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16/05/2007 | FRANCE | N°07DA00266

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 16 mai 2007, 07DA00266


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 février 2007 et régularisée par la production de l'original le 23 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Joao X, demeurant chez M. Y, ..., par la SELARL Eden ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700032, en date du 10 janvier 2007, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 8 janvier 2007 du préfet de l'Eure décida

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 février 2007 et régularisée par la production de l'original le 23 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Joao X, demeurant chez M. Y, ..., par la SELARL Eden ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700032, en date du 10 janvier 2007, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 8 janvier 2007 du préfet de l'Eure décidant sa reconduite à la frontière et son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays qui lui aurait délivré un titre de voyage en cours de validité ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué était, comme l'a retenu à juste titre le jugement attaqué, dépourvu de base légale, les dispositions de l'article L. 511-1-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il est exclusivement fondé n'étant plus en vigueur à la date à laquelle cet acte a été pris ; que, toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucune substitution de base légale ne peut être opérée pour faire échec à ce moyen, une telle substitution ayant pour effet de priver l'exposant de garanties procédurales que le législateur a entendu instituer pour encadrer le nouveau régime juridique de l'obligation à quitter le territoire, ce que prohibe la jurisprudence ; que l'exposant était en situation, à la date de l'arrêté attaqué, de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, les dispositions de l'article

L. 511-4 du même code faisaient obstacle, eu égard à l'aggravation de son état de santé, à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre, tout déplacement étant susceptible de fragiliser davantage cet état ; qu'en effet, contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge, il est suffisamment établi par les pièces versées au dossier que l'état de santé de l'exposant a connu une aggravation depuis le 3 août 2006, date à laquelle le médecin inspecteur de la santé publique, consulté par le préfet sur la demande de titre de séjour formée par l'exposant, a rendu son avis ; qu'au vu de ces éléments, dont il disposait à la date à laquelle il a pris l'arrêté attaqué, le préfet de l'Eure aurait dû consulter à nouveau le médecin inspecteur et ne pouvait se prononcer seul sur la possibilité pour l'exposant de recevoir des soins adaptés en Angola, alors que l'état de santé de

celui-ci était manifestement différent de celui porté à la connaissance du médecin inspecteur ; qu'eu égard à son état de santé dégradé, à la présence en France de plusieurs membres de sa famille qui lui apportent un soutien constant et à l'ancienneté du séjour en France de l'exposant, l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa vie privée et familiale ; que, dès lors que ses proches, restés en Afrique, ont quitté depuis longtemps l'Angola, l'arrêté attaqué, en tant qu'il désigne ce pays comme destination, a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mars 2007, par laquelle le magistrat délégué par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 13 avril 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 11 avril 2007 et confirmé par la production de l'original le 16 avril 2007, présenté par le préfet de l'Eure ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il soutient que la substitution de base légale opérée par les premiers juges l'a été valablement et n'a eu pour effet de priver le requérant, contrairement à ce qu'il soutient, d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ; que M. X était dans la situation visée au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisait l'administration à prononcer sa reconduite à la frontière ; que, dès lors que l'aggravation alléguée de l'état de santé de M. X n'est pas établie, le médecin inspecteur de santé publique n'avait pas à être de nouveau consulté préalablement au prononcé de la mesure d'éloignement litigieuse ; qu'ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, M. X ne démontre pas par les pièces qu'il produit que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ne démontre, en outre, pas davantage qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine ; que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que l'intéressé, entré irrégulièrement en France et qui est sans ressource, a conservé des attaches à l'étranger, son épouse et ses trois enfants demeurant vraisemblablement, contrairement à ce que se borne à alléguer le requérant, dans son pays d'origine ; que la circonstance que des cousins et un oncle de M. X résideraient en France est insuffisante a établir, dans ces conditions, que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant, dont les deux demandes d'asile successives ont été rejetées par des décisions définitives, n'apportant ni précision, ni justification suffisantes de la réalité des risques dont il fait état ;

