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09/05/2007 | FRANCE | N°06DA00608

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 mai 2007, 06DA00608


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Chérif X, demeurant ..., par la SCP Mériaux-de Foucher-Guey-Chrétien ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402540 du 23 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1998 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Chérif X, demeurant ..., par la SCP Mériaux-de Foucher-Guey-Chrétien ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402540 du 23 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1998 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée ont été mises en recouvrement sans que ce redressement ait fait l'objet d'une notification de redressement ; que la doctrine administrative précise que la notification de redressement doit mentionner tous les impôts concernés par les redressements ; que l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des revenus distribués par la société L'Impérial n'est pas justifiée dès lors que les loyers payés par cette dernière à la SCI Ecgo ont fait l'objet d'une évaluation erronée de la part de l'administration ; qu'en effet, le prix de revient du local s'établit à 279 338 francs compte tenu des travaux réalisés ; que les termes de comparaison retenus par l'administration dans le centre commercial où se trouve le local en litige ne sont pas pertinents dès lors que ce local présente de nombreuses caractéristiques particulières qui lui confèrent une attractivité élevée ; que si l'administration s'appuie en réalité sur sa qualité d'associé pour asseoir le redressement, cette circonstance est inexacte dès lors qu'il avait cédé ses parts dans la SCI propriétaire au moment de la conclusion du bail commercial ; qu'il est fiscalement désavantagé par cette situation ; que la société L'Impérial, qui avait bénéficié d'un simple bail précaire de 23 mois consenti le 15 février 1989, pouvait légitimement supporter un loyer plus élevé à compter du 1er avril 1990 au titre du bail commercial qui a succédé au contrat précédent ; que les augmentations de loyers observées par la suite sont justifiées par les révisions calculées sur la base de l'indice du coût de la construction ; que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère anormal des loyers en litige ; que les frais de déplacement ne pouvaient, dans leur totalité, être rejetés des charges déduites par la société Y dès lors qu'il utilisait sa voiture pour se déplacer en moyenne deux fois par semaine pour se rendre à son cabinet comptable, son brasseur, ses fournisseurs et divers organismes ; que le Tribunal n'a pas examiné les justificatifs produits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et l'avis de dégrèvement, enregistré le

20 décembre 2006 ; le ministre conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés et au rejet du surplus des conclusions de la requête ; il soutient que les contributions sociales sont dégrevées ; que le montant du redressement n'est pas exagéré dès lors que, même en prenant en compte le prix des travaux réalisés dans le local commercial en litige, le loyer annuel est excessif dès lors qu'il représente le double du prix de revient du bien donné en location ; que la valeur fixée par le service n'est pas erronée dès lors qu'elle repose sur une évaluation de locaux analogues et comparables, situés dans le même centre commercial ; que cette valeur moyenne est corroborée par l'évaluation demandée au service du cadastre ; que le service s'en est tenu à la désignation des biens faisant l'objet du bail ; que rien ne permet d'affirmer que le loyer convenu initialement à titre précaire était normal en 1989, avant qu'il ne fut suivi par un véritable bail commercial ; qu'aucune modification de capital, ni de dirigeant concernant la SCI Ecgo n'a été enregistrée à la recette des impôts depuis sa création ; qu'aucun élément de comparaison plus pertinent n'est apporté par le contribuable ; qu'aucune justification produite en matière de frais de déplacement n'est probante ; qu'à titre subsidiaire, si la Cour faisait droit aux conclusions du contribuable relatives à l'imposition des revenus distribués par la société L'Impérial, les revenus fonciers de l'intéressé devraient être rétablis, par voie de compensation, à proportion des loyers reconnus justifiés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 avril 2007, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la notification de redressement est manifestement insuffisamment motivée dès lors qu'il était dans l'impossibilité de se prononcer sur les locaux de comparaison retenus, seulement caractérisés par leur surface ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- les observations de Me Bassi, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 12 décembre 2006 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Pas-de-Calais a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 8 890,98 euros, du complément de contribution sociale généralisée auquel M. X a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998, ainsi que des pénalités y afférentes ; que les conclusions de la requête de M. X relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…) » ;

