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14/12/2006 | FRANCE | N°02DA00710

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 02DA00710


Vu la décision du 15 mai 2006 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du

12 février 2004 en tant que, par cet arrêt, la Cour administrative d'appel de Douai a évalué le préjudice subi par la société Fideicom et lui a renvoyé la requête présentée par la COMMUNE DE FAYET ;

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE FAYET, représentée par son maire en exercice dûment habilité, par Me Laurent, avocat ; la COMMUNE DE FAYET demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju

gement n° 98-5 du 13 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée...

Vu la décision du 15 mai 2006 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du

12 février 2004 en tant que, par cet arrêt, la Cour administrative d'appel de Douai a évalué le préjudice subi par la société Fideicom et lui a renvoyé la requête présentée par la COMMUNE DE FAYET ;

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE FAYET, représentée par son maire en exercice dûment habilité, par Me Laurent, avocat ; la COMMUNE DE FAYET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-5 du 13 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser la somme de 266 785,78 euros (1 750 000 francs) à la société Fideicomi en réparation du préjudice subi du fait de manoeuvres dolosives commises par la COMMUNE DE FAYET à l'occasion de l'acquisition d'un immeuble ;

2°) de rejeter la demande d'indemnité présentée par la société Fideicomi et, subsidiairement, à limiter son montant à une somme qui ne saurait excéder 163 882,69 euros (1 075 000 francs) ;

3°) de condamner la société Fideicom à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'agissements illégaux ; que la décision de préempter était justifiée par son projet d'implantation de logements dans le cadre d'une politique communale d'aménagement et d'hébergement ; que la société Fideicomi ne justifie pas la réalité de son préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2003, présenté pour la société Fideicom, par Me Piwnica, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE FAYET à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande, en outre, que la somme de 163 882,69 euros soit assortie des intérêts à compter du 5 juillet 1997 ; elle soutient que la requête est irrecevable faute pour la requérante d'avoir annexé la décision attaquée ; que la COMMUNE DE FAYET s'est rendue coupable de manoeuvres dolosives qui visaient à empêcher l'installation d'un centre d'hébergement pour sans domicile fixe sur son territoire et qui sont de nature à engager sa responsabilité ; que la décision de préempter ne repose sur aucun projet d'aménagement ; que son préjudice du montant de 1 075 000 francs retenu par les premiers juges a un caractère certain ; que, subsidiairement et en toute hypothèse, elle a perdu les revenus qu'elle aurait pu tirer du placement en capital correspondant au prix de vente convenu pendant la période allant de la décision de préempter du 18 septembre 1995 jusqu'au repentir exercé le 20 janvier 1997 par la COMMUNE DE FAYET et qu'elle a, en outre, dû supporter des charges foncières et d'entretien de l'immeuble ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 avril 2003, présenté pour la COMMUNE DE FAYET, qui conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que sa requête est recevable ; que le jugement attaqué est irrégulier en la forme ; qu'il n'appartenait pas au tribunal administratif de constater la légalité ou l'illégalité de l'arrêté du

23 octobre 1995 ;

Vu la lettre en date du 13 novembre 2003 par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2004, présenté pour la société Fidéicom ; il reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 juillet 2006, présenté pour la COMMUNE DE FAYET ; elle reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; elle demande en outre que la société Fideicom soit condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la perte d'un acheteur au prix prévu par la déclaration d'intention d'aliéner n'est pas la conséquence directe de l'exercice du droit de préemption ; que la promesse de vente consentie par la société Fideicom à la ville de Saint-Quentin était soumise à de nombreuses conditions suspensives, et qu'ainsi, elle ne présentait pas un caractère suffisamment probable pour conférer au préjudice un caractère certain ; que la société Fideicom n'a pas accompli toutes les diligences pour vendre l'immeuble, et, en particulier, ne s'est pas rapprochée d'elle pour lui vendre le bien au prix qu'elle avait proposé de lui acheter par la décision d'exercer le droit de préemption ;

Vu l'ordonnance en date du 7 septembre 2006 portant clôture d'instruction au

9 octobre 2006 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 3 octobre 2006, et son original le

10 octobre 2006, présenté pour la société Fideicom ; elle reprend les conclusions de ses précédentes écritures par les même moyens ; elle soutient en outre que l'immeuble litigieux, construit en 1989, était initialement destiné à l'hôtellerie mais que, situé dans une zone commerciale à l'écart des voies de circulation, il n'a jamais pu être normalement exploité, et qu'en 1991, le bâtiment a été muré ; qu'ainsi, pour les mêmes raisons, à la suite de la renonciation de la COMMUNE DE FAYET et de l'acquéreur évincé, le bien n'a pu être vendu rapidement, et n'a pu l'être que dans un délai de deux ans ; que, du fait du caractère particulier du bien, il était difficile à revendre, ce qui justifie l'écart entre l'évaluation de la valeur vénale par le juge et le prix de la vente ; que le commissaire du gouvernement devant le juge de l'expropriation avait considéré qu'il n'existait pas de véritable marché local pour ce type d'immeuble, tout en l'estimant à 1 750 000 francs, soit un abattement de 65 % par rapport au prix du neuf ; que ce bien faisait peser sur elle des charges, sans aucune contrepartie, ce qui l'a conduite à accepter une offre relativement basse ; que lors de la vente en 1999, la COMMUNE DE FAYET a renoncé à exercer son droit de préemption ;

