elle a fait l'objet est justifié dès lors que l'entreprise avait la possibilité de déduire ladite TVA, en l'espèce, pour partie déduite de façon anticipée et pour partie insuffisamment déclarée ; qu'à la date de l'abandon de créance en litige, il n'est pas prouvé que la situation nette réelle de l'entreprise bénéficiaire de l'avance était compromise ; qu'aucune injonction d'appliquer un taux de rémunération de 8,95 % n'a été faite à la contribuable qui a été imposée conformément à ses déclarations et à une décision de gestion qui lui est opposable ; que la lettre du ministre, postérieure et limitée à d'autres redressements, ne s'applique pas à l'imposition en litige, laquelle n'est au demeurant pas un rehaussement ; que si la société établit avoir annulé l'avance consentie initialement à la SA Tous Loue, elle ne justifie pas de la réalité du virement de cette avance de la société Tous Loue à la SCI du Gremichon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la rémunération des avances aux filiales :

Considérant, en premier lieu, que la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI soutient qu'elle n'a jamais consenti d'avance à la société anonyme Tous Loue et que l'enregistrement dans les écritures de cette dernière d'une somme de 4 000 000 francs procède d'une erreur comptable dont la réalité est avérée par l'annulation de ce crédit et son virement, retracé en « opérations diverses », à la société civile immobilière du Gremichon ; que, toutefois, si l'extrait de la comptabilité de la société Tous Loue produit devant les premiers juges, puis en appel, est de nature à justifier l'annulation, le 30 septembre 1989, de l'avance que lui a consentie la contribuable le 31 juillet précédent, les seules annotations manuscrites sur ce document relatives à un virement au profit de la SCI du Gremichon ne sont pas de nature, en l'absence de production d'un extrait des écritures de crédit de cette dernière, à conclure qu'elle a été la bénéficiaire réelle de l'avance ; que la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI ne peut utilement se prévaloir de la définition de l'erreur comptable énoncée par la documentation administrative n° 4-A-214 à jour au 1er juillet 1986, qui ne s'écarte pas de la loi fiscale ; que l'administration était en droit de réintégrer à ses résultats de l'exercice 1990 les intérêts de l'avance consentie à la société Tous Loue ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement du 30 juin 2005 sur ce point, a rejeté sa demande relative à ce chef de redressement ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que les entreprises bénéficiaires des avances en litige sont, soit détenues à plus de 90 % de leur capital par la société SLEVMI ne leur retire pas leur caractère de sociétés juridiquement distinctes de la contribuable, auteur des avances ; que les difficultés financières rencontrées par les filiales bénéficiaires des avances ne sont pas de nature à conférer un caractère normal à la renonciation aux intérêts afférents à ces avances en l'absence de justification, apportée par la société SLEVMI, de l'intérêt financier ou commercial qu'elle aurait eu à procurer cet avantage ; qu'ainsi, l'administration, qui doit être regardée comme établissant que la renonciation à percevoir les intérêts en litige procède d'un acte anormal de gestion, était en droit de réintégrer les intérêts que la requérante aurait dû réclamer à la société TSE au titre d'une avance consentie en 1991 ;

Sur la demande de compensation :

Considérant qu'au cours de l'exercice clos en 1990, la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI a demandé à ses filiales auxquelles elle accordait des avances rémunérées le remboursement de ces avances assorti d'un taux d'intérêt de 8,95 % ; que, ce faisant l'entreprise a pris une décision de gestion qui lui est opposable ; que la circonstance que de semblables taux ont été retenus par l'administration, à l'occasion d'une vérification de comptabilité des exercices antérieurs à 1990, pour évaluer le montant des intérêts auxquels elle avait anormalement renoncés n'est pas de nature à retirer à la décision de pratiquer ce taux sa nature d'une décision de gestion ;

Considérant que par une lettre du 22 avril 1994, le ministre du budget a fait savoir à la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI qu'à la suite d'un nouvel examen du dossier, le taux d'intérêts de 5,5 % demandé à certaines de ses filiales en rémunération d'avances accordées à ces dernières n'ayant pas été pris en compte, les redressements notifiés au titre des exercices 1990 à 1992 seraient abandonnés ou réduits pour tenir compte de ce taux de rémunération ; que cette correspondance, dont la portée est limitée aux impositions supplémentaires des exercices précités, a conduit l'administration à maintenir les redressements relatifs, en 1990, aux avances sans intérêts versées aux sociétés Tous-Loue et Demi-Lune et les redressements relatifs, en 1991, aux avances consenties moyennant un taux d'intérêt inférieur à 5,5 % aux sociétés du Gremichon et TSE ; que la société ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position, circonscrite aux redressements, pour demander que le taux d'intérêt de toutes les avances servies à l'ensemble de ses filiales soit fixé uniformément à 5,5 % ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée, par application du droit de compensation ouvert aux contribuables par l'article L. 80 du même livre, à demander la restitution de l'excédent de cotisation primitive d'impôt sur les sociétés résultant de la différence entre la base d'imposition primitive correspondant à la perception des intérêts sur avances en 1990, corrigée au taux de 5,5 %, et la base d'imposition redressée ;

