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12/04/2007 | FRANCE | N°06DA01687

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 12 avril 2007, 06DA01687


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mamadou X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602876 en date du 24 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 31 octobre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé comme pays de destination celui dont il a l

a nationalité, à savoir le Mali ;

2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à ...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mamadou X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602876 en date du 24 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 31 octobre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière et a fixé comme pays de destination celui dont il a la nationalité, à savoir le Mali ;

2°) d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 31 octobre 2006 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 25 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation ;

Il soutient qu'il a dû fuir son pays et se séparer de son épouse, qui l'a rejoint deux ans plus tard, afin de ne pas risquer sa vie au Mali ; que l'arrivée en France des deux époux démontre qu'ils ne peuvent vivre dans leur pays d'origine ; que leur vie maritale s'est développée sur le territoire français, sur lequel deux de leurs enfants sont nés ; que ces derniers ne connaissent pas le pays d'origine de leurs parents et n'en parlent pas la langue ; qu'un retour dans leur pays d'origine aurait sur leur situation familiale des conséquences dramatiques, engendrant l'éclatement de la cellule familiale ; que les époux X seraient arrêtés et emprisonnés dès leur retour, rendant inévitable le placement de leurs enfants, aucune famille au Mali n'étant en mesure de les accueillir ; que M. X n'a pas quitté le territoire français depuis 2000 et Mme X y réside de façon interrompue depuis plus de quatre ans ; que le magistrat délégué du Tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la violation des stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et particulièrement en son article 3-1, au motif qu'elles n'ouvriraient aucun droit à l'intéressé ; que les problèmes sanitaires au Mali sont particulièrement sévères ; qu'il est donc contraire aux intérêts des enfants de M. X de retourner au Mali avec leurs parents ; qu'un certificat médical atteste d'ailleurs que leur enfant Y présente des infections ORL et pulmonaires à répétitions ; que, dans ces conditions, le jugement entrepris est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 22 décembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au

22 février 2007 à 12 heures ;

Vu la décision en date du 2 janvier 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2007 par télécopie et régularisé par l'envoi de l'original le 16 février 2007, présenté par le préfet de la Somme, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les décisions de reconduite à la frontière sont signées par une autorité compétente, et suffisamment motivées en ce qu'elles indiquent les considérations de fait et de droit qui ont conduit à leur prononcé ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. et Mme X ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les intéressés ne pouvaient bénéficier de plein droit du titre de séjour prévu à l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'ils ne sont pas isolés dans leur pays d'origine où résident huit de leurs frères et soeurs, les parents de Mme X et un de leur enfant ; que M. et Mme X n'entrent pas dans le champ des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'ils n'ont jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ils ne produisent qu'un certificat médical postérieur au jugement de première instance ; qu'ainsi ils n'établissent nullement que l'état de santé de leur enfant nécessite des soins non disponibles au Mali et qu'à défaut de les recevoir en France, cela aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en fixant le Mali comme pays de destination, conformément à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour, il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation puisque M. et Mme X ont vu leurs demandes d'asile rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission de recours des réfugiés, qu'ils se sont fait établir un passeport au Mali en 2002 et que le Mali figure sur la liste des pays sûrs, adoptée le 30 juin 2005 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que sa décision, au vu des précédentes considérations, est parfaitement légale et ne souffre d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, né en 1967 à Dialamby (Mali), de nationalité malienne, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 août 2006, d'un refus de titre de séjour en date du 17 août 2006 l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée et familiale :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X, arrivé en France en 2000, a eu deux enfants nés en France, avec son épouse, arrivée sur le territoire français en 2002, également en situation irrégulière et faisant l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux X seraient, dès leur retour au Mali, emprisonnés et leurs enfants placés, et qu'eu égard à la durée de leur séjour en France et en l'absence de toute circonstance les mettant dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux, les mesures prises à l'égard de M. X portent une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la mesure contestée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'application de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que M. X est père de deux enfants, dont l'un serait atteint d'une pathologie dont rien n'indique qu'elle serait particulièrement grave et ne pourrait être prise en charge au Mali ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. X à fin d'injonction doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mamadou X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N° 06DA01687 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SCP CARON - DAQUO - AMOUEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 12/04/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA01687
Numéro NOR : CETATEXT000018003794 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-04-12;06da01687 ?
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