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13/03/2007 | FRANCE | N°04DA00980

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 13 mars 2007, 04DA00980


Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme HENRI GOLDFARB, venant aux droits de la société anonyme Eleor, dont le siège est sis 75 rue Parmentier à Paris (75011), par la SCP d'avocats Thierry Lefebvre et Associés ; la société HENRI GOLDFARB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103650 en date du 19 octobre 2004 du Tribunal administratif de Lille en tant que ledit tribunal n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémenta

ires à l'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur cet impôt,...

Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme HENRI GOLDFARB, venant aux droits de la société anonyme Eleor, dont le siège est sis 75 rue Parmentier à Paris (75011), par la SCP d'avocats Thierry Lefebvre et Associés ; la société HENRI GOLDFARB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103650 en date du 19 octobre 2004 du Tribunal administratif de Lille en tant que ledit tribunal n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur cet impôt, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er mai 1995 au 31 décembre 1995, mises en recouvrement le 30 juin 2000, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la remise en cause d'avoirs fiscaux n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, d'une part en effet, l'avoir fiscal ne peut être appréhendé comme un revenu par la procédure de répression des abus de droit dès lors que le contribuable n'aurait aucun intérêt à dissimuler la perception d'un revenu qu'il ne peut employer qu'en en révélant l'existence à l'administration des impôts ; que c'est donc au stade de l'affectation de l'avoir fiscal au paiement de l'impôt sur les sociétés que l'administration a cru pouvoir déceler et réprimer un abus de droit ; qu'il s'agit, dès lors, de l'imputation d'un crédit sur une dette d'impôt, c'est-à-dire de son paiement ; que, d'autre part, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut être appliqué à l'imputation d'un avoir fiscal, cette opération étant sans effet sur l'assiette de l'impôt ; que la mise en oeuvre des dispositions des articles 158 bis et ter du code général des impôts vient augmenter et non diminuer le bénéfice imposable ; que les jurisprudences qui ont admis l'application de l'article L. 64 à des cas dans lesquels l'assiette de l'impôt n'était pas en cause sont relatives à la liquidation de l'impôt, qui en affecte le montant alors que tel n'est pas le cas de son paiement ; qu'il suit de là qu'un acte qui ne conduit pas à la dissimulation de la réalisation ou d'un transfert de bénéfices n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 64 ; qu'en outre, l'article L. 64 qui répond à une logique répressive compte tenu de l'amende encourue implique qu'il soit interprété strictement ; qu'elle est fondée, enfin, à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative 13-L-1532 du 1er avril 1995 qui précise que les dispositions de l'article L. 64 concernent exclusivement la procédure d'assiette de l'impôt ; qu'il suit de là que la procédure de répression des abus de droit n'est pas applicable lorsque aucun élément imposable n'a été dissimulé, que la base d'imposition a été correctement établie et que l'administration ne remet en cause que le moyen de paiement de l'impôt ; qu'il ressort, d'ailleurs, de l'instruction postérieure du 26 juin 2002 (BOI 14 B 3-02) que la remise en cause de l'avoir fiscal n'a pas pour conséquence d'établir une imposition mais seulement de rejeter un moyen de paiement de l'impôt ;

