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05/06/2007 | FRANCE | N°06DA01490

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 juin 2007, 06DA01490


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Hubert X, demeurant ..., par Me Delerue ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407413 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 ainsi que des pénalités y afférentes et à ce que l'Etat supporte les dépens et lui verse une somme de
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Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Hubert X, demeurant ..., par Me Delerue ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407413 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 ainsi que des pénalités y afférentes et à ce que l'Etat supporte les dépens et lui verse une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le Tribunal n'a pas répondu aux nombreuses critiques de la demande apportées aux méthodes d'évaluation des parts de la société Eautex retenues par l'administration ni au moyen tiré de ce qu'une autre transaction effectuée à la même époque n'avait pas été remise en cause ;

- que l'administration ayant retenu une valeur des parts supérieure à celle proposée par la commission de conciliation, elle supporte la charge de la preuve d'une insuffisante évaluation des parts sociales ;

- que compte tenu de la nature de l'activité de la société Eautex, de la circonstance qu'il s'agissait d'une société fermée sans qu'aucun autre associé que M. X ait d'activité dans la société, et que M. X jouait les rôles de gérant et de directeur administratif, technique, de fabrication et de logistique, la valeur des parts de la société est très relative et liée à la présence de M. X au sein de la société ;

- que pour la détermination de la valeur des parts, il y a lieu de tenir compte d'une autre transaction effectuée par la société MTCB à M. Y dont l'évaluation n'a pas été remise en cause ;

- que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, M. X a critiqué de manière sérieuse les méthodes d'évaluation retenues par l'administration dès lors qu'il établit que l'administration a appliqué des coefficients de valorisation du fonds de commerce et de rentabilité sans les justifier ni fournir aucun terme de comparaison et que les autres méthodes ne sont pas utilisables pour des raisons techniques ; que compte tenu de la quasi impossibilité de vendre la société, un coefficient proche de la fourchette basse devrait être retenu ; qu'en ce qui concerne la valorisation du bénéfice, il n'y a pas lieu d'appliquer un sursalaire dès lors que

M. X assure au sein de l'entreprise toutes les fonctions de responsabilité sans compter son temps ; que M. X ne pouvait fixer librement son salaire et que le coefficient de 2 retenu par l'administration n'est pas justifié ; qu'il est par ailleurs contradictoire de prétendre d'un côté qu'il y a sursalaire pour majorer les bases d'impositions et de l'autre côté de refuser d'admettre que la société repose essentiellement sur la présence de l'intéressé ; que les mêmes remarques s'appliquent à la méthode de la rentabilité ; que les coefficients retenus par le vérificateur ne sont pas justifiés et ne tiennent pas compte de la réalité des faits puisqu'il y avait distribution effective de dividendes et que la cession de parts sociales demeurait sans incidence sur le pouvoir décisionnel au sein de l'entreprise ; que les méthodes goodwill et cash-flow ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'elles supposent une comparaison approfondie dans la même branche d'activité et de dégager objectivement un rapport de capitalisation boursière ; que les abattements successifs sur des valeurs injustifiées ne rendent pas plus le calcul crédible ;

- que l'administration n'a pas établi que la cession serait intervenue contrairement aux intérêts de la société MTCB ; que la seule différence entre le prix de cession et la valeur des titres n'établit pas l'acte anormal de gestion ; que M. X n'a aucun lien avec la société MTCB ; que la circonstance qu'une opération puisse comporter un avantage pour un tiers ne suffit pas à lui donner un caractère anormal ; que ce caractère ne peut résulter, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, du seul fait que M. X ne devienne associé majoritaire de la société Eautex ; que ni l'administration ni le Tribunal n'ont établi que l'opération aurait été menée dans le but prioritaire de satisfaire les seuls intérêts de

M. X ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête par les motifs :

- que la valeur vénale des titres des sociétés non cotées en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande et peut résulter de la combinaison de plusieurs méthodes d'évaluation ; que pour déterminer la valeur de la société Eautex, la valorisation opérée repose sur la combinaison de différentes approches, approche patrimoniale, fondée sur la valeur actualisée de l'actif déduction faite des dettes, approche de rentabilité fondée sur la valeur de productivité par la marge brute d'autofinancement et approche prospective, basée sur la projection des résultats dans l'avenir ; qu'en l'espèce, la société est dans un secteur porteur et détient un portefeuille client diversifié ; que la valeur déterminée par la combinaison de ces méthodes a été recoupée par la survaleur ;

- que pour tenir compte de l'absence de liquidité des titres, de la clause d'agrément et du caractère minoritaire des parts cédées, il a été procédé à des abattements successifs de 25 % ;

- que l'évaluation a été confirmée en dernier lieu par la Cour d'appel de Douai en ce qui concerne le litige en matière de droits d'enregistrements ;

