La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2007 | FRANCE | N°05DA01455

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 04 avril 2007, 05DA01455


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Joseph X, demeurant ..., par Me Desurmont ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302047 en date du 29 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille n'a pas fait entièrement droit à sa demande tendant à obtenir la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000 ainsi que des pénalités y afférentes, et a rejeté

sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de...

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Joseph X, demeurant ..., par Me Desurmont ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302047 en date du 29 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille n'a pas fait entièrement droit à sa demande tendant à obtenir la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 et 2000 ainsi que des pénalités y afférentes, et a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de

3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le tribunal administratif s'est mépris sur le fondement des redressements ; qu'ils n'ont pas été opérés en application des articles 109-1-2° et 111-c du code général des impôts mais, ainsi que le précise la notification de redressement, par application de l'article 109-1-1°, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, dans ce cadre, l'administration supporte la charge de la preuve dès lors qu'il n'a pas accepté les redressements ;

- qu'il y a indépendance de l'imposition de la société distributrice et du bénéficiaire de la distribution et que l'administration doit apporter la preuve de la distribution entre les mains du requérant des revenus prétendument distribués qui ne peut résulter, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de la seule conséquence du redressement de la société ; que l'administration n'apporte pas la preuve des redressements apportés aux résultats sociaux et de la mise à disposition effective de ces sommes au contribuable ; que la seule circonstance relevée par les premiers juges que M. X serait maître de l'affaire est insuffisante à établir un quelconque enrichissement personnel ; que l'administration n'a pu constater ni une appréhension de fonds au détriment de la société ni un enrichissement personnel du requérant ;

- que l'administration ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi, en particulier de l'élément intentionnel imputable à M. X ; que l'administration ne peut étendre automatiquement au requérant, pris à titre personnel, les irrégularités qu'il a pu commettre en sa qualité de gérant puisque la matière imposable dissimulée ne l'a été qu'au niveau de la société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ; il soutient :

- que l'imposition des rehaussements des bénéfices sociaux au nom de M. X a été notifiée sur le fondement des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts instituant une présomption de distribution des bénéfices qui ne sont pas demeurés investis dans l'entreprise ; que, dans la mesure où elles ont eu pour origine des recettes non déclarées, ces dissimulations de bénéfices constituent également par nature des distributions occultes au sens de l'article 111-c du même code ; que si, lorsque l'administration n'est pas en mesure de déterminer l'identité des bénéficiaires, il lui appartient, en application de l'article 117 dudit code, de demander à la société de les désigner, elle en est dispensée lorsqu'elle établit que certains associés sont, en raison de leur situation au sein de la société, les seuls maîtres de l'affaire, cette circonstance permettant par elle-même de les considérer comme les bénéficiaires réels des distributions ; que tel était le cas de M. X en l'espèce ; qu'en effet, la direction et la gestion effectives de l'affaire étaient concentrées entre ses mains ; qu'il effectuait les achats non déclarés, réalisés en espèces ; qu'il était seul à disposer d'un libre accès aux ressources de la société et a, en outre, déclaré avoir personnellement effectué les achats intracommunautaires non enregistrés dans la comptabilité de la société ; qu'il a, d'ailleurs, été condamné pour ces dissimulations par le Tribunal de grande instance de Valenciennes ; que compte tenu du mécanisme mis en place, la marge bénéficiaire dissimulée n'a pas été réinvestie dans l'entreprise alors que M. X en avait la libre disposition ;

- que la mauvaise foi de M. X est établie dès lors qu'il a procédé sciemment auprès de deux fournisseurs espagnols à des achats occultes qui se sont traduits par des recettes dissimulées ; que l'infraction n'a pu être découverte qu'à l'issue d'une opération de recoupement opérée auprès des fournisseurs étrangers ; que M. X en reconnaissant les faits a lui-même établi sa participation ; que, tant au regard du mode opératoire que de sa position dans l'entreprise, il est le bénéficiaire des distributions occultes ; que nonobstant l'indépendance des procédures d'imposition, la preuve de la mauvaise foi découle principalement des éléments de fait mis en évidence lors de la vérification de comptabilité de l'entreprise ;