- que c'est à tort que l'administration a retenu l'existence en l'espèce d'un abus de droit alors qu'aucune fraude à la loi n'a été commise ; que l'exposante n'a pas vu sa charge fiscale allégée ; que l'impôt dû est payé, en tout ou partie, par les avoirs fiscaux dans le cadre de distributions dont la réalité n'est pas remise en cause ; que, dès lors, la condition tenant à ce que la motivation fiscale ait été exclusive de toute autre motivation n'est pas remplie ; que le service reconnaît la validité des opérations réalisées par la société, ne contestant ni la qualification, ni la réalité de l'opération d'achat revente des titres, de la distribution des dividendes et des avoirs fiscaux y attachés, et n'alléguant pas qu'une disposition légale ou réglementaire interdirait la distribution et la perception de dividendes dans les jours qui suivent une acquisition, prohiberait l'utilisation des avoirs fiscaux attachés à la distribution incriminée ou l'acquisition de parts sociales avant une distribution éventuelle, imposerait enfin un délai de conservation minimum après une distribution ; que l'administration n'établit pas que la société aurait dissimulé ses activités réelles ou sa situation réelle pour essayer d'échapper à l'impôt ; que le seul fait d'utiliser un régime fiscal de faveur n'est pas caractéristique d'un abus de droit ; que c'est à tort que le service a fait valoir que les opérations litigieuses constitueraient une fraude à l'esprit de la loi du 12 juillet 1965 ; que la compensation entre les dividendes perçus et la perte résultant de la revente des titres, n'est le résultat d'aucun montage mais résulte de l'application des obligations comptables et des règles fiscales ; qu'en l'absence de cession des titres, il y aurait eu constatation d'une perte du fait de la distribution, par le biais de la dotation d'une provision pour dépréciation des titres, qui aurait également été imputée sur les dividendes reçus ; que si l'administration a reproché à l'exposante d'avoir réalisé une opération de revente des titres après distribution, cette opération n'a pas été systématisée ; que si pour écarter ce moyen le tribunal a retenu que l'abus de droit réside dans l'achat des titres, l'encaissement des dividendes des avoirs fiscaux et la revente des titres, il reste que le redressement opéré par l'administration ne porte pas sur la dépense faite pour l'achat des titres, lequel n'a pas été qualifié d'acte anormal de gestion, ni sur la moins value constatée à l'occasion de la revente mais uniquement sur l'imputation des avoirs fiscaux ; qu'enfin, l'opération incriminée a présenté un intérêt économique et financier, ainsi que des intérêts divers, relatifs au précompte mobilier, à des distributions rapides plutôt que ralenties et à l'amélioration des ratios financiers ; que le jugement attaqué qui s'est borné à alléguer que ces divers avantages étaient inopérants n'est pas suffisamment motivé ;

- que l'opération contestée permet, en outre, d'éviter une rupture d'égalité devant les charges publiques, anticonstitutionnelle et contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, résultant de la loi fiscale, les personnes morales ne pouvant bénéficier du remboursement des avoirs fiscaux lorsqu'elles ne disposent pas d'un bénéfice d'imputation suffisant ; que cette rupture injustifiée du principe d'égalité devant l'impôt a été reconnue par le Conseil constitutionnel et est également sanctionnée par les dispositions combinées de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de la même convention ; que le fait de refuser le remboursement de l'avoir fiscal aux sociétés qui n'ont pas réalisé suffisamment de bénéfices pour imputer cet avoir fiscal les prive et les dépossède d'un bien, constitué par une créance sur le Trésor ; qu'une telle atteinte au droit de propriété ne peut être admise que si elle n'est pas discriminatoire ; que la différence de traitement entre les contribuables qui n'ont pas suffisamment de revenus imposables pour imputer l'avoir fiscal et ceux qui en ont suffisamment, constitue une discrimination injustifiée eu égard à l'objet de l'article 158 bis du code général des impôts ; qu'il suit de là qu'à supposer qu'on puisse faire grief à l'exposante d'avoir été l'instrument du transfert d'une masse d'avoirs fiscaux sur des sociétés dégageant des résultat positifs, le caractère inconstitutionnel et

anti-conventionnel du dispositif légal indirectement revendiqué par l'administration rend légitime l'opération incriminée qui permet de rétablir l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que, par ailleurs, l'usage d'une notion d'abus de droit mal définie est contraire au principe de sécurité juridique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2005, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; le ministre soutient :

- que la remise en cause d'avoirs fiscaux entre bien dans le champ d'application de l'article