- que la cession des parts de la société Eautex par la société MTCB s'est faite à un prix anormalement bas, constitutif d'un acte anormal de gestion qui a conduit à réintégrer dans les résultats de la société MTCB le différentiel entre la valeur estimée des parts et leur prix de vente et à considérer qu'il s'agit là d'un revenu distribué au bénéfice de M. X par application de l'article 111 c du code général des impôts ; que la circonstance que M. X soit un tiers par rapport à la société MTCB est sans incidence car l'intérêt d'agir dans un intérêt autre que l'entreprise est présumé lorsque le prix s'écarte significativement de la valeur vénale des biens ;

- que la circonstance que M. X exerce plusieurs fonctions dans la société est habituelle dans les petites entreprises et a été prise en compte pour l'évaluation ;

- que l'autre vente intervenue en même temps ne peut être prise en compte car elle est intervenue entre membres d'une même famille ; qu'elle ne peut donc être regardée comme reflétant la valeur économique de la société ;

- que la réintégration d'une part des revenus de M. X pour déterminer la valeur de la société s'explique par la petite taille de la société, l'importante latitude de son dirigeant pour fixer sa rémunération et a été limitée ;

- que les coefficients, pourcentages et pondérations appliqués l'ont été compte tenu de l'environnement et des caractéristiques de la société ; que le requérant ne saurait, sans en justifier, demander l'application du coefficient le plus faible ; que ce faisant, il valide le choix des méthodes ;

- que M. X disposait avant le rachat de 50 % des parts ; que l'acquisition en cause doit s'analyser non dans la perspective d'une mainmise sur le pouvoir décisionnel de l'entreprise mais dans un cadre patrimonial d'acquisition de parts sous-évaluées ; qu'au demeurant, M. X n'a jamais justifié la valeur de 250 francs par part initialement retenue ;

- que les écarts d'évaluation entre les différentes méthodes loin de les remettre en cause permettent de prendre en compte les différents aspects de la société ; que la méthode du goodwill n'a été réalisée que de manière subsidiaire sans influer l'évaluation ;

- que la circonstance que l'administration n'aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles elle n'a pas retenu l'avis rendu par la commission de conciliation est sans incidence dès lors qu'il s'agit d'un avis facultatif ;

- que le remboursement des frais irrépétibles n'est pas justifié ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 avril 2007, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SA MTCB l'administration a remis en cause la valeur des 600 parts de la société Eautex vendues en 1998 à M. X, gérant de la société Eautex et après avoir opéré des redressements dans les bénéfices de la SA MTCB au titre de l'exercice clos en 1998, a considéré que lesdites sommes avaient été distribuées entre les mains de M. X sur le fondement de l'article

L. 111-c du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : c. les rémunérations et avantages occultes. » ; qu'en cas de vente par une société à un prix délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111-c du code général des impôts ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

Considérant d'une part, que l'administration, pour obtenir une valeur représentative de la valeur vénale des parts de la société Eautex, qu'elle a fixé à la valeur unitaire de 1295 francs, s'est fondée sur des approches croisées assises d'une part, sur la détermination de la valeur patrimoniale par l'évaluation de la valeur comptable de la société et l'évaluation du fonds en fonction du chiffres d'affaires et du bénéfice réalisés, d'autre part sur la détermination de la rentabilité de la société après avoir déterminé la valeur de productivité et la valeur de la marge brute d'autofinancement ; qu'elle a recoupé les résultats ainsi obtenus par la survaleur et a procédé à deux abattements successifs de 25 % pour tenir compte de la clause d'agrément et du caractère minoritaire des parts cédées ; que si M. X critique cette méthode en faisant valoir que l'administration n'a pas justifié ses évaluations et qu'il n'a pas été tenu suffisamment compte des caractéristiques de la société Eautex, en particulier des incidences de la clause d'agrément et de l'importance de son activité personnelle, ces circonstances, alors que la valeur déterminée par l'administration repose sur des données propres à l'entreprise largement explicitées, qu'elle a procédé à des abattements pour tenir compte des caractéristiques invoquées de ladite société, ne sauraient justifier la valeur de 250 francs l'unité à laquelle la SA MTCB lui avait vendu les parts qu'elle détenait ni établir que la valeur de 1295 francs l'unité retenue par l'administration ne serait pas fondée, quelle qu'ait pu être la valeur retenue par la commission de conciliation dans son avis du 22 avril 2002 qui n'explicite d'ailleurs pas les raisons pour lesquelles une évaluation à la somme de 900 francs a été proposée ; que M. X n'est pas fondé à se prévaloir de l'autre vente intervenue en même temps également pour une valeur unitaire de 250 francs dès lors que les parts en cause lui ont été vendues par son oncle et que cette vente ne peut donc être regardée comme reflétant la valeur économique de la société ;

Considérant d'autre part, que compte tenu des liens qui unissaient la SA MTCB à la société Eautex dont elle détenait des parts depuis sa création, des liens d'intérêts ayant existé entre les deux sociétés, de la circonstance que la SA MTCB ne conteste pas que les titres ont été vendus à un prix inférieur à leur valeur, de l'absence de contrepartie à la minoration de la valeur des parts cédées à M. X et de l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des parts cédées l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve de l'existence d'une distribution occulte à M. X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hubert X et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°06DA01490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01490
Date de la décision : 05/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP FIDELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-05;06da01490 ?
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