Considérant qu'il résulte de la notification de redressement du 22 mai 2000 adressée à

M. X que la valeur locative du bar-brasserie de 53 m² occupé par la société L'Impérial dont il est associé a été appréciée par l'administration par comparaison avec les loyers afférents à quatre locaux commerciaux également situés dans le périmètre du centre commercial dit de la Grande Résidence à Lens ; que ces éléments de comparaison, repris sous la forme d'un tableau qui précise leur surface, le loyer pratiqué et la valeur de celui-ci ramené au m², étaient, compte tenu de la localisation du local dans la même galerie commerciale, suffisamment détaillés pour permettre au contribuable, comme il l'a d'ailleurs fait, de présenter utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressement doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les revenus distribués par la société L'Impérial :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme bénéfices distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (…) » ;

Considérant que par un contrat de bail d'une durée de 23 mois consenti le

15 février 1989, la société civile immobilière Ecgo a donné en location à la société L'Impérial le local de 53 m² à usage de bar-brasserie susmentionné moyennant le versement d'un loyer annuel de 180 000 francs ; que ce montant a été maintenu par le bail commercial signé le 1er avril 1990 entre les mêmes sociétés ; qu'en application de deux avenants à ce contrat de bail, le loyer annuel a été porté à la somme de 288 000 francs à compter du 1er avril 1993 ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée L'Impérial, l'administration a refusé la déduction de la fraction estimée anormalement élevée des loyers commerciaux acquittés par cette entreprise ; que M. X, à l'issue d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 1996 à 1998, a été imposé, en application des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts, à proportion du capital détenu par lui dans la société vérifiée, sur la différence entre les loyers acquittés par la société L'Impérial et ceux considérés comme normaux par l'administration ;

Considérant, en premier lieu, que les loyers payés par la société L'Impérial au titre des années 1996 à 1998 en litige ont été fixés, non par le premier contrat de location signé en 1989, mais par le contrat de bail commercial du 1er avril 1990 modifié par deux avenants signés en 1992 et 1993 ; qu'à ces dates, M. X était l'associé-gérant de la société Ecgo, bailleur, et de la société L'Impérial, locataire ; qu'ainsi, le contribuable contrôlait la société Ecgo lors de la signature du bail commercial et des avenants qui ont modifié les montants de redevances en litige ;

Considérant, en second lieu, que l'administration, après avoir déterminé la valeur locative du local en litige par référence à des locaux comparables et à sa valeur cadastrale, a ramené le montant du loyer en litige à 60 000 francs ; que M. X reproche au service d'avoir retenu un échantillon composé de locaux commerciaux qui ne tiennent pas compte des caractéristiques propres du local en litige et ne sont pas des termes de comparaison utilisables ; que, toutefois, le vérificateur, qui a relevé les loyers pratiqués pour quatre locaux de même importance situés dans le même centre commercial, a observé que le tarif de loyer le plus élevé s'établissait à

1 227 francs le m², soit un montant de 65 031 francs pour un local de 53 m² tel que celui en litige ; que le requérant, qui se borne à critiquer la composition de l'échantillon retenu par le service n'apporte aucune information, relative notamment à d'autres locaux, qui permettrait de remettre en cause la validité des termes de référence choisis par l'administration au sein de la même galerie commerciale et, au demeurant, approuvés par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par ailleurs, consulté pour avis, le service des Domaines a indiqué le 15 décembre 1999 que la valeur locative de l'immeuble s'élevait, au maximum à 60 000 francs ; que M. X soutient que cette valeur ne tient pas compte de la consistance exacte du local dans la mesure où celui-ci dispose de deux terrasses qui en accroissent la surface d'exploitation ; que, cependant, ainsi que le requérant l'indique

