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14/12/2006 | FRANCE | N°04DA00627

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 14 décembre 2006, 04DA00627


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 juillet 2004 et son original le 28 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SMEG, dont le siège est Scheepzatestraat, à Gand (9490, Belgique), par la SELARL Gaia ; la société SMEG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0200875-0300996 du 15 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que le Tribunal prononce la décharge de l'obligation de payer la somme de 510 401,10 euros dont le paiement a été réclamé par l'ét

at exécutoire du 20 décembre 2002 ;

2°) de la décharger de ladite somme ; ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 23 juillet 2004 et son original le 28 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SMEG, dont le siège est Scheepzatestraat, à Gand (9490, Belgique), par la SELARL Gaia ; la société SMEG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0200875-0300996 du 15 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que le Tribunal prononce la décharge de l'obligation de payer la somme de 510 401,10 euros dont le paiement a été réclamé par l'état exécutoire du 20 décembre 2002 ;

2°) de la décharger de ladite somme ;

3°) de condamner le port autonome du Havre à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, selon la commune volonté des parties, et, ce, avant même la conclusion de la convention du 9 avril 1987, le stockage autorisé concernait l'ensemble des produits

agro-alimentaires « ne coulant pas », des nourritures pour animaux et déchets alimentaires, et des produits de substitution des céréales ; qu'en effet, en l'absence même de stipulation contractuelle, les courriers peuvent lier les parties à un contrat ; que le port autonome du Havre, en lui appliquant le tarif applicable à toutes les entreprises effectuant le stockage de farines animales n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; qu'en effet, le port autonome du Havre avait l'obligation de prendre en considération ses investissements et de lui accorder, de ce fait, des conditions tarifaires spécifiques, et ne pouvait donc lui appliquer le tarif applicable à la société SANIFA ; que le port autonome du Havre aurait ainsi méconnu les principes d'égalité et de non-discrimination ; que la décision de retrait du 18 avril 2002 est également contraire à ces principes ; que le tarif identique à celui applicable à la SA SANIFA constituerait une entrave à son activité économique et une pratique discriminatoire et résulterait d'un abus de position dominante, en méconnaissance des règles de concurrence énoncées par l'article 82 du traité instituant la communauté européenne et par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 442-1 du code de commerce ; que le port autonome du Havre dispose d'une part substantielle du marché national d'infrastructures disponibles pour le stockage de farines animales ; que l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au respect des biens, a été méconnu ; que la décision de retrait du 18 avril 2002 est dépourvue d'un but d'utilité publique et méconnaît l'intérêt général auquel répond le stockage de farines animales, la convention du

9 avril 1987 et constitue une atteinte disproportionnée à son droit de propriété dès lors que le port autonome du Havre ne l'a pas indemnisée pour les outillages et installations dont elle est propriétaire en vertu de l'article 1er du cahier des charges annexé à la convention ; que les factures établies le

26 avril 2002 et l'état exécutoire émis le 20 décembre 2002 sont irréguliers en raison du caractère erroné et insuffisamment explicite des bases de calcul utilisées ; que le port autonome du Havre ne pouvait donner une portée rétroactive au changement de tarification ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2004, présenté pour le port autonome du Havre, par la SCP Dubosc, Preschez, Chanson, Missoty ; il conclut au rejet de la requête et à ce que la société SMEG soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la décision de retrait du 18 avril 2002 est légale ; qu'une activité de stockage de farines animales est incompatible avec une activité de stockage de céréales en vrac ; qu'il était tenu de procéder à ce retrait ; qu'il pouvait appliquer à la société SMEG de nouvelles conditions financières d'occupation du domaine public ; qu'il n'a pas méconnu les décisions gouvernementales en matière de stockage de farines animales ; que ni les règles d'examen particulier du dossier, ni le droit de la concurrence, ni l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont été méconnus ; que les factures établies le 26 avril 2002 et l'état exécutoire émis le 20 décembre 2002 sont suffisamment explicites en ce qui concerne les bases de calcul utilisées et ne comporte pas d'erreur sur les bases de calcul utilisées ; qu'il pouvait donner une portée rétroactive au changement de tarification ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 7 mars 2006 et confirmé par la production de l'original enregistré le 8 mars 2006, présenté pour le port autonome du Havre ; il précise que l'état exécutoire contesté a été pris sur le fondement du tarif général de 2001, en application de la délibération du 29 mars 2002 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 9 mars 2006 et confirmé par la production de l'original enregistré le 10 mars 2006, présenté pour la société SMEG ; elle reprend les conclusions de son mémoire initial par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'état exécutoire méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, qui impose la mention des nom, prénom et qualité de l'auteur de l'acte ; que faute d'avoir été communiquée au ministre, au commissaire du gouvernement et au contrôleur d'Etat, en application de l'article R. 113-5 du code des ports maritimes, la délibération n'était pas exécutoire et ne pouvait donc servir de fondement à l'état exécutoire contesté ; que le conseil d'administration n'était pas régulièrement composé, que les membres du conseil d'administration n'ont pas été convoqués et dûment informés de l'ordre du jour et n'ont pas eu connaissance des documents y afférents, que le quorum n'avait pas été atteint, que les convocations n'avaient pas été adressées au préfet de région, au contrôleur d'Etat et au commissaire du gouvernement ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 13 mars 2006, présenté pour le port autonome du Havre ; il reprend les conclusions de ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; il soutient que les nouveaux moyens présentés par la société SMEG dans son mémoire du 9 mars 2002 sont tardifs et, par suite, irrecevables ;