- que le versement de sommes au titre des frais irrépétibles n'est pas justifié ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 janvier 2007, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens :

- que tout autre fondement légal que celui de l'article 109-1 1° retenu par l'administration dans la notification de redressement ne saurait être admis dès lors que les conditions d'application de l'article 109-1 2° et 111-c sont radicalement différentes et ne sont pas remplies en l'espèce ; que les précisions apportées par la doctrine DB 4-J-1212 n° 62 et n° 63 font obstacle à l'application de l'article 111-c ;

- que les premiers juges n'ont pas examiné si les conditions d'application de l'article

109-1 1° étaient remplies, statuant infra petita ;

- que les éléments retenus par les premiers juges n'étaient pas de nature à démontrer que M. X se serait comporté en véritable « maître de l'affaire » ; que la preuve de la confusion des patrimoines n'est pas rapportée ;

- que le montant des bénéfices présumés distribués ne doit pas comprendre la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux recettes dissimulées qui, faute d'être comprise dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés du fait du mécanisme de la déduction en cascade prévue par l'article

L. 77 du livre des procédures fiscales, ne saurait être retenue dans la masse des revenus distribués ; que l'impôt sur les sociétés et la contribution sur l'impôt sur les sociétés payés par la société Aux délices du Nord au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1999 doivent également être exclus ; que le dégrèvement sera accordé sur le fondement de ce moyen nouveau ; que si les pénalités étaient maintenues comme seules conséquences du comportement de M. X dans la société Aux délices du Nord, elles se heurteraient au principe « non bis in idem » ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 janvier 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 mars 2007, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs qu'il n'y a pas eu de désinvestissement de la SARL Aux délices du Nord au profit de M. X dès lors notamment que les activités occultes de la société se sont traduites par une augmentation des stocks ; que la procédure d'imposition menée à son encontre est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas informé la SARL Aux délices du Nord des possibilités de cascade dite complète ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- les observations de Me Desurmont, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a contesté devant le Tribunal administratif de Lille les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1999 et 2000, suite à l'intégration dans ses revenus imposables des revenus distribués résultant du redressement, effectué par l'administration, des résultats de la SARL Aux délices du Nord, dont il est le gérant, à raison de ventes non comptabilisées au cours desdites années ; qu'il relève appel du jugement confirmant lesdites impositions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que contrairement à ce que soutient M. X, les premiers juges se sont prononcés sur le désintéressement de la société Aux délices du Nord et sur l'appréhension desdites sommes par M. X ; qu'ils ont ainsi statué sur le litige dont ils étaient saisis ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier ;

Sur les droits :

Considérant qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés dans le capital. » ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration relève que M. X, gérant de la SARL Aux délices du Nord, détenteur de 50 % des droits sociaux, l'autre associée étant sa belle-soeur qui n'avait aucune activité dans l'entreprise, s'occupait personnellement de l'approvisionnement, des relations avec les fournisseurs, de la livraison et du paiement des marchandises, de l'accueil de la clientèle ; que son épouse, copropriétaire avec lui du fonds de commerce donné en location-gérance à la société, bien que n'étant ni salariée ni associée, s'occupait de la facturation des ventes, de leur encaissement effectif ainsi que du suivi comptable tant au niveau des achats que des ventes ; que M. X était le seul à disposer du libre accès aux ressources financières de l'entreprise qu'il a employées au paiement en espèces des achats non déclarés aux fournisseurs qu'il a reconnu avoir effectué personnellement ; qu'en faisant état de ces élements qui indiquent que M. X n'assurait pas la seule fonction de gérant mais concentrait entre ses mains la direction et la gestion effective de l'entreprise en disposant librement des fonds de celle-ci, l'administration établit que l'intéressé se comportait en maître de l'affaire et était en conséquence le seul bénéficiaire des revenus distribués par la société ;