L. 64 du livre des procédures fiscales ; que ces dispositions ne sont, en effet, pas cantonnées à la seule diminution de la base imposable ; que l'avoir fiscal, qui a la double nature d'un revenu et d'un crédit d'impôt, se rattache à l'assiette de l'impôt ; que l'article L. 64 précité ne s'applique pas qu'aux actes réduisant la base imposable par une dissimulation, dès lors que le recours à cette procédure est admis pour des actes conduisant à des exonérations de revenus ou des actes qui n'ont d'incidence que sur le taux de l'impôt applicable, lequel ne joue qu'au stade de la liquidation ; que la requérante n'est pas davantage fondée à prétendre que seules les opérations apparemment régulières permettant à un contribuable de ne pas se soumettre à l'impôt, peuvent être contestées par l'administration ; que le service a critiqué l'achat revente de titres en ce que la moins value réalisée lors de la cession de titres correspond exactement au montant de la distribution versée par sa filiale ; qu'alors que le bénéfice d'une distribution est censé augmenter la base imposable, cette dernière a été en l'espèce neutralisée ; qu'en outre, la requérante a bénéficié de l'avoir fiscal attaché à cette distribution fiscalement neutre ; que l'appréciation de la régularité de l'opération ne peut donc être opérée sans la prise en compte de l'absence de résultat imposable en résultant et du gain d'impôt provenant de l'avoir fiscal obtenu ; que l'abus de droit pour fraude à la loi, qui se définit par la recherche de l'atténuation de la charge fiscale, est plus large que celle de bénéfice ou de revenu à laquelle se réfère l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que l'économie finale d'impôt doit être prise en compte sans considération de son origine et de sa forme ; qu'enfin, la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'article L. 64 doit être apprécié strictement ; que, par ailleurs, elle ne peut se prévaloir de la documentation administrative 13-L-1432 du 1er février 1989, reprise en termes identiques sous la référence 13-L-1532 du 1er avril 1995, qui ne comporte aucune interprétation formelle différente de celle de la loi fiscale ;

- que l'abus de droit est constitué en l'espèce ; que, d'une part, l'administration a bien relevé des élément anormaux ; que s'agissant ainsi de la prétendue nature de placements financiers de l'opération, la société a non seulement engagé l'intégralité de ses liquidités mais a également dû réaliser un emprunt auprès de la société Parisse, également dirigée par M. X ; qu'eu égard à l'importance de l'opération qui dépasse les seules capacités financières, à la circonstance qu'elle a supporté des intérêts financiers importants sans percevoir de profit, hormis le bénéfice de l'avoir fiscal lui-même, la notion de simple gestion de trésorerie se trouve exclue ; que le montant des sommes en cause constitue un élément déterminant de l'abus de droit ; que s'agissant des conditions de réalisation de l'opération, la société Eleor n'a plus réalisé, à compter de son rachat par le groupe informel Maxime X, que des opérations financières à l'intérieur dudit groupe ; que l'actif des sociétés acquises, intégralement liquide, se prêtait à la réalisation d'une distribution importante ; que le montant distribué correspond exactement au montant de la moins value enregistrée lors de la revente des titres dix-sept jours après leur acquisition ; que cette distribution permet à la société de bénéficier d'un avoir fiscal imputable à hauteur des deux tiers sur les résultats des autres opérations ; que les titres en cause ont été cédés à une autre société du groupe ; que par conséquent la société n'a pas supporté les risques liés à une opération soumise au jeu de l'offre et de la demande ; que, d'autre part, l'intention d'éluder l'impôt a été établie ; que si la société se prévaut de l'absence de systématisation de l'opération et de ce que la conservation des titres après la distribution n'aurait pas modifié le résultat fiscal, il reste que le mécanisme de cette opération, qui permet de transférer une masse d'avoirs fiscaux sur des sociétés dégageant des résultats positifs au titre de l'exercice de versement, a été reproduit plusieurs fois au sein du groupe Maxime X ; qu'en tout état de cause, la systématisation ne constitue pas une condition de l'abus de droit ; que la constitution d'une provision aurait abouti à la même anormalité ; qu'à ce constat d'anormalités, s'est ajouté un but exclusivement fiscal ; que le seul intérêt des opérations est le transfert d'avoirs fiscaux conjugué à la déduction de la moins value qui permet d'éluder l'impôt ; que le montage consiste à bénéficier de l'avoir fiscal sans que le revenu soit imposé ; que la réalisation de cette opération ne résulte que de la soustraction volontaire de la société aux lois du marché grâce à l'intervention du groupe Maxime X ; que s'agissant de l'intérêt des opérations en capital, si la réduction des frais administratifs et une meilleure rentabilité des capitaux investis pouvaient justifier une distribution au niveau des sociétés acquises, celles-ci avaient vocation à être liquidées à la suite de ces distributions, ne possédaient plus aucun actif autre que leur trésorerie et n'avaient plus d'activité économique ;