Vu l'ordonnance du 6 juin 2006 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 31 juillet 2006 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2002, présenté pour le port autonome du Havre ; il reprend les conclusions de ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'ayant un caractère industriel et commercial, les dispositions de l'article 4 de la loi du

12 avril 2001 ne lui sont applicables ; que les moyens dirigés contre la délibération du 29 mars 2002 sont tardifs, et, par suite, irrecevables ;

Vu l'ordonnance du 18 septembre 2006 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a rouvert l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 octobre 2006 et complété le 10 octobre 2006, présenté pour le port autonome du Havre ; il soutient que les tarifs domaniaux ont été fixés par une délibération du 13 septembre 1974 et sont indexés sur le coût de la construction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la communauté économique européenne devenue la communauté européenne ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain Stéphan, premier conseiller ;

- les observations de Me Chiasserini, pour la société SMEG et de Me Dubosc, pour le port autonome du Havre ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SMEG, qui avait été autorisée par une convention conclue le 9 avril 1987, à construire et exploiter un silo horizontal de stockage de céréales en vrac, stockait dans ce silo, depuis le 30 octobre 2001, des farines animales ; que par une délibération de son conseil d'administration du 29 mars 2002, le port autonome du Havre, a décidé d'appliquer à la société SMEG, à compter du 30 octobre 2001, les conditions financières d'utilisation du domaine public afférentes à l'activité de stockage de farines animales ; qu'il a émis à ce titre, le 20 décembre 2002, l'état exécutoire contesté, pour un montant de 510 401,10 euros ;

Sur la régularité de l'état exécutoire contesté :

Considérant que l'auteur de l'état exécutoire contesté pouvant être identifié sans ambiguïté, la circonstance que son nom ait été précédé des seules initiales de son prénom est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité dudit état exécutoire ;

Considérant que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis ; que les factures établies le 26 avril 2002 annexées à l'état exécutoire contesté émis le 20 décembre 2002 comportaient la durée, la surface et le prix au mètre carré et que le courrier du 6 février 2003 mentionnait les raisons de la surface retenue et du prix appliqué ; qu'ainsi, la société SMEG n'est pas fondée à soutenir que ledit état exécutoire ne lui permettait pas de connaître les bases de liquidation de la créance concernée ;

Sur le bien-fondé de l'état exécutoire contesté :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code du domaine de l'Etat, applicable à la date de l'état exécutoire contesté : « Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. / Le service des domaines constate les infractions aux dispositions de l'alinéa précédent en vue de poursuivre, contre les occupants sans titre, le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour émettre l'état exécutoire contesté, le port autonome du Havre a fait application des tarifs applicables au stockage de farines animales prévus par une délibération du conseil d'administration du 13 septembre 1974 et non par la délibération du 29 mars 2002 par laquelle le conseil d'administration s'est borné à reconnaître que le tarif afférent à ce stockage était applicable ; qu'ainsi, d'une part, la société SMEG ne peut utilement, pour s'opposer à l'état exécutoire contesté, exciper de l'illégalité de ladite délibération du 29 mars 2002 ou de son absence de caractère exécutoire ; qu'ainsi, d'autre part, la société SMEG n'est pas fondée à soutenir que l'état exécutoire aurait fait une application rétroactive des tarifs qui auraient été fixés par la délibération du 29 mars 2002 ;

