La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2007 | FRANCE | N°06DA01518

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 juin 2007, 06DA01518


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE, dont le siège est 145 rue A. Mancey à Calonne Ricouart (62470), représentée par son gérant en exercice, par la SCP Meriaux, de Foucher, Guey, Chretien ;

La SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407561 du 5 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires

d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxq...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE, dont le siège est 145 rue A. Mancey à Calonne Ricouart (62470), représentée par son gérant en exercice, par la SCP Meriaux, de Foucher, Guey, Chretien ;

La SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407561 du 5 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2000 à raison de la réintégration dans ses résultats d'une provision de 800 000 francs (121 960 euros) ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le Tribunal, qui a conclu que les travaux provisionnés avaient augmenté l'actif immobilisé et augmenté sa durée d'immobilisation sans procéder à l'analyse détaillée desdits travaux, n'a pas suffisamment motivé son jugement ;

- que la société a reporté à son bilan des sommes correspondant aux travaux qu'elle devait réaliser à la suite d'importantes inondations de ses installations qu'elle a chiffrées sur la base des devis dont elle disposait ;

- que les travaux en cause qui consistent en des travaux de nettoyage, de remise en état et de vérification des installations, qui n'ont ni augmenté l'actif immobilisé ni sa durée de vie, étaient déductibles ; qu'elle pouvait également déduire les frais de remplacement du petit outillage ;

- qu'au titre de l'exercice 2000, la société a porté en produits un montant de 944 430 francs correspondant à l'indemnité reçue de la compagnie d'assurances ; qu'elle se trouve taxée deux fois du fait de la réintégration de la provision dans les résultats de la société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2007, présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ;

Le ministre soutient :

- que le jugement, centré sur le défaut de preuve, est suffisamment motivé ;

- qu'il appartient au contribuable pour l'application de l'article 39-1 du code général des impôts de justifier du montant des créances qu'il entend déduire de son bénéfice net et du principe de leur déductibilité ;

- que la provision, constituée plus d'un an après le sinistre, qui serait à l'origine de travaux envisagés n'est assise que sur un seul devis antérieur à la provision justifiant simplement une partie des travaux à réaliser ; que s'agissant du rachat des matériels disparus, outre le fait qu'aucun document antérieur à la constitution de la provision n'en justifie, l'importance des délais entre la date du sinistre et les factures est de nature à remettre en cause la réalité d'un lien quelconque entre ces achats et le sinistre ; que l'évaluation forfaitaire des dépenses s'oppose à la déductibilité de la provision ;

- que s'agissant de la réfection du chauffage et des machines, la provision n'a pas été constituée pour une charge déductible dès lors, d'une part, que les dépenses ont concouru à prolonger la durée de leur utilisation d'autant plus que le vérificateur avait relevé lors des opérations de contrôle sur place que certaines de ces machines étaient totalement amorties lors de la constatation de ladite provision, d'autre part que la société a procédé à la réparation et à la remise en service du chauffage d'un immeuble faisant partie du patrimoine privé de son gérant et se traduisant par un accroissement d'actif, enfin que la provision concerne en partie des dépenses portant sur des biens loués et constituant, s'agissant des travaux sur l'installation de chauffage et la remise en état de la cour, des charges de gros entretien et de grosses réparations incombant au bailleur ;

- que s'agissant des travaux de réfection du bardage, de la vitrine et des agencements, ces travaux ont eu pour effet d'augmenter la valeur d'un immeuble n'appartenant pas à la société ainsi que la valeur des agencements et d'en prolonger la durée d'utilisation ;

- que les conséquences fiscales d'une reprise de provision dépendent de son caractère déductible ou non ; que l'inclusion dans les résultats de l'année 2000 de la provision en cause n'a entraîné aucune double imposition au titre de ladite année ;

- que la demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'est pas fondée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mai 2007, présenté pour la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que les travaux de chauffage provisionnés n'ont pas le caractère de grosses réparations ;

Vu le mémoire, parvenu par télécopie le 1er juin 2007 et confirmé par courrier original le 4 juin 2007, présenté par l'Etat, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'effet de l'article 209 du même code : « 1 Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions prévu à l'article 54 (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise, et enfin, si la provision tend à permettre ultérieurement la réalisation de travaux d'entretien ou de réparation, que ceux-ci excèdent par leur nature et par leur importance, sans pour autant procurer à l'entreprise une augmentation de ses valeurs d'actif, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles normales de l'entreprise ; qu'il appartient au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition suivie, d'établir, dans son principe comme dans son montant le caractère déductible d'une provision pour charges ;

Considérant que la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE, dont les installations ont été endommagées par une inondation survenue en décembre 1999, a comptabilisé en charge de l'exercice 2000 une provision de 800 000 francs (121 959 euros), destinée à couvrir les dépenses de remise en état de ses installations ;

Considérant que s'agissant des sommes destinées à couvrir, d'une part, la remise en état du chauffage, d'autre part les travaux de réfection de la cour qui ont conduit à un décapage complet des enrobés et à la réalisation d'une dalle neuve, enfin la réfection du bardage, de la vitrine et des agencements, la société n'établit pas que ces dépenses qui, compte tenu de l'importance des travaux réalisés relèvent, par application des articles 605 et 606 du code civil, des grosses réparations à la charge du propriétaire des bâtiments qu'elle a en location, devraient être supportées par elle et constitueraient une charge déductible alors qu'au contraire le bail commercial en date du 2 janvier 2000, produit par la requérante, laisse les grosses réparations à la charge du propriétaire ; que, d'autre part, en ce qui concerne le petit matériel, elle n'établit pas que son remplacement, plus d'un an après le sinistre, trouverait sa cause dans la survenance des inondations ;

Considérant en revanche que la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE a provisionné, sur le fondement d'un devis établi le 29 décembre 1999, une somme de 165 000 francs (25 154,08 euros) pour assurer la remise en état des machines à la suite de leur inondation ; que les réparations en cause, qui ne comportent pas de changement des différents composants mais consistent en une révision des machines, ne peuvent être considérées comme ayant pour effet d'augmenter la valeur et la durée d'utilisation du matériel alors même qu'elles portaient en partie sur des matériels amortis ; qu'ainsi, la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE est fondée à soutenir que la somme provisionnée à cet effet constituait une charge déductible de son bénéfice ;

Considérant enfin que si la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE fait valoir que le maintien des redressements, compte tenu de l'inscription en produit au titre de l'année 2000 de l'indemnité versée par son assureur et de la réintégration de la provision dans ses écritures de l'exercice 2001, entraînerait une double imposition de cette somme, l'inscription en produits divers de la somme versée par son assurance, dont elle n'établit au demeurant pas qu'elle couvrirait les mêmes dépenses, ne crée, en tout état de cause, aucune double imposition sur l'année 2000, seule en litige devant la Cour ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille a refusé d'admettre la déductibilité d'une provision de 165 000 francs (25 154,08 euros) ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante pour l'essentiel, verse à la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés auquel la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE a été assujettie au titre de l'année 2000 est réduite d'une somme de 165 000 francs (25 154,08 euros).

Article 2 : La SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE est déchargée des droits et pénalités, en impôt sur les sociétés et en contribution à cet impôt, correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 0407561 du Tribunal administratif de Lille en date du

5 septembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE MENUISERIE MEUBLES MARTINAGE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°06DA01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01518
Date de la décision : 19/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP MERIAUX-DE FOUCHER-GUEY-CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-19;06da01518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award