lui-même, ces surfaces supplémentaires ne sont pas mises à disposition par la société Ecgo mais par d'autres propriétaires et ne sont pas visées par le bail commercial du 1er avril 1990 qui, seul, a donné lieu aux loyers en litige ; qu'il n'est pas établi que l'administration n'a pas tenu compte des travaux réalisés dans le local dès lors que la comparaison avec les autres cellules commerciales a été faite, et l'avis du service des Domaines émis, après la réalisation des travaux réalisés dans le bar-brasserie ; que les circonstances que ce local est l'un des seuls du centre à disposer d'une ouverture autonome par l'extérieur, à être soumis à l'obligation d'exploiter exclusivement un fonds de commerce de brasserie en vertu du règlement de copropriété et à pouvoir céder librement sa propriété commerciale ne sont pas de nature à regarder les loyers convenus comme normaux dès lors que l'administration a retenu un montant par référence aux loyers les plus élevés de l'échantillon ; qu'enfin, si M. X soutient que la signature d'un bail de nature commerciale succédant à un simple bail d'occupation précaire a eu pour effet de procurer au locataire un surcroît de valeur économique qui justifiait une réévaluation de loyer, il est constant que le loyer fixé par ces deux baux était identique et ne tenait dès lors aucun compte de la valeur de la propriété commerciale procurée par le changement de régime juridique de l'occupation ;

Considérant que l'administration, qui apporte la preuve du caractère anormalement élevé des loyers facturés par la société Ecgo à la société L'Impérial, toutes deux contrôlées par le contribuable, établit que la déduction de la fraction supérieure à un montant annuel de

60 000 francs par la société L'Impérial procédait d'un acte anormal de gestion ; que, par suite, eu égard à la nature du redressement effectué au niveau de l'entreprise vérifiée, le service pouvait imposer personnellement M. X sur les sommes ainsi rapportées aux bénéfices de la société L'Impérial, à proportion des parts détenues par lui dans le capital de cette dernière ;

En ce qui concerne les revenus distribués par la société Y :

Considérant qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée Y, qui exerce une activité de brasserie située dans le centre commercial Continent à Calais, l'administration a refusé la déduction du remboursement à

M. X, gérant, de ses frais de déplacement des années 1997 et 1998 ;

Considérant que M. X soutient qu'il était amené à se rendre au moins deux fois par semaine au cabinet d'expertise comptable de l'entreprise ; que la réalité de ces déplacements n'est pas justifiée par la production d'une seule attestation dudit cabinet établie le

20 février 2003, postérieure de plusieurs années aux exercices litigieux et ne contenant aucune précision sur les dates de déplacements du gérant ; que l'existence d'un incident survenu en décembre 1998 au sein de l'établissement exploité par la société Y à Calais, justifiée par les pièces produites, n'est pas de nature à conclure que le contribuable était tenu de résider plusieurs fois par semaine à Calais et calculer ses frais kilométriques à partir de cette commune ; que la seule attestation du chef des ventes d'un fournisseur de boissons de la société Y, également établie en 2003, n'est pas de nature, par l'imprécision de ses énonciations, à établir la réalité d'un déplacement hebdomadaire à Lille ; qu'enfin, si le carnet d'entretien produit justifie de l'utilisation d'un véhicule par le contribuable, il n'apporte aucune précision sur le caractère professionnel des déplacements ; que, par suite, l'administration, qui était en droit de refuser la déduction des frais de déplacement déduits par la société Y, pouvait imposer personnellement M. X sur les sommes rapportées aux bénéfices de ladite société, à proportion des parts détenues par lui dans son capital ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 8 890,98 euros, en ce qui concerne le complément de contribution sociale généralisée auquel il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Chérif X.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Chérif X est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Chérif X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°06DA00608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00608
Date de la décision : 09/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP MERIAUX-DE FOUCHER-GUEY-CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-09;06da00608 ?
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