- que le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les contribuables, résultant de la loi fiscale, ne peut être accueilli ; qu'en effet, le juge administratif ne dispose pas du pouvoir d'apprécier la constitutionnalité de la loi ; que, par ailleurs, le service n'a pas refusé de rembourser à la société un excédent d'avoir fiscal qu'elle n'aurait pu imputer sur l'impôt dû mais a remis en cause l'ensemble de l'opération, rétablissant ainsi les opérations telles qu'elles auraient dû être ; qu'aucune inégalité ne peut donc être constatée ; qu'enfin, la requérante ne peut invoquer le principe de sécurité juridique devant une juridiction française pour écarter une loi française dès lors que l'imposition contestée est uniquement régie par la législation interne et ne relève pas d'une réglementation communautaire ;

Vu l'ordonnance en date du 6 mars 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 7 avril 2006 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 avril 2006, présenté pour la société HENRI GOLDFARB, concluant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les opérations se sont déroulées dans des conditions de marché réelles ; qu'il appartenait à l'administration et non à l'exposante de démontrer que tel n'avait pas été le cas ; que les actionnaires des sociétés rachetées ont recherché leur seul intérêt en négociant la cession de leurs titres, ce qui est la preuve de conditions réelles de marché, s'agissant de titres non cotés pour lesquels on ne peut se référer au marché boursier ; que les décisions de distribution ont ensuite été prises selon les procédures internes de la société Eleor ; qu'en renversant la charge de la preuve et en considérant que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du seul fait des conditions dans lesquelles l'opération est intervenue, le tribunal a commis une erreur de droit ; que les seules « circonstances » ou conditions, non davantage précisées, dans lesquelles les opérations se sont déroulées ne constituent pas la preuve requise ;

Vu l'ordonnance en date du12 octobre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte la clôture de l'instruction au 15 novembre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2006, présenté par l'Etat, tendant à ce que la Cour décide qu'il n'y a plus lieu de statuer à hauteur du dégrèvement prononcé sur la majoration initialement appliquée et pour le surplus, au rejet de la requête ; il soutient que hors du champ d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a la faculté de faire échec à toute fraude à la loi ; que peuvent ainsi être écartés les actes qui n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable aurait normalement supportées s'il n'avait pas passé ces actes ; que dans les écritures antérieures, l'administration a expliqué les motifs qui l'ont conduit à considérer que l'opération d'achats et de revente dans le périmètre d'un même groupe et dans un laps de temps très bref était constitutive d'un abus de droit par transfert des avoirs fiscaux sans que les revenus correspondants ne soient finalement imposés ; qu'il est demandé à la Cour de retenir ce principe général de répression de la fraude à la loi comme nouvelle base légale des impositions supplémentaires, la société ayant bénéficié de toutes les garanties de procédure ; que compte tenu de la volonté manifeste de la société d'éluder l'impôt, l'application de la majoration de 40% prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas d'agissements de mauvaise foi est justifiée ; que la différence des taux de majoration entre l'abus de droit et la mauvaise foi donnera lieu à un dégrèvement ;

