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29/12/2006 | FRANCE | N°06DA01133

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 29 décembre 2006, 06DA01133


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2006 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 21 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Srecko X, demeurant à ..., par Me A ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601848 du 17 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2006 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fi

xant le pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2006 par télécopie et confirmée par la production de l'original le 21 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Srecko X, demeurant à ..., par Me A ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601848 du 17 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2006 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'audience devant le tribunal administratif s'est tenue au-delà du délai de soixante-douze heures prévu par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle est donc irrégulière ; que l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas suffisamment motivé ; que l'arrêté est dépourvu de base légale faute d'avoir reçu notification du rejet de sa demande d'asile ; que le préfet a à tort fondé son arrêté sur l'interdiction d'entrée dans l'espace Schengen prise par les autorités allemandes et n'a pas pris en compte sa situation personnelle actuelle ; que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la présence des membres de sa famille en France et de l'état de santé de sa mère ; que la décision fixant le pays de destination est pour les mêmes motifs insuffisamment motivée, entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation et contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision du 22 août 2006 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu l'ordonnance en date du 24 août 2006 fixant la clôture de l'instruction au 30 septembre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2006, présenté par le préfet de la Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée ; que M. X a eu connaissance du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA puisqu'il a déposé un recours devant la CRR ; qu'il n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et pouvait donc faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que l'intéressé était en situation irrégulière et qu'il n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il est célibataire et sans charge de famille, n'apporte aucune preuve de la gravité de la maladie de sa mère et que les membres de sa famille ne sont pas en situation régulière sur le territoire ; qu'il n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays ;

Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2006 rouvrant l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2006, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'en raison de son appartenance au peuple Rom, il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur, M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours (…) » ; qu'en application de ces dispositions, un étranger a droit à séjourner en France, dès lors qu'il a relevé appel devant la Commission des recours des réfugiés de la décision de rejet du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides jusqu'à la notification de la décision de cette dernière ;

Considérant que M. Srecko X fait valoir que l'arrêté litigieux est dépourvu de base légale dès lors qu'il n'a pas reçu notification du rejet de sa demande d'asile ;

Considérant que si le requérant ne justifie pas avoir déposé une demande d'asile sous le nom de Srecko X, il résulte des pièces du dossier et notamment des éléments fournis par le préfet de la Seine-Maritime que l'intéressé était titulaire d'un récépissé délivré par le préfet du Nord valable du 15 novembre 2005 au 14 février 2006 à la suite de la demande d'asile qu'il avait déposée sous l'identité de Y; qu'il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a formé sous ce dernier nom un recours le 30 juin 2005 contre la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Commission des recours des réfugiés ainsi que l'établit un courrier du 12 juillet 2005 émanant de cette instance accusant réception de ce recours ; que dès lors, conformément aux dispositions précitées, M. Srecko X alias Z bénéficiait du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier et qu'il n'est pas allégué par l'administration que ladite Commission avait statué sur le recours de l'intéressé à la date de l'arrêté attaqué ; que, dans ces conditions, le préfet ne pouvait sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider par son arrêté du 11 juillet 2006 la reconduite à la frontière de M. Srecko X alias Y;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. Srecko X alias Z est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté de reconduite pris à son encontre le 11 juillet 2006 par le préfet de la Seine-Maritime ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu' il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de M. Srecko X alias Z dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. Srecko X alias Z ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0601848 du 17 juillet 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen, l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 11 juillet 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Srecko X alias Z et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la situation de M. Srecko X alias Z dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 800 euros à Me A, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Srecko X alias Z, au préfet de la Seine-Maritime et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°06DA001133 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Câm Vân (AC) Helmholtz
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : HANCHARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/12/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA01133
Numéro NOR : CETATEXT000018003514 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-12-29;06da01133 ?
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