La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2007 | FRANCE | N°06DA01439

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 16 mai 2007, 06DA01439


Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605784 du 20 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Vishnukanthy X, d'une part, a annulé l'arrêté du préfet du Nord du 16 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, ensemble la décision distincte fixant le Sri Lanka comme pays de destination et, d'autre part, l'a condamné à verser à M. X une somm

e de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admini...

Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605784 du 20 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Vishnukanthy X, d'une part, a annulé l'arrêté du préfet du Nord du 16 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, ensemble la décision distincte fixant le Sri Lanka comme pays de destination et, d'autre part, l'a condamné à verser à M. X une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. X ;

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des menaces encourues par M. X en cas de retour dans son pays d'origine ; que les conditions posées par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas remplies en l'espèce ; que les documents produits par M. X sont démunis de caractère officiel et revêtus d'une signature illisible ; que les documents médicaux produits n'attestent pas que les lésions affectant M. X soient liées à des actes de torture ; que la commission de recours des réfugiés a émis des réserves sur l'authenticité de ces documents ; que

M. X n'a pas sollicité la réouverture de son dossier asile auprès de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que l'arrêté de reconduite à la frontière du 16 septembre 2006 n'est pas entaché d'incompétence ; qu'il est parfaitement motivé ; que M. X entre bien dans le champ d'application de l'article L. 511-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. X au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 6 novembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au 5 décembre 2006 à 16h30 ;

Vu l'ordonnance du 29 novembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 5 janvier 2007 et régularisé par la production de l'original le 18 janvier 2007, présenté pour M. Vishnukanthy X demeurant chez M. Y ..., par Me Koszcanski ; M. X demande au président de la Cour de rejeter la requête du PREFET DU NORD, de lui enjoindre la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X soutient que le PREFET DU NORD n'a pas procédé à un examen personnalisé de sa situation mais s'est contenté de viser les décisions de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés, entachant ainsi sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la demande de réexamen de sa situation auprès de l'OFPRA n'est pas abusive au regard des éléments nouveaux qu'il a produit concernant sa situation au Sri Lanka ; qu'il n'est pas en mesure de produire l'original du mandat d'arrêt délivré à son encontre le 19 juillet 2006, seule une copie certifiée conforme ayant été délivrée à son avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DU NORD relève appel du jugement du 20 septembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 16 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Vishnukanthy X, ensemble la décision distincte fixant le Sri Lanka comme pays de destination ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité sri-lankaise, entré en France en 2002, après que sa demande d'asile politique ait été rejetée par deux décisions du 24 septembre 2003 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et du

16 novembre 2004 de la commission de recours des réfugiés, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 février 2005, de la décision du 2 février 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées et pouvait, dès lors, légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille s'est fondé, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière sur l'erreur manifeste commise par le PREFET DU NORD dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. X ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, entré en France en 2002 après avoir vécu 23 ans au Sri Lanka, célibataire et sans enfant, a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où réside une partie de sa famille ; que si M. X a produit devant le Tribunal administratif de Lille la copie d'un mandat d'arrêt délivré par le Tribunal de grande instance de Jaffna à son encontre le 19 juillet 2006 en raison de l'« acte de prévention du terrorisme » ainsi que des attestations établies durant l'été 2004 par deux juges de paix sri-lankais établissant les dangers encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine, ces documents sont dépourvus de valeur probante faute de preuve de leur authenticité ; que, dès lors, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'aurait eu sur la situation personnelle de M. X l'arrêté de reconduite à la frontière du 16 septembre 2006 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;

Considérant, d'une part, que l'arrêté de reconduite à la frontière de M. X est signé par M. Christian Massinon, sous-préfet de Douai, qui a reçu délégation à cet effet en application de l'article 5 de l'arrêté du 28 août 2006, publié au recueil de des actes administratifs de la préfecture du Nord ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU NORD aurait pris cette décision sans procéder à un examen de la situation personnelle de M. X ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ;

Considérant que M. X soutient qu'en cas de retour au Sri Lanka, dans son pays d'origine, il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son engagement au sein du mouvement tamoule LTTE et du SOLT ; que, comme il a été dit précédemment, les documents produits par M. X à l'appui de son moyen sont dépourvus de valeur probante faute de preuve de leur authenticité ; que si, en outre, M. X soutient qu'il appartient à une famille fortement impliquée au sein des mouvements tamouls, il ne démontre pas la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que par suite, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 16 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, ensemble la décision distincte fixant le Sri Lanka comme pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 16 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions de M. X à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ces conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0605784 du 20 septembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille est annulé et la demande de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. X devant la Cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU NORD, à M. Vishnukanthy X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

N°06DA01439 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : KOSZCZANSKI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 16/05/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA01439
Numéro NOR : CETATEXT000018003884 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-16;06da01439 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award