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19/06/2007 | FRANCE | N°06DA00660

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 19 juin 2007, 06DA00660


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2006 et régularisée par la production de l'original le 23 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE, dont le siège est situé BP 24 au Havre Cedex (76083), par Me Thouroude ; le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0301383 du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à Mme Ratiba Y la somme de

10 000 euros en réparation du préjudice subi dans cet ét

ablissement et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 1 000 euros au tit...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mai 2006 et régularisée par la production de l'original le 23 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE, dont le siège est situé BP 24 au Havre Cedex (76083), par Me Thouroude ; le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0301383 du 9 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à Mme Ratiba Y la somme de

10 000 euros en réparation du préjudice subi dans cet établissement et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué et de fixer l'indemnité de

Mme Y dans de plus justes proportions ;

Il soutient qu'une personne publique ne peut être condamnée à verser une indemnité que si le demandeur établit le caractère certain du préjudice invoqué et que le Tribunal a reconnu le caractère très hypothétique du préjudice allégué ; que le préjudice constitué par l'impossibilité d'avoir un nouvel enfant est, compte tenu de l'âge et du passé médical de Mme Y,

quasi-nul ; qu'une nouvelle grossesse représentait des risques vitaux tant pour la mère que pour l'enfant à naître ; qu'en conséquence, Mme Y ne saurait être regardée comme ayant perdu une chance d'avoir un nouvel enfant ; qu'à supposer que Mme Y établisse un lien de causalité directe, certain et total entre la ligature des trompes et les préjudices ainsi évoqués, l'indemnité allouée est manifestement hors de proportion avec les sommes habituellement accordées pour ce type de préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2007, présenté pour Mme Ratiba Y, domiciliée ..., par Me Laurence Houeix ; Mme Y conclut au rejet de la requête ; elle soutient qu'il est patent qu'une faute a été commise en ligaturant ses trompes portant par là-même atteinte à son intégrité physique et ceci d'autant plus qu'il n'y avait pas de nécessité médicale ; que même si au regard de son âge, les chances d'être enceinte étaient réduites, elles n'étaient pas pour autant nulles ; qu'étant de confession musulmane, la venue d'un enfant est d'ailleurs toujours un heureux événement ; que son couple espérait avoir une fille ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 avril 2007, présenté pour le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai en date du 3 mai 2007 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, lors de l'accouchement provoqué par césarienne de Mme Y, alors âgée de 42 ans, pour cause de mort foetale, le praticien du GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE a, sans avoir recueilli le consentement de la parturiente et sans nécessité thérapeutique, procédé à une ligature des trompes et provoqué ainsi la stérilisation de l'intéressée ; que le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE, qui ne conteste plus que sa responsabilité est engagée, soutient en revanche que la réalité du préjudice de Mme Y n'est pas établie ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que si les chances pour Mme Y, mère de cinq enfants, d'avoir un nouvel enfant étaient extrêmement limitées compte tenu de cette multiparité, de son âge et de ses trois précédentes césariennes, elles n'étaient pas nulles, même si devaient être également pris en compte les risques distincts de pathologie maternelle ou de malformation foetale qu'une éventuelle grossesse aurait entraînés ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction que si cette stérilisation fautive n'a causé aucun préjudice physique pour Mme Y, il est constant qu'elle n'a été portée à sa connaissance que près de huit mois après son séjour dans l'établissement et qu'elle n'a pas été en revanche sans conséquence pour elle sur le plan psychique eu égard à ses convictions morales et religieuses ; que, compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal administratif de Rouen n'a pas fait une inexacte appréciation des troubles dans les conditions d'existence de Mme Y en les fixant à 10 000 euros ;

Considérant que, par suite, le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme Y une somme de 10 000 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Y qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande le GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPE HOSPITALIER DU HAVRE et à Mme Ratiba Y.

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N°06DA00660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00660
Date de la décision : 19/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : THOUROUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-19;06da00660 ?
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