Vu l'ordonnance en date du 2 novembre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte la clôture de l'instruction au 15 décembre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2006, présenté pour la société HENRI GOLDFARB, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et en outre par les moyens que la demande de substitution de base légale n'est pas motivée, l'administration ne précisant pas ce que signifie le concept de fraude à la loi ni en quoi les motifs avancés par elle dans le présent litige pour considérer établie l'existence d'un abus de droit lui permettraient maintenant de conclure à l'existence d'une fraude à la loi ; que l'administration doit apporter la double preuve de la mise en place d'un montage ayant un effet fiscal et d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ; que les pénalités de mauvaise foi n'ont pas plus été motivées ; que l'administration ne caractérise pas l'élément intentionnel alors qu'en l'espèce, la société a utilisé un moyen de paiement détenu légalement du fait d'une distribution de dividendes réalisée dans le respect des règles régissant le droit des sociétés et a intégré les avoirs fiscaux en cause dans sa base imposable ; que l'administration n'explique pas en quoi cette action méconnaîtrait les intentions du législateur ; que le raisonnement de l'administration a été écarté par le commissaire du Gouvernement dans ses conclusions sous la décision JANFIN qui sont transposables en l'espèce ; que la recherche de l'existence d'un « montage » destiné à éluder l'impôt doit être appréciée uniquement au niveau de la société et non du groupe auquel elle appartient ; qu'un montage ne saurait constituer une fraude à la loi que si les éléments objectifs tels que l'absence de substance juridique ou économique des opérations démontrent son caractère purement artificiel ; que cette démonstration n'est pas apportée par l'administration ; qu'en l'espèce, la demande de substitution est irrecevable et infondée et la majoration de 40% pour mauvaise foi non exigible ;

Vu l'ordonnance en date du18 décembre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai reporte la clôture de l'instruction au 15 janvier 2007 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2007, présenté par l'Etat tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- les observations de Me Gabrielan, pour la société HENRI GOLDFARB ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par une décision du 22 novembre 2006, le directeur des services fiscaux Nord-Lille a prononcé un dégrèvement de 74 872 euros en ce qui concerne les pénalités auxquelles la SA HENRI GOLDFARB a été assujettie ; que les conclusions de la requête de la SA HENRI GOLDFARB sont devenues, dans cette mesure, sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne les droits :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 11 décembre 1995, la SA Rheo devenue Eleor aux droits de laquelle sont venues successivement plusieurs sociétés et en dernier lieu la SA HENRI GOLDFARB, a acquis des titres des sociétés Financière Dauphine, Finabo et Transports Porte ; qu'une fois les dividendes perçus les 22 et 23 décembre 1995, les titres ont été vendus le 28 décembre 1995, faisant ressortir des moins-values pour un montant à peu près égal à celui des dividendes encaissés hors avoir fiscal ; que les avoirs fiscaux ont permis à la société de régler la totalité de l'impôt sur les sociétés dont elle se déclarait redevable au titre de l'exercice clos en 1995 ; que lors d'une vérification de comptabilité, l'administration a regardé les opérations d'achat-revente des titres comme constitutives d'un abus de droit et remis en cause, en conséquence, l'utilisation des avoirs fiscaux en résultant en paiement de l'impôt ;

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, comme il en a le droit à tout moment de la procédure contentieuse dès lors qu'une telle substitution ne prive pas le contribuable des garanties prévues par la loi, entend, sur le fondement du principe général de répression de fraude à la loi, soutenir pour justifier le redressement initialement basé sur les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales que l'imputation par le contribuable sur ses impôts des avoirs fiscaux attachés aux dividendes qu'elle a perçus n'a d'autre objectif que l'obtention d'un avantage fiscal par une application littérale de l'article 158 bis du code général des impôts en contradiction avec les objectifs poursuivis par la loi ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le ministre en se référant aux motifs qui ont été exposés précisément dans son mémoire en défense devant la Cour enregistré le 23 février 2005 pour lesquels il considère que l'opération d'achat et de revente de titres réalisée, qui a donné lieu à distribution de dividendes et imputation d'avoirs fiscaux sur l'impôt dû, constitue une fraude à la loi, a produit au dossier des éléments qui ont permis au contribuable, qui l'a d'ailleurs fait, de discuter sous le contrôle du juge, de la nouvelle base légale invoquée ;

Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposable aux tiers ; que ce principe s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, le service, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposable certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'il établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe susrappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : par les sommes qu'elles perçoivent de la société ; par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base d'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt (…) » ; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code, alors applicable : « Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt (…) » ;

