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12/12/2006 | FRANCE | N°06DA00845

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 12 décembre 2006, 06DA00845


Vu, I, sous le n° 06DA00845, la requête, parvenue par télécopie le 28 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 30 juin 2006, présentée pour Mme Nadime ÉPOUSE , demeurant..., par Me Soubré-M'Barki ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500396 du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 décembre 2004 du préfet de l'Oise refusant de l'admettre au séjour et l'invitant à quitter le territoire français,

ensemble la décision du 5 janvier 2005 rejetant son recours gracieux, d'a...

Vu, I, sous le n° 06DA00845, la requête, parvenue par télécopie le 28 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 30 juin 2006, présentée pour Mme Nadime ÉPOUSE , demeurant..., par Me Soubré-M'Barki ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500396 du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 décembre 2004 du préfet de l'Oise refusant de l'admettre au séjour et l'invitant à quitter le territoire français, ensemble la décision du 5 janvier 2005 rejetant son recours gracieux, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Oise, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

2°) d'annuler lesdites décisions préfectorales ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme soutient :

- que les décisions attaquées sont entachées d'illégalité, dès lors qu'elles ne sont pas signées par le préfet ;

- que ces décisions sont, en outre, insuffisamment motivées, dès lors qu'elles ne mentionnent aucun élément de fait propre à la situation de l'exposante ; que cette motivation ne permet pas, au surplus, d'établir que le préfet a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de cette dernière ; que c'est, dans ces conditions, à tort que le tribunal administratif a écarté ce moyen comme manquant en fait ;

- qu'au fond, compte tenu des risques encourus dans son pays d'origine par l'exposante, qui est d'origine kurde de même que son époux, elle est fondée à soutenir que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles comportent sur sa situation personnelle ; que son frère a d'ailleurs obtenu le 22 février 2006 le statut de réfugié politique ;

- que la décision de refus de séjour attaquée a été prise en méconnaissance tant des dispositions alors applicables de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposante et son époux sont parents de deux enfants nés en France ; qu'ainsi, ses principales attaches familiales sont situées en France et, eu égard aux risques encourus par elle en cas de retour en Turquie, il n'est pas envisageable de reconstituer la cellule familiale dans ce pays ;

- que les décisions attaquées apparaissent également contraires aux stipulations de l'article

3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; qu'en effet, les enfants de l'exposante ont vocation à devenir français et pourront bénéficier en France, seul pays qu'ils connaissent, d'une scolarisation normale et gratuite, tandis qu'ils encourraient des risques, en raison de leurs origines, en Turquie ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2006, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 31 octobre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2006, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- que les décisions attaquées ont été signées par une autorité régulièrement habilitée ;

- que ces décisions sont, en outre, suffisamment motivées ;

- qu'au fond, la situation de M. et Mme ne leur permettait pas de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour ; qu'aucune erreur manifeste n'a été commise dans l'appréciation de celle-ci ;

- que M. et Mme , dont les nombreuses demandes de reconnaissance du statut de réfugié politique ont été successivement rejetées par des décisions définitives, n'établissent pas encourir personnellement des risques en cas de retour en Turquie ; que la circonstance que le frère de Mme née bénéficierait de ce statut est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;

- que M. et Mme sont tous deux, avec leurs enfants, en situation irrégulière sur le territoire français ; que le fait que ces enfants soient scolarisés ne saurait remettre en cause la légalité des décisions attaquées ; que les intéressés ne sont pas isolés dans leur pays d'origine où demeurent leurs parents et frères et soeurs ; que, dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la vie familiale se poursuive en Turquie ;

- que, dès lors que la cellule familiale a vocation à se reformer hors du territoire français, les décisions attaquées n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations invoquées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance en date du 5 octobre 2006, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte au 17 novembre 2006 la clôture de l'instruction initialement fixée au 31 octobre 2006 ;

Vu, II, sous le n° 06DA00846, la requête, parvenue par télécopie le 28 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 30 juin 2006, présentée pour M. Mehmet Nuri , demeurant ..., par Me Soubré-M'Barki ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500395 du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

7 décembre 2004 du préfet de l'Oise refusant de l'admettre au séjour et l'invitant à quitter le territoire français, ensemble la décision du 5 janvier 2005 rejetant son recours gracieux, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Oise, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

2°) d'annuler lesdites décisions préfectorales ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. soutient :

- que les décisions attaquées sont entachées d'illégalité, dès lors qu'elles ne sont pas signées par le préfet ;

