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02/05/2007 | FRANCE | N°06DA01747

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 02 mai 2007, 06DA01747


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 décembre 2006, présentée pour M. Boris Humbert X, demeurant ..., par Me Darras ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603013 du 7 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de la Somme décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'annuler, par voie de conséquence, le refus

de renouvellement de son titre de séjour ainsi que l'invitation à quitter le territoire ;

4°) de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 décembre 2006, présentée pour M. Boris Humbert X, demeurant ..., par Me Darras ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603013 du 7 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de la Somme décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'annuler, par voie de conséquence, le refus de renouvellement de son titre de séjour ainsi que l'invitation à quitter le territoire ;

4°) de condamner le préfet de la Somme au versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que, contrairement à ce qu'a relevé le Tribunal administratif d'Amiens, il est entré régulièrement en France ; que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit en refusant le renouvellement de son titre de séjour en ce que, conformément au principe d'égalité, les articles L. 313-11 et

L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devaient être interprétés à la lumière de l'article L. 431-2 du code précité ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ce que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, puisqu'il a perdu son travail et son logement ; que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance du 10 janvier 2007 fixant la clôture de l'instruction au 12 mars 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre du 15 mars 2007, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré postérieurement à la clôture d'instruction le 23 mars 2007 par télécopie, présenté pour M. X en réponse à la lettre du 15 mars 2007, qui conclut à la recevabilité du moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour pour tardiveté ;

Vu la décision du 29 mars 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai prononçant l'admission à l'aide juridictionnelle totale de

M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et

M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Claude Stortz, président de chambre ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que

M. X, de nationalité ivoirienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 26 septembre 2006 du préfet de la Somme lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient être entré régulièrement en France muni un visa de tourisme ; qu'il est constant que l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'est pas motivé par l'irrégularité de l'entrée en France de M. X ; que, par suite, la circonstance qu'il aurait été muni d'un visa est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X conteste par voie d'exception l'arrêté du 26 septembre 2006 par lequel le préfet de la Somme lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour au motif qu'il ne remplissait aucune des conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour telles que prévues, notamment, par les dispositions de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison du décès de son épouse de nationalité française ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du

26 septembre 2006 du préfet de la Somme, rejetant la demande de renouvellement du titre de séjour de M. X a été présenté par la voie postale le 28 septembre 2006 à l'adresse qu'il avait indiqué à l'administration ; que bien que le pli contenant la notification a été retourné par le bureau de poste avec les mentions « n'habite pas à l'adresse indiquée » et « parti sans laisser d'adresse », la notification de l'arrêté du préfet de la Somme doit être réputée intervenue le

28 septembre 2006, jour de la présentation de l'envoi recommandé au dernier domicile signalé par l'intéressé à la préfecture et alors même que cet arrêté a été postérieurement remis en main propre à l'intéressé ; que, dans ces conditions, faute d'avoir fait l'objet d'un recours dans le délai de deux mois suivant sa notification, l'arrêté du 26 septembre 2006 était devenu définitif lorsque M. X a, le 27 décembre 2006, excipé de son illégalité à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ayant ordonné sa reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 4° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article

L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X s'est marié, le

30 octobre 2004, avec une ressortissante française, son épouse est décédée le 13 décembre 2005 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté contesté, il ne satisfaisait pas à la condition de communauté de vie posée par l'article L. 313-12 précité du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi M. X ne pouvait prétendre, contrairement à ce qu'il soutient, au renouvellement de plein droit de son titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X, en tant que conjoint de ressortissant français, n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au regroupement familial ; que, par ailleurs, il ne peut soutenir utilement que les dispositions législatives applicables aux étrangers mariés à un ressortissant français, en raison de leur caractère moins favorable, méconnaîtraient le principe d'égalité ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'avec son mariage il a fait le choix d'une vie privée et familiale en France, qu'il a pris seul en charge les obsèques de sa femme, et qu'il disposait d'un travail et d'un logement ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X entré en France en août 2003 à l'âge de 27 ans, et alors même que sa grand-mère maternelle, une tante, deux oncles et son frère séjourneraient régulièrement en France, il n'est pas établi que l'arrêté du 27 novembre 2006 du préfet de la Somme a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet de la Somme n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance que, postérieurement au refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposé, le requérant a perdu son emploi et son logement, n'est pas de nature à établir que le préfet de la Somme a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Boris Humbert X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de la Somme.

N°06DA01747 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Stortz
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : DARRAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Date de la décision : 02/05/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA01747
Numéro NOR : CETATEXT000018003903 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-02;06da01747 ?
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