Considérant que la société Rheo, acquise le 30 octobre 1995 à hauteur de 100 % par la société Seurlin Immobilier, appartenant au groupe informel Maxime X, ensemble de sociétés dirigées ou contrôlées par le même actionnaire, n'a réalisé des opérations financières qu'avec des sociétés faisant également partie de ce groupe ; que le 11 décembre 1995, elle a acquis des actions de la société Financière Dauphine pour des montants de 5 054 800 francs et de 36 007 791 francs auprès respectivement des sociétés Financière Vaillant et Mobb, toutes deux membres du groupe Maxime X, des actions de la société Transports Porte pour 3 944 500 francs auprès de la société Tranports Urbains Choletais, autre membre du groupe, et enfin, des actions de la société Finabo pour 23 933 357 francs auprès de la société Financière de Loncke, également membre de ce groupe ; que, pour acquérir ces différents titres pour un montant total de 68 940 448 francs, la société Rheo qui avait cédé tous ses autres actifs le 27 octobre 1995 à l'effet de rendre la société totalement liquide, a engagé l'intégralité de ses liquidités d'un montant supérieur à 33 000 000 francs au 8 novembre 1995 et a recouru à un emprunt pour un montant de 35 940 448 francs auprès de la société Parisse, également dirigée par M. X ; que le 28 décembre 2005, la société Rheo devenue Eleor a revendu à la société Mobb Meubles Pilotes dirigée par M. X les actions des trois sociétés Financière Dauphine, Finabo et Transports Porte dont l'actif était totalement liquide et qui n'avaient plus d'activité économique, ne disposant plus d'aucun moyen humain ou d'exploitation pour des montants respectifs de 39 229 862 francs, 22 082 357 francs et 3 745 800 francs, soit une perte totale de 3 882 505 francs correspondant presque exactement au montant des dividendes encaissés les 22 et 23 décembre 1995, soit 3 881 000 francs hors avoir fiscal ; que cette distribution a permis à la société de bénéficier d'un avoir fiscal d'un montant de 1 940 500 francs imputable à hauteur des deux tiers, soit 1 293 666 francs, sur le résultat de ses opérations autres s'élevant à 1 251 695 francs qui a permis d'acquitter intégralement l'impôt dû au titre de l'année 1995 par imputation de cet avoir fiscal ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que la société requérante soutient, les opérations susdécrites n'ont pas été réalisées dans un but d'optimisation de ses placements financiers effectuée aux conditions du marché eu égard à l'importance des montants engagés qui dépassaient largement ses seules capacités financières puisqu'elle a non seulement investi l'intégralité de ses liquidités mais a également eu recours à un emprunt très important auprès d'une société faisant partie du même groupe à l'égard de laquelle elle a supporté des charges d'intérêts ; que la société ne justifie, comme elle le soutient, d'un réel intérêt économique et financier à acquérir des titres de sociétés même dotées d'un actif liquide, eu égard à la brièveté de la période de détention des titres ; que si la société requérante soutient, en outre, qu'elle aurait dû, en l'absence de revente des titres, constituer après le versement des dividendes des provisions pour dépréciation des titres d'un montant équivalent à la moins-value constatée, en sorte que son résultat eût été inchangé, de telles provisions auraient été, en tout état de cause, sans incidence sur la qualification au regard de la fraude à la loi des opérations litigieuses qui concernent non seulement la revente, mais également l'achat des titres et l'encaissement subséquent des dividendes et des avoirs fiscaux attachés ; que la société ne peut utilement, pour établir son propre intérêt économique ou financier à l'opération, invoquer les avantages autres que fiscaux tirés de l'opération par les sociétés distributrices des dividendes, tels que la disparition du risque de subir le précompte mobilier, les économies d'échelle réalisées pour les commissaires aux comptes du fait de la diminution de l'actif net et l'amélioration des ratios financiers pour les distributions ; qu'enfin, la baisse ultérieure du taux de l'avoir fiscal soulignée par la société n'est pas davantage de nature à faire constater un intérêt autre que fiscal ; qu'ainsi, l'administration établit que les opérations réalisées par la société en décembre 1995, qui n'ont généré aucun autre profit que l'avoir fiscal lui-même, ont eu pour seul intérêt le bénéfice des crédits d'impôt attachés aux avoirs fiscaux ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de la loi du 17 juillet 1965 codifiées par l'article 158 bis du code général des impôts ont eu pour objet, ainsi que le rappelait l'exposé des motifs, en instaurant l'avoir fiscal, d'éviter la double imposition des bénéfices affectés à la rémunération de l'épargne due à l'application cumulative de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu qui limite le revenu disponible entre les mains de l'actionnaire et de ne pas pénaliser le capital s'investissant dans les entreprises et qui en assume les risques ;