- que ces décisions sont, en outre, insuffisamment motivées, dès lors qu'elles ne mentionnent aucun élément de fait propre à la situation de l'exposant ; que cette motivation ne permet pas, au surplus, d'établir que le préfet a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de ce dernier ; que c'est, dans ces conditions, à tort que le tribunal administratif a écarté ce moyen comme manquant en fait ;

- qu'au fond, compte tenu des risques encourus dans son pays d'origine par l'exposant, qui est d'origine kurde de même que son épouse, il est fondé à soutenir que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles comportent sur sa situation personnelle ; que son beau-frère a d'ailleurs obtenu le 22 février 2006 le statut de réfugié politique ;

- que la décision de refus de séjour attaquée a été prise en méconnaissance tant des dispositions alors applicables de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposant et son épouse sont parents de deux enfants nés en France ; qu'ainsi, ses principales attaches familiales sont situées en France et, eu égard aux risques encourus par lui en cas de retour en Turquie, il n'est pas envisageable de reconstituer la cellule familiale dans ce pays ;

- que les décisions attaquées apparaissent également contraires aux stipulations de l'article

3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; qu'en effet, les enfants de l'exposant ont vocation à devenir français et pourront bénéficier en France, seul pays qu'ils connaissent, d'une scolarisation normale et gratuite, tandis qu'ils encourraient des risques, en raison de leurs origines, en Turquie ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2006, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 31 octobre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2006, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- que les décisions attaquées ont été signées par une autorité régulièrement habilitée ;

- que ces décisions sont, en outre, suffisamment motivées ;

- qu'au fond, la situation de M. et Mme ne leur permettait pas de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour ; qu'aucune erreur manifeste n'a été commise dans l'appréciation de celle-ci ;

- que M. et Mme , dont les nombreuses demandes de reconnaissance du statut de réfugié politique ont été successivement rejetées par des décisions définitives, n'établissent pas encourir personnellement des risques en cas de retour en Turquie ; que la circonstance que le frère de Mme née bénéficierait de ce statut est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;

- que M. et Mme sont tous deux, avec leurs enfants, en situation irrégulière sur le territoire français ; que le fait que ces enfants soient scolarisés ne saurait remettre en cause la légalité des décisions attaquées ; que les intéressés ne sont pas isolés dans leur pays d'origine où demeurent leurs parents et frères et soeurs ; que, dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la vie familiale se poursuive en Turquie ;

- que, dès lors que la cellule familiale a vocation à se reformer hors du territoire français, les décisions attaquées n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations invoquées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance en date du 5 octobre 2006, par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte au 17 novembre 2006 la clôture de l'instruction initialement fixée au 31 octobre 2006 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre les mêmes décisions et présentent à juger des questions de droit et de fait communes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que, pour rejeter la demande de titre de séjour mention « vie privée et familiale » dont l'avaient saisi M. et Mme , le préfet de l'Oise, après avoir constaté que les intéressés avaient été déboutés de leurs demandes d'asile politique, s'est borné à relever qu'à l'issue d'une étude attentive de leur situation administrative, les intéressés ne remplissaient aucune des conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour prévues par les articles 15 ou 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; qu'une telle motivation, qui ne comporte aucun élément de fait propre à la situation de M. et Mme , ne satisfait pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes, M. et Mme sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes et à demander l'annulation des décisions attaquées par lesquelles le préfet de l'Oise a refusé de les admettre au séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui prononce l'annulation de la décision du 7 décembre 2004 du préfet de l'Oise refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme au motif qu'elle est insuffisamment motivée, ensemble le rejet de leur recours gracieux, n'implique pas par lui-même qu'un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » soit délivré aux intéressés, mais implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de leur situation au regard du droit au séjour ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par les requérants doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. et Mme , chacun, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 0500395 et 0500396 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 30 mars 2006, ensemble la décision du 7 décembre 2004 refusant à M. Mehmet Nuri et à Mme Nadime ÉPOUSE la délivrance d'un titre de séjour et la décision en date du 5 janvier 2005 rejetant leur recours gracieux sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. Mehmet Nuri et à Mme Nadime ÉPOUSE , chacun, la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. Mehmet Nuri et de Mme Nadime ÉPOUSE est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mehmet Nuri , à Mme Nadime ÉPOUSE et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

Nos06DA00845,06DA00846 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA00845
Date de la décision : 12/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CABINET IVALDI ; CABINET IVALDI ; CABINET IVALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-12;06da00845 ?
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