Vu l'ordonnance en date du 9 octobre 2006 portant réouverture d'instruction ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 novembre 2006, présenté pour la COMMUNE DE FAYET ; elle reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Chrisitane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller ;

- les observations de Me Pinchon, pour la COMMUNE DE FAYET et de Me Poupet, pour la société Fideicom ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêt du 12 février 2004, la Cour administrative d'appel de Douai a jugé la COMMUNE DE FAYET, titulaire du droit de préemption, responsable du préjudice subi par la société Fideicom, propriétaire du bien, à l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti ; que, par une décision du 15 mai 2006, le Conseil d'Etat a annulé partiellement ledit arrêt en tant qu'il évalue le préjudice subi par la société Fideicomi du fait de la renonciation par la COMMUNE DE FAYET à l'exercice du droit de préemption, et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour administrative d'appel de Douai ; qu'il en résulte que doivent être écartés les moyens de la COMMUNE DE FAYET, repris après la cassation, tendant à remettre en cause le principe de sa responsabilité, sur lequel il a été définitivement statué ; qu'il en est ainsi des moyens tirés de ce que la perte de l'acquéreur au prix prévu par la déclaration d'aliéner ne serait pas la conséquence directe de l'exercice du droit de préemption et de ce que la vente initiale ne serait pas suffisamment probable ;

Considérant que lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans la promesse de vente initiale et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation ; que pour l'évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur, et sous réserve que ce prix de vente ne s'écarte pas anormalement de cette valeur vénale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 23 novembre 1996, la Cour d'appel d'Amiens a estimé que le montant de 1 750 000 francs qui figurait dans la promesse de vente passée entre la société Fideicomi et l'acquéreur évincé correspondait à la valeur vénale du bien préempté par la COMMUNE DE FAYET ; qu'après la lettre du 20 janvier 1997 du maire de Fayet informant la société Fideicomi que la commune renonçait à acquérir le bien, cette société l'a cédé, par acte authentique du 5 mars 1999, au prix de 675 000 francs ;

Considérant, d'une part, que pour justifier de ce délai, la société Fideicom fait état de ce que l'immeuble litigieux, construit en 1989, était initialement destiné à l'hôtellerie mais que, situé dans une zone commerciale à l'écart des voies de circulation, il n'a jamais pu être normalement exploité, et qu'en 1991, le bâtiment a été muré ; qu'ainsi, pour les mêmes raisons, le bien n'a pu être vendu rapidement après la renonciation de la COMMUNE DE FAYET à exercer le droit de préemption, et n'a pu l'être que dans un délai de deux ans ; que, dans ces circonstances, le délai qui a séparé la renonciation à exercer le droit de préemption de la vente doit être regardé comme raisonnable ;

Considérant, d'autre part, que la société Fideicom a justifié, par le caractère particulier du bien, de la difficulté de le vendre, et, par suite, de l'écart entre l'évaluation de la valeur vénale par le juge et le prix de la vente ; que le commissaire du gouvernement devant le juge de l'expropriation avait considéré qu'il n'existait pas de véritable marché local pour ce type d'immeuble, tout en l'estimant à 1 750 000 francs, soit un abattement de 65 % par rapport au prix du neuf ; que la COMMUNE DE FAYET, qui avait renoncé à exercer son droit de préemption, ne peut reprocher à la société Fideicom de ne pas lui avoir proposé d'acquérir le bien après cette renonciation ; que la société Fideicom soutient sans être contredite que ce bien faisait peser sur elle des charges sans aucune contrepartie, ce qui l'a conduite à accepter une offre relativement basse ; que, dans ces circonstances, le prix de vente ne s'écartait pas anormalement de la valeur vénale du bien ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour l'évaluation du préjudice subi par la société Fideicom, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant la valeur vénale du bien ; qu'ainsi, son préjudice résulte, en premier lieu, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation de la COMMUNE DE FAYET à exercer son droit de préemption ;

Considérant que, si le propriétaire placé dans la situation indiquée ci-dessus subit, en second lieu, un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, la société Fideicom n'invoque aucun préjudice à ce titre ;

Considérant qu'il en résulte que le préjudice dont se prévaut la société Fideicom d'un montant de 1 075 000 francs (163 882,69 euros) correspond au montant de l'offre d'acquisition de son immeuble par l'acquéreur évincé de 1 750 000 francs, déduction faite du prix de vente dudit immeuble par la société Fideicom ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la COMMUNE DE FAYET à verser la somme de 163 882,69 euros ; que, comme le demande la société Fideicom en appel, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 1997, date de réception, par la COMMUNE DE FAYET, de sa réclamation préalable ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble ce qui précède que la COMMUNE DE FAYET est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser à la société Fideicom la somme de 1 750 000 francs (266 785,78 euros) qui doit être ramenée à la somme de 1 075 000 francs (163 882,69 euros), ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 1997 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la société Fideicom tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE FAYET à verser à la société Fideicom une somme de 1 500 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 266 785,78 euros que la COMMUNE DE FAYET a été condamnée à verser à la société Fideicomi par le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 13 juin 2002 est ramenée à la somme de 163 882,69 euros ; cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 5 juillet 1997.

Article 2 : Le jugement n° 98-5 du Tribunal administratif d'Amiens du 13 juin 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Fideicom versera à la COMMUNE DE FAYET une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Fideicom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE FAYET et à la société Fideicom.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

2

N°02DA00710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02DA00710
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Jean Quinette
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP LAURENT - PINCHON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-14;02da00710 ?
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