Considérant que si les dispositions dudit article permettent aux actionnaires, quel que soit le laps de temps de détention des titres, de bénéficier de l'avoir fiscal dès lors qu'ils sont titulaires de dividendes sur lesquels ils seront imposés et qu'ils supportent les risques inhérents aux différentes opérations d'achat et de revente soumises au jeu de l'offre et de la demande selon les lois du marché, le ministre relève en l'espèce que si les revenus auxquels étaient attachés les avoirs fiscaux ont été compris dans la base imposable, eu égard à l'absence de tout risque pour la société requérante dans la succession des différentes opérations d'achat et de revente effectuées dans le périmètre du groupe informel au mois de décembre 1995 et à la compensation parfaitement calculée entre le montant des achats, les pertes résultant de la vente et les dividendes distribués compte-tenu des liens de nature personnelle par l'intermédiaire d'un dirigeant commun entre les différents opérateurs, le transfert d'avoirs fiscaux réalisés, conjugué à la déduction de la moins-value constatée sur les titres a conduit en fait à l'absence de toute imposition ; que, compte-tenu des conditions précisément décrites et caractérisées par l'administration dans lesquelles les opérations litigieuses qui n'ont été dictées que dans un but exclusivement fiscal sont intervenues, peu important que lesdites opérations n'aient été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune règle applicable aux achats et reventes de titres et aux distributions de dividendes, l'administration doit être regardée comme établissant que la société Eleor aux droits de laquelle vient la SA HENRI GOLDFARB a bénéficié abusivement des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts alors applicable ; qu'elle était, dès lors, fondée à remettre en cause l'imputation par la société requérante des avoirs fiscaux attachés aux dividendes ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; que le ministre doit être considéré comme demandant la substitution des pénalités de mauvaise foi à celles initialement assignées pour abus de droit à concurrence des pénalités maintenues par le service ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : « I. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ; qu'il ressort de la notification de redressement du 7 septembre 1998, que pour appliquer les pénalités de 80 % pour abus de droit, l'administration s'est fondée sur la nature des redressements notifiés selon la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, devant la Cour, elle invoque les mêmes faits que ceux qu'elle avait retenus pour motiver les pénalités initialement appliquées ; qu'eu égard aux opérations susrelatées qui ont permis, ainsi qu'il vient d'être dit, à la société requérante de bénéficier abusivement d'avoirs fiscaux, l'administration établit l'absence de bonne foi de la société ; qu'il s'ensuit que le ministre qui n'était pas tenu, contrairement à ce que soutient la société requérante, de présenter une motivation propre aux pénalités de mauvaise foi, est en droit de demander le maintien, par substitution de base légale, des sommes correspondant aux pénalités pour abus de droit initialement appliquées à la société en se fondant sur l'article 1729-I du code général des impôts dans la limite du montant résultant de l'application du taux de cette nouvelle base légale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA HENRI GOLDFARB n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant de la remise en cause de l'imputation des avoirs fiscaux sur l'impôt sur les sociétés de l'année 1995, restant en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SA HENRI GOLDFARB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 74 872 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA HENRI GOLDFARB a été assujettie ainsi que les pénalités y afférentes, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SA HENRI GOLDFARB.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA HENRI GOLDFARB est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme HENRI GOLDFARB et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

N°04DA00980 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP THIERRY LEFEBVRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 13/03/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04DA00980
Numéro NOR : CETATEXT000018003638 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-03-13;04da00980 ?
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