Sur l'abandon de créances :

Considérant, en premier lieu, que, par une décision de son conseil d'administration du 27 décembre 1990, la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI a décidé de consentir à l'abandon d'une créance de 623 000 francs détenue à l'égard de la société anonyme TSE dont elle détient la moitié des actions ; que la société requérante soutient qu'elle était en droit de déduire de ses résultats l'intégralité de cette créance dans la mesure où la situation nette réelle de la société TSE était plus gravement déficitaire que sa situation nette comptable ; qu'en particulier, la gravité de sa situation réelle était avérée en raison de l'inscription à son actif de participations dans le capital des sociétés H2J Monétique et H2J Développement pour des valeurs nominales respectives de 500 000 et 1 000 000 francs, nettement surévaluées au regard de la valeur réelle de ces titres compte tenu de la situation désespérée de ces entreprises ;

Considérant, toutefois, que l'abandon de créance a été consenti le 27 décembre 1990, soit quelques jours avant la clôture de l'exercice de la société TSE bénéficiaire, le 31 décembre 1990 ; qu'aucun élément de nature comptable, économique ou financier n'est apporté pour justifier qu'à la date de l'acte de gestion en litige, la situation des sociétés H2J Monétique et H2J Développement était gravement compromise au point de conclure à l'existence d'une moins-value latente dans le portefeuille de participations inscrit à l'actif de la société TSE ; que si la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI soutient que le groupe dans son ensemble connaissait déjà de graves difficultés, il est néanmoins constant que la désignation par le juge compétent d'un mandataire ad hoc chargé d'établir un rapport sur la situation du groupe n'a été ordonnée que le 10 juillet 1991, postérieurement à la clôture de l'exercice de la société TSE, le 31 mars précédent ; qu'ainsi, la contribuable, qui a au demeurant racheté le 4 octobre 1991 à la société TSE les titres des sociétés H2J Monétique et H2J Développement moyennant des prix non symboliques, ne justifie pas qu'à la date du 27 décembre 1990, l'abandon total de la créance consentie à sa filiale présentait un caractère normal ; que l'administration était en droit de tenir compte, notamment, du déficit net comptable de la société TSE pour limiter à la somme de 520 838 francs la déduction de cette charge ;

Considérant, en second lieu, qu'en disposant qu'il appartient à l'entreprise concernée de prouver par tous moyens que la situation réelle de la société est manifestement inférieure à sa situation nette comptable, l'instruction n° 4-A-7-83 du 22 août 1983 n'ajoute pas à la loi fiscale ; que, par suite, la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le profit sur le Trésor :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable aux bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. (…) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, (…) » ; que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôts sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en premier lieu, que la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI a fait l'objet d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 1991 au 31 mars 1992 au motif qu'elle avait insuffisamment déclaré des montants de taxes afférentes à des opérations comptabilisées ; que le montant de cette minoration du montant de taxe collectée, qui n'a fait l'objet d'aucun décaissement, ni d'aucune déduction à la clôture de l'exercice, doit être ajouté aux montants des créances acquises par l'entreprise ; que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige trouve également son origine dans la déduction de cette taxe afférente à des opérations facturées mais non acquittées ; que la déduction anticipée de taxe sur la valeur ajoutée se traduisant par une diminution de l'actif de l'entreprise égale à la disparition de la créance sur le Trésor, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la requérante pouvaient faire l'objet d'un rehaussement égal au montant de taxe irrégulièrement déduit ;

Considérant, en second lieu, que les montants de taxe sur la valeur ajoutée éludée ou déduite irrégulièrement ne constituent pas une dette destinée à être inscrite au passif du bilan de clôture de l'exercice ; que, par suite, la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI n'est pas fondée à soutenir qu'aucun profit sur le Trésor ne devait être imposé au seul motif qu'elle était en droit d'exercer son droit à déduction postérieurement à la clôture de l'exercice litigieux, le 31 mars 1992 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme SLEVMI-GROUPE SAINT ELOI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SLEVMI-GROUPE SAINT-ELOI et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°05DA01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 05DA01354
Date de la décision : 12/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL ALAIN SARRAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-12;05da01354 ?
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