Considérant que les deux factures établies le 26 avril 2002 mentionnaient une surface de

71 456 m², correspondant à la surface retenue par la convention que la société SMEG avait signée le 9 avril 1987 avec le port autonome du Havre ; que si elle soutient qu'elle occupait en réalité une surface inférieure équivalente à cinq hectares, elle n'apporte aucune justification à l'appui de cette prétention ;

Considérant que l'autorisation d'occupation du domaine public, ou la modification de cette autorisation, ne saurait être implicite ; qu'aucune stipulation contractuelle, ni aucun échange de lettres entre le port autonome du Havre et la société SMEG ne permet d'établir que le port autonome du Havre aurait consenti à ce que la société SMEG utilise le domaine public à d'autres fins que le stockage de céréales, et à facturer le stockage de farines animales au tarif prévu par la convention du 9 avril 1987 pour le stockage de céréales ; qu'ainsi, la société SMEG n'est pas fondée à se prévaloir d'un consentement du port autonome du Havre pour s'opposer à l'état exécutoire contesté ;

Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative, affectataire du domaine public, lorsque celui-ci est le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération, pour la gestion de ce domaine, non seulement l'intérêt du domaine et l'intérêt général, mais encore les diverses règles, tels que le principe d'égalité et l'interdiction de l'abus de position dominante prévu par l'article 82 du traité instituant la communauté européenne et les dispositions du code de commerce, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ; que la société SMEG soutient que, faute d'avoir tenu compte des investissements qu'elle avait réalisés sur le site, le port autonome du Havre ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité et abuser d'une position dominante, lui appliquer le même tarif qu'aux autres entreprises exerçant l'activité de stockage de farines animales ; que toutefois, elle ne peut utilement invoquer l'investissement qu'elle avait effectué dans le cadre de la convention conclue le 9 avril 1987 pour l'activité de stockage de céréales en vrac pour obtenir, au titre de l'activité de stockage de farines animales, qui n'était pas prévue par ladite convention, un tarif qui tienne compte de cet investissement ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que, par l'état exécutoire contesté, le port autonome du Havre, lui aurait appliqué un tarif ne correspondant pas à sa situation, et aurait méconnu le principe d'égalité et abusé d'une position dominante ;

Considérant que l'état exécutoire contesté par lequel le port autonome du Havre a appliqué à la société SMEG des conditions financières d'utilisation du domaine public, n'a pas eu pour effet de priver la société SMEG de sa propriété ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au respect des biens, n'ont pas été méconnues ;

Considérant que par une décision du 18 avril 2002, le directeur général du port autonome du Havre a mis fin, au motif de la faute contractuelle que représenterait l'utilisation du silo de stockage de céréales pour le stockage de farines animales, à l'autorisation d'outillage privé accordée à la société SMEG par la convention du 9 avril 1987 ; que si la société SMEG soutient que cette décision a notamment méconnu les stipulations de la convention du 9 avril 1987, ainsi que les diverses règles précitées tels que le principe d'égalité, l'interdiction de l'abus de position dominante et le respect des biens, l'état exécutoire contesté n'a pas été pris en application de ladite décision ; qu'ainsi la société SMEG ne peut utilement, pour s'opposer à l'état exécutoire du 20 décembre 2002, exciper de l'illégalité de la décision du 18 avril 2002 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société SMEG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que le Tribunal prononce la décharge de l'obligation de payer la somme de 510 401,10 euros dont le paiement a été réclamé par l'état exécutoire du

20 décembre 2002 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de la condamner à payer au port autonome du Havre une somme de

1 500 euros à ce même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SMEG est rejetée.

Article 2 : La société SMEG versera au port autonome du Havre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMEG et au port autonome du Havre.

Copie sera transmise au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.

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N°04DA00627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA00627
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Alain Stéphan
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL PICHAVANT - CHETRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-14;04da00627 ?
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