La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2007 | FRANCE | N°06DA00353

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 10 mai 2007, 06DA00353


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 mars 2006 et régularisée par la production de l'original le 8 mars 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE MAROMME, représentée par son maire en exercice, par la SCP Cisterne, Trestard et Cherrier ; la commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202190 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Datapuce à lui verser une indemnité de 52 957,51 euros et à prendre en cha

rge les frais d'expertise ;

2°) de condamner la société Datapuce à lui ve...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 mars 2006 et régularisée par la production de l'original le 8 mars 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNE DE MAROMME, représentée par son maire en exercice, par la SCP Cisterne, Trestard et Cherrier ; la commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202190 en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Datapuce à lui verser une indemnité de 52 957,51 euros et à prendre en charge les frais d'expertise ;

2°) de condamner la société Datapuce à lui verser une indemnité de 52 957,51 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande et la capitalisation desdits intérêts ;

3°) de condamner la société Datapuce à verser une somme de 3 383,50 euros au titre des frais d'expertise ;

4°) de condamner la société Datapuce à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'il résulte des pièces produites au dossier et de l'expertise que la société Datapuce a manqué à sa principale obligation à l'égard de la commune consistant à la fourniture d'un système monétique opérationnel capable de servir à l'usage auquel il était destiné ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, les constatations des désordres faites par l'expert démontrent que les griefs énoncés par la commune à l'encontre de la société Datapuce sont fondés en fait ; que les problèmes identifiés trouvent leur cause dans des manquements commis par la société, soit que celle-ci ait livré un matériel défectueux, soit qu'elle ait fourni des logiciels comportant des vices de conception ou encore qu'elle ait paramétré ceux-ci de façon défectueuse ; que les manquements imputés à la société Datapuce se rattachent bien au contrat de vente initial ; que la circonstance que la commune n'ait pas souscrit de contrat de maintenance est sans incidence sur la solution du litige ; que la somme de 45 957,51 euros est inférieure au coût de réparation du système tel que chiffré par l'expert ; que la commune a été dans l'incapacité réelle d'utiliser le système monétique vendu par la société Datapuce, l'obligeant à investir dans un nouveau système de sorte que la première acquisition l'a été à perte ; que la commune a été, en outre, contrainte de rémunérer plusieurs agents pour remédier de façon ponctuelle aux dysfonctionnements ; qu'elle est toutefois dans l'impossibilité de chiffrer avec exactitude le temps consacré par ses agents à la résolution des difficultés ; qu'il est dès lors demandé la somme de 7 000 euros à ce titre ; que les honoraires de l'expert d'un montant de 3 383,50 euros devront être mis à la charge de la société Datapuce ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 décembre 2006, présenté pour la société Datapuce, par

Me Bouzidi, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE MAROMME à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le montant total des commandes s'est élevé à 301 461,50 francs et a dépassé la somme prévue à l'article 321 du code des marchés publics ; que le marché conclu est dès lors nul compte tenu de l'absence de mise en concurrence et, par conséquent, la requête de la commune irrecevable ; que les réponses apportées par l'expert dans son rapport ne sont pas satisfaisantes dès lors que celui-ci a été dans l'impossibilité de reproduire les dysfonctionnements constatés par la ville de MAROMME ; que seule la question des cartes muettes a pu faire l'objet d'un contrôle objectif ; que la garantie des installations était d'un mois ; qu'aucun contrat de maintenance n'a été conclu par la commune ; que le système a été utilisé jusqu'en juin 2002 et que la commune aurait dû faire appel à un expert pendant cette période ; que l'expertise aurait ainsi pu être contradictoire et utile ; que les désordres allégués se rattachent à une période où la garantie avait expiré et qu'ils ne résultent pas d'un défaut de conception mais d'un défaut de maintenance ; que le problème constaté sur les cartes ne concernait qu'un faible nombre de ces cartes et que l'expert ne fait qu'émettre des suppositions sur l'origine des cartes muettes ; que rien ne permet à l'expert de conclure que le problème de la communication entre la borne mère et la borne esclave ne peut être qu'entièrement dû au mauvais fonctionnement des bornes ; qu'aucune démonstration n'est faite des désordres qui pourraient ressortir du logiciel Axel périscolaire ; que tous les problèmes mentionnés sont des problèmes d'exploitation et d'utilisation ; que le retrait des installations n'a pas permis de déterminer de manière certaine la cause des problèmes ; que la preuve des prétendus manquements contractuels n'est pas apportée ; que l'estimation du préjudice qu'aurait subi la commune faite par l'expert, qui n' a pas pris en compte la mauvaise utilisation du matériel et l'absence de contrat de maintenance, est grossière ; que la preuve du préjudice qu'aurait subi la commune n'est pas apportée ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2007, présenté pour la COMMUNE DE MAROMME qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'à la date de la signature du marché, le montant prévisible du prix de la prestation était inférieur au seuil prévu par l'article 321 du code des marchés publics ; que dans l'hypothèse où le contrat serait nul, la société serait dans l'obligation de restituer les versements effectués à son profit ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2007, présenté pour la société Datapuce qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'il n'est pas possible de remettre le système en l'état ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE MAROMME fait appel du jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 15 décembre 2005 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Datapuce à lui verser une indemnité de 45 957,51 euros correspondant au prix auquel elle a acquis auprès de ladite société un système monétique, qui s'est avéré non opérationnel, pour équiper les cantines des établissements scolaires municipaux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commande passée auprès de la société Datapuce le 27 juillet 2000 par la COMMUNE DE MAROMME portait à la fois sur la fourniture et l'installation d'un système de paiement par carte électronique ; que le bon de commande prévoyait notamment parmi les prestations relatives à l'installation, dans le cadre d'un forfait durant neuf mois à partir de la date d'installation , « le paramétrage AXEL, le test des terminaux, la formation des utilisateurs et des référents et l'assistance à la communication » ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, si ces prestations ne pouvaient être regardées comme constitutives du contrat de maintenance tel qu'il avait été proposé initialement par la société à la COMMUNE DE MAROMME, la société Datapuce était néanmoins tenue, en vertu de ces stipulations, de garantir par les interventions susdésignées le caractère opérationnel du matériel fourni ; que, par suite, la COMMUNE DE MAROMME est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire en se fondant sur la circonstance qu'elle n'aurait signé aucun contrat de maintenance et ne pouvait dès lors se prévaloir d'un préjudice résultant de difficultés inhérentes à la mise en place et l'exploitation d'un progiciel et d'un défaut d'assistance pour remédier auxdits désordres ;

