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15/03/2007 | FRANCE | N°06DA01042

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 15 mars 2007, 06DA01042


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er août 2006 et son original enregistré le

2 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Thierry Y, demeurant ..., par la SCP J.P. et C. Sterlin à laquelle s'est substituée la SCP Frison, Decramer et associés ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401229 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. Patrick X, annulé l'arrêté du 19 avril 2004 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. Y à exploiter 33 hectare

s 82 ares de terres situées sur le territoire des communes de Ville-sur-Ancre, Morlanco...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 1er août 2006 et son original enregistré le

2 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Thierry Y, demeurant ..., par la SCP J.P. et C. Sterlin à laquelle s'est substituée la SCP Frison, Decramer et associés ; M. Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401229 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. Patrick X, annulé l'arrêté du 19 avril 2004 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. Y à exploiter 33 hectares 82 ares de terres situées sur le territoire des communes de Ville-sur-Ancre, Morlancourt et Sailly-Laurette ;

2°) de déclarer irrecevable la demande de première instance de M. X ou subsidiairement de la rejeter ;

3°) de condamner M. X à lui payer une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la demande de première instance présentée par M. X est irrecevable ; que l'intéressé n'avait aucun intérêt à contester en première instance la décision attaquée ; que le Tribunal administratif d'Amiens ne s'est même pas prononcé sur ce point ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis de la commission départementale n'a pas été soulevé par le requérant et n'a fait l'objet d'aucun débat devant la juridiction de première instance ; qu'il conviendra, en conséquence, d'annuler le jugement ; qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que la motivation de l'avis de la commission ait été insuffisante et, a fortiori, que cette prétendue insuffisance ait été telle que le préfet de la Somme n'ait pas été suffisamment éclairé par cet avis ; que le tribunal administratif ne reprend pas les termes du procès-verbal de la réunion de la commission, qui d'ailleurs n'a pas été produit ; que le préfet a bien précisé qu'il était pluriactif et candidat à l'installation, a pris en compte la surface préalablement exploitée par la cédante et en a déduit que l'opération était conforme aux orientations du schéma directeur départemental des structures de la Somme ; que la décision litigieuse était ainsi suffisamment motivée ; que la qualité de pluriactif ne fait pas obstacle à ce qu'il soit autorisé à exploiter les terres en litige ; qu'en effet, les dispositions du code rural et du schéma directeur départemental des structures de la Somme conduisent à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs quand bien même il serait pluriactif ; que le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en accordant cette autorisation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 7 août 2006 portant clôture de l'instruction au

15 novembre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2006, présenté pour M. Patrick X, demeurant ..., par la SCP Croissant, de Limerville, Orts, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir que le recours présenté en sa qualité de propriétaire est parfaitement recevable ; que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance ne saurait être valablement retenu ; que, contrairement à ce que soutient M. Y, il avait abordé le moyen tiré de la motivation de l'avis de la commission dans son mémoire en réponse suite à la communication par Tribunal administratif d'Amiens du procès-verbal de la commission adressée le

17 juin 2004 ; que l'arrêté préfectoral du 19 avril 2004 est insuffisamment motivé dès lors que le préfet n'indique pas en quoi l'opération envisagée serait conforme aux orientations du schéma directeur départemental ou en quoi elle serait contraire à ces orientations ; que les motifs retenus se bornent à de simples affirmations ; que le préfet aurait dû tenir compte du fait que la superficie du cédant est inférieure à l'unité de référence et donc en-dessous du seuil de viabilité et a ainsi commis une erreur d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 7 novembre 2006 et son original enregistré le 10 novembre 2006, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui fait siennes les conclusions présentées par l'appelant ; le ministre fait valoir que M. Y est fondé à soutenir que la demande de première instance introduite par M. X était irrecevable du fait de son défaut d'intérêt donnant qualité à agir ; que, bien que propriétaire des terres en litige, il n'est titulaire d'aucune autorisation d'exploiter et n'a présenté aucune demande à cet effet ; que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture était insuffisamment motivé et que, partant, la décision préfectorale devait être annulée ; que la décision du préfet de la Somme est motivée conformément aux dispositions de l'article L. 331-1 du code rural ainsi qu'à celles du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Somme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Peretti, avocat, pour M. Y ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, dans son mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2004 au greffe du Tribunal administratif d'Amiens, M. Thierry Y a soulevé une fin de non-recevoir, tirée de l'absence d'intérêt pour agir de M. X à laquelle les premiers juges ont omis de répondre dans le jugement par lequel ils ont accueilli la demande de ce dernier ; que, par suite, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité du jugement, qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. Y :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X avait délivré le 2 décembre 2003 congé à M. et Mme Y en raison de leur âge pour la reprise des terres à effet au 30 septembre 2006 et que les preneurs en place, qui souhaitaient céder ce bail à leur fils Thierry, ont été autorisés à user de cette faculté par décision du 18 mai 2006 de la Cour d'appel d'Amiens ; que M. X, propriétaire et bailleur des 33 hectares 82 ares de terres en litige, ayant en cette qualité conservé la possibilité de reprendre ces terres, était recevable à demander l'annulation de la décision du préfet de la Somme autorisant M. Thierry Y à exploiter les parcelles en litige ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 19 avril 2004 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

Considérant que l'article L. 331-3 du code rural dispose que : « L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande (…) » ; et mentionne les critères sur lesquels le préfet se fonde pour prendre sa décision ; qu'aux termes de l'article R. 331-6 du même code : « Au vu de l'avis motivé de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet prend une décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter. Cette décision est motivée (…) » ;

Considérant qu'il ressort de l'extrait du procès-verbal de la séance du 5 avril 2004 que la commission départementale d'orientation de l'agriculture de la Somme a prononcé un avis favorable sur la demande présentée par M. Thierry Y tendant à une reprise des terres appartenant à M. X et mises en valeur par sa mère, Mme Y Liliane, en faisant figurer en annexe les éléments de fait pris en compte ; que, toutefois, si la commission a entendu procéder à une comparaison des situations respectives du preneur en place et du demandeur à la reprise, elle n'a pas précisé les circonstances de droit sur lesquelles son avis reposait ni fait apparaître, par la seule lecture du tableau annexé, en quoi les éléments de fait retenus justifiaient son avis favorable ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a soutenu M. X, son avis doit être regardé comme insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article R. 331-6 du code rural ; que le défaut de motivation affectant l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture a entaché d'irrégularité la procédure au terme de laquelle le préfet de la Somme a pris la décision attaquée, qui doit, dès lors, être annulée ; qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, de condamner M. X à verser à M. Y la somme qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner M. Y à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0401229, en date du 22 juin 2006, du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de la Somme du 19 avril 2004 est annulée.

Article 3 : M. Y versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. Y au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry Y, au ministre de l'agriculture et de la pêche ainsi qu'à M. Patrick X.

Copie sera transmise au préfet de la Somme.

N°06DA01042 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA01042
Date de la décision : 15/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP FRISON-DECRAMER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-03-15;06da01042 ?
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