Vu l'ordonnance en date du 13 avril 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 avril 2007, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; M. X soutient, en outre que, contrairement à ce qu'il est soutenu en défense, il n'appartient pas à l'étranger de faire la démonstration au préfet, avant toute mesure de reconduite, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il appartient, en revanche, au préfet de solliciter l'avis du médecin inspecteur de santé publique dès lors qu'il a connaissance d'une évolution de l'état de santé de l'intéressé et principalement lorsque celui-ci souffre, comme en l'espèce, d'une affection évolutive ; que l'état sanitaire de l'Angola ne permet évidemment pas d'envisager un traitement efficace, dans ce pays, de la pathologie dont souffre l'exposant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2004 relative à l'immigration et à l'intégration et notamment son article 52 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- les observations de Me Demir, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêté attaqué en date du 8 janvier 2007, le préfet de l'Eure a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant angolais, et a décidé que l'intéressé devait être reconduit vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout pays dans lequel il serait admissible, en se fondant sur les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui visaient le cas de l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour avait été refusé ou dont le titre avait été retiré et qui s'était maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification dudit refus ou du retrait ; que ces dispositions ayant été abrogées à une date antérieure à celle à laquelle l'arrêté de reconduite attaqué a été pris, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a fait droit, pour rejeter la demande de M. X tendant à l'annulation de cet arrêté, à la demande de substitution de base légale présentée par le préfet et a estimé que cet arrêté pouvait légalement être fondé sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du même code ; que M. X forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; » ; que M. X n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière en France ; qu'ainsi, il se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées, qui autorisait le préfet de l'Eure à décider sa reconduite à la frontière ; que, contrairement à ce que persiste à soutenir le requérant en appel, la substitution de base légale ainsi opérée par le premier juge n'a pas pour effet de priver l'intéressé de garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi, le préfet disposant, en outre, du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une et l'autre des deux dispositions sus-rappelées ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (…) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : « Ne peuvent faire l'objet (…) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que M. X soutient qu'eu égard à son état de santé, d'une part, il se trouvait à la date de l'arrêté attaqué dans la situation visée par les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant de prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », d'autre part, qu'il figurait parmi les étrangers mentionnés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du même code qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, saisi pour avis sur la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. X, le médecin inspecteur de santé publique a estimé le 3 août 2006 que si l'état de santé de l'intéressé, qui avait été victime d'une fracture du fémur, nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge n'était pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. X pouvant, au surplus, bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si le requérant soutient que son état de santé se serait aggravé depuis lors, il ne l'établit pas par les seuls certificats et documents médicaux qu'il produit, qui, s'ils révèlent l'existence d'un retard de consolidation de la fracture dont a été victime M. X, font apparaître par ailleurs que l'intéressé a retrouvé une autonomie pour la réalisation des gestes essentiels de la vie courante et mentionnent que l'appui sur sa jambe est désormais autorisé ; qu'au vu de ces seuls certificats médicaux, le préfet a pu, à bon droit, prononcer, par l'arrêté attaqué, la reconduite à la frontière de l'intéressé sans recueillir préalablement un nouvel avis du médecin inspecteur de santé publique ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées pour soutenir, d'une part, qu'il était en situation de bénéficier de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, qu'il ne pouvait, eu égard à son état de santé, faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en second lieu, que si M. X, qui a déclaré être entré en France en 2002, fait état de la présence de cousins et d'un oncle, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions et eu égard à ce qui précède ainsi qu'à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa vie privée et familiale ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'au soutien des conclusions qu'il dirige contre l'arrêté attaqué en tant qu'il désigne l'Angola comme pays de destination, M. X fait valoir que ses proches restés en Afrique auraient quitté depuis longtemps l'Angola ; qu'il n'apporte, toutefois, aucun élément à l'appui de cette allégation ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. Joao X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joao X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°07DA00266


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 16/05/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA00266
Numéro NOR : CETATEXT000018003919 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-16;07da00266 ?
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