Considérant, en deuxième lieu, que si dans la présente instance M. X conteste le désinvestissement de la société à son profit alors que par arrêt du 6 février 2007, la Cour de céans a rejeté la requête de la SARL Aux délices du Nord en confirmant les redressements de bénéfices assignés à ladite société, et qu'il a reconnu avoir procédé aux achats et ventes occultes au cours des années litigieuses, ses affirmations ne sont fondées que sur une démonstration théorique reposant sur des chiffres issus d'éléments comptables relatifs à des années postérieures ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X soutient que le montant des revenus distribués qui lui a été notifié sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ne peut comprendre en vertu de l'article 110 du même code le montant de la taxe à la valeur ajoutée non déductible au titre de la période relative aux années 1999 et 2000 à raison duquel la société a bénéficié de la déduction en cascade prévue par les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales et de l'impôt sur les sociétés ainsi que de la contribution à l'impôt sur les sociétés payés par la société au cours de l'exercice clos le

31 décembre 1999 ; que, toutefois, le ministre qui indique dans son mémoire en défense du

22 mai 2006 que l'imposition est également fondée sur les dispositions de l'article 111 c du code général des impôts, doit être considéré comme invoquant, à titre subsidiaire, lesdites dispositions ; qu'il est en droit de le faire dès lors que le contribuable n'a été privé d'aucune garantie de procédure ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : (…) c. Les rémunérations et avantages occultes » ; que, d'une part, contrairement à ce que le requérant soutient, la circonstance que l'imposition d'une distribution ait été initialement faite sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse fonder ce redressement sur les dispositions du c de l'article 111 du même code dès lors qu'il s'agit d'avantages occultes ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. X, qui doit être considéré comme ayant la maîtrise de la société, a reçu de cette dernière des avantages occultes résultant des ventes dissimulées incluant la taxe à la valeur ajoutée ; que, d'autre part, si les paragraphes 62 et 63 de la documentation administrative de base 4-J-1212 dont se prévaut M. X, relatifs aux rémunérations occultes visent les charges figurant régulièrement dans la comptabilité de l'entreprise qui rémunèrent au moins en apparence un service, ce document, dont le requérant donne une citation partielle, ne limite pas à cette seule définition les avantages occultes qui comprennent également les sommes ou valeurs qui peuvent ou non se retrouver en comptabilité ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé, en tout état de cause, à invoquer une interprétation formelle de la loi fiscale contenue dans la documentation administrative de base susmentionnée applicable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'enfin, dès lors que l'administration est en droit de fonder les impositions sur l'article 111 c du code général des impôts, le requérant ne peut utilement invoquer ni les dispositions de l'article 110 du code général des impôts qui précise les sommes à retenir pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, ni la documentation administrative de base 4-J-1121 n° 6 relative aux dispositions des articles 109-1-1° et 110 ;

Considérant, en dernier lieu, que M. X soutient qu'il a sollicité ainsi que la SARL Aux délices du Nord le bénéfice de la cascade conformément aux dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales et que l'administration en opposant un refus aurait méconnu les obligations d'information prévues par la loi ; que, d'une part, l'intéressé, personne physique passible de l'impôt sur le revenu, ne peut demander le bénéfice des dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, les irrégularités qui affecteraient la procédure menée à l'encontre de la société, sont, en tout état de cause, sans incidence sur l'imposition de M. X ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable :

« I. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.» ;

Considérant que l'administration, qui relève l'importance et la répétition des achats occultes opérés personnellement par M. X en sa qualité de gérant de la SARL Aux délices du Nord, qui se sont traduits par des recettes également dissimulées, établit l'absence de bonne foi de ce dernier compte tenu du mode opératoire des achats et des ventes occultes et de la circonstance que sa position au sein de l'entreprise lui a permis de disposer librement des bénéfices occultés ; que, dès lors, c'est à bon droit que les pénalités de mauvaise foi, qui ont été suffisamment motivées, ont été appliquées à M. X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, qui a statué sur l'ensemble du litige qui lui était soumis, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Joseph X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Joseph X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

N°05DA01455 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/04/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA01455
Numéro NOR : CETATEXT000018003745 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-04;05da01455 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award