Considérant qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande de la COMMUNE DE MAROMME ;

Considérant qu'aux termes de l'article 321 du code des marchés publics, relatifs aux travaux sur mémoires et achats sur factures, dans sa rédaction alors applicable, « il peut être traité en dehors des conditions prévues au présent titre : pour les travaux, les fournitures ou les services dont le montant annuel présumé, toutes taxes comprises, n'excède pas 300 000 francs. » ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble du dossier que, si le contrat unissant la COMMUNE DE MAROMME à la société Datapuce a représenté, après son exécution, un montant de prestations qui s'élève au total à une somme de 301 461,50 francs ( 45 957,51 euros) excédant le plafond de

300 000 francs susmentionné, il résulte de l'instruction que le montant présumé dudit marché, soit 241 592 francs (36 830,46 euros), tel qu'il pouvait normalement être évalué à la date à laquelle la commande a été passée, était inférieur à ce plafond ; que, par suite, la société Datapuce ne peut utilement invoquer la nullité du contrat en cause en tant qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article 321 du code des marchés publics précité ;

Considérant qu'il est constant que le système monétique, fourni et installé en « janvier/février 2001 », dans le cadre du contrat dont il s'agit, a été l'objet, dès le mois de juin 2001, d'une série de dysfonctionnements ; qu'il ressort de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si l'origine ou la cause de plusieurs d'entre eux n'a pu être décelée en raison de l'impossibilité de reconnecter le système abandonné par la commune, plusieurs désordres concernent le logiciel AXEL périscolaire et le paramétrage de celui-ci et que la société Datapuce a manqué de diligence pour chercher des solutions et mettre fin aux dysfonctionnements en cause ; que ces manquements aux règles de l'art en matière d'assistance sont ainsi de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Datapuce, tenue, en vertu des stipulations susrappelées du contrat en cause, de veiller à la fiabilité et au caractère opérationnel du matériel fourni ;

Considérant toutefois que si la COMMUNE DE MAROMME soutient qu'à la suite des dysfonctionnements subis, elle s'est trouvée dans l'obligation en juillet 2002 de faire l'acquisition d'un autre système monétique auprès d'une autre société, elle n'établit pas, alors qu'il est constant qu'à partir du mois de décembre 2001, elle n'a plus adressé de réclamation à la société Datapuce et qu'il n'est pas contesté qu'au mois de juin 2002, elle utilisait toujours le système livré par la société, que les seuls dysfonctionnements dont il s'agit ont été la cause de sa décision de ne plus utiliser le matériel de la société Datapuce ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de ce chef de préjudice ; qu'elle n'est pas davantage fondée à demander la somme non justifiée de 7 000 euros qui correspondrait à l'évaluation du temps consacré par les agents communaux à la résolution des difficultés rencontrées ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que le fonctionnement du matériel fourni peut être corrigé par une intervention technique dont la durée a été évaluée par l'expert entre quarante-quatre jours et quatre-vingt huit jours ; que compte tenu, d'une part, de l'imprudence de la commune qui n'a pas hésité à signer un contrat dont les subtilités des clauses pouvaient être sujettes à interprétation ainsi que, d'autre part, des dysfonctionnements susmentionnés du système fourni dont la cause n'a pu être déterminée, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la COMMUNE DE MAROMME en fixant le montant de sa réparation à 25 000 euros ; que cette indemnité allouée par le présent arrêt portera intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2002, date de la requête introductive de première instance de la COMMUNE DE MAROMME ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 mars 2006 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de

celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MAROMME est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté l'intégralité de ses demandes et, d'autre part, à demander l'annulation dudit jugement ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Datapuce les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 383,50 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Rouen en date du 14 mars 2005 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part, de faire application des dispositions susmentionnées et de condamner la société Datapuce à verser à la COMMUNE DE MAROMME la somme de 1 500 euros et, d'autre part, de rejeter la demande présentée par la société Datapuce à l'encontre de la commune sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 15 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : La société Datapuce versera à la COMMUNE DE MAROMME la somme de

25 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2002. Les intérêts échus à la date du 6 mars 2006 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés par ordonnance en date du 14 mars 2005 à la somme de 3 383,50 euros sont mis à la charge de la société Datapuce.

Article 4 : La société Datapuce versera à la COMMUNE DE MAROMME la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6: Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MAROMME et à la société Datapuce.

Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°06DA00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00353
Date de la décision : 10/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP CISTERNE et CHERRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-10;06da00353 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award