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21/06/2007 | FRANCE | N°06DA00087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 21 juin 2007, 06DA00087


Vu la décision, en date du 20 octobre 2005, enregistrée le 23 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la Cour, la requête présentée pour M. Pierre , demeurant ..., et pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, dont le siège est situé 9 rue Hamelin à Paris (75016) ;

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du Conseil d'Etat, présentée pour

M. Pierre et pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, par la

SCP Boulloche, complétée par le mémoire, enregistré le 6 février

2006 à la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par Me Deleurence, avocat ; ...

Vu la décision, en date du 20 octobre 2005, enregistrée le 23 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la Cour, la requête présentée pour M. Pierre , demeurant ..., et pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, dont le siège est situé 9 rue Hamelin à Paris (75016) ;

Vu la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du Conseil d'Etat, présentée pour

M. Pierre et pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, par la

SCP Boulloche, complétée par le mémoire, enregistré le 6 février 2006 à la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par Me Deleurence, avocat ; ils demandent :

11) d'annuler le jugement n° 9803437, en date du 7 juin 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à garantir

M. des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme Y et à rembourser à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS la somme de 46 801,38 euros versée au même titre, ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

2°) de prononcer lesdites condamnations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la direction départementale de l'équipement n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le ruissellement des eaux ou mettre en garde l'architecte à propos des risques résultant de la réalisation différée des travaux de voirie dont l'Etat assurait la maîtrise d'oeuvre, alors qu'il était demandé à l'architecte à plusieurs reprises d'effectuer des travaux pour récupérer les eaux de ruissellement ; qu'en cas d'urgence, la direction départementale de l'équipement devait intervenir ; qu'ainsi, le sinistre était, comme l'a reconnu l'expert, en grande partie imputable à la direction départementale de l'équipement ; que le Tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'obligation d'intervention de l'Etat en cas d'urgence ; que son jugement est, par suite, irrégulier ; qu'il est également entaché d'une erreur de droit, la faute de la direction départementale de l'équipement étant caractérisée ; qu'il ne résulte pas, en outre, de l'instruction que l'architecte avait été informé de ce que la direction départementale de l'équipement ne pouvait intervenir avant le 1er septembre 1989 ; qu'aussi, en retenant ce moyen d'office à l'appui de sa décision sans l'avoir soumis aux parties préalablement, le Tribunal a méconnu le principe du contradictoire protégé notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2007, présenté pour la ville d'Etaples, représentée par son maire en exercice et par la SCP Debavelaere, Becuwe, Teyssedre, Delannoy ; elle demande à la Cour de la mettre hors de cause et de mettre à la charge solidaire des requérants et de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'aucune demande n'est dirigée contre elle ; qu'à titre subsidiaire, il résulte du rapport de l'expert que la responsabilité de l'Etat est engagée ; que l'expert ne retient aucune faute contre la ville d'Etaples, même si les travaux de voirie et réseaux divers ont été réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune ; que la direction départementale de l'équipement en assurait la maîtrise d'oeuvre ;

Vu la lettre, enregistrée le 22 mars 2007, par laquelle le conseil de M. signale qu'il n'a pas d'observations particulières à formuler sur le mémoire présenté par la ville d'Etaples ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2007, présenté pour le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la ville d'Etaples à garantir l'Etat de toutes condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre ; qu'il fait valoir que la requête est irrecevable comme étant insuffisamment motivée ; qu'à titre subsidiaire sur le fond, la responsabilité contractuelle de l'Etat n'était pas susceptible d'être engagée à l'époque des faits ; que le requérant ne peut davantage se prévaloir d'une prétendue responsabilité quasi-délictuelle fondée sur un défaut de conseil et sur la responsabilité administrative pour faute lourde de l'Etat dans son pouvoir de tutelle en n'effectuant pas les mesures d'urgence à la place de la commune ; que le défaut de conseil n'est pas opposable à l'Etat ; qu'il n'a commis aucune faute lourde ; que les fautes commises par la ville d'Etaples, maître d'ouvrage, notamment en raison de la tardiveté de la conclusion du marché de travaux des VRD (voirie réseaux divers), engagent sa responsabilité ; que la ville a également commis une faute en s'abstenant de prendre des mesures d'urgence au titre de ses pouvoirs de police ; qu'elle devra, le cas échéant, totalement garantir l'Etat des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

Vu la lettre, enregistrée le 24 mai 2007, par laquelle le conseil de M. signale qu'il n'a pas d'observations particulières à formuler sur le mémoire présenté par le ministre ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er juin 2007 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 4 juin 2007, présenté pour la ville d'Etaples, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense et, en outre, au rejet des conclusions de l'Etat dirigées contre elle ; elle confirme ses précédents moyens et fait, en outre, valoir que c'est à tort que l'Etat considère qu'elle aurait commis des fautes relatives à une tardiveté dans la conclusion du marché de travaux ainsi qu'à l'absence de mise en oeuvre de mesures d'urgence ; qu'il a existé un contrat tacite entre la direction départementale de l'équipement et la ville qui a ensuite été régularisé ; que cette direction n'a pas exécuté ses obligations contractuelles ; que la responsabilité contractuelle de l'Etat est donc engagée ; que l'existence d'un contrat tacite se déduit de la présence d'un représentant du service de l'équipement aux réunions de chantier ; que l'Etat est resté silencieux sur l'existence de cavités ; que le défaut de mesures d'urgence engage la responsabilité de l'Etat, pour défaut de substitution, et non celle de la commune sur le terrain de la faute lourde ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2007, présenté pour M. et pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens qu'ils n'ont jamais eu l'intention de rechercher la responsabilité de la ville d'Etaples ; qu'ils ne sauraient, dès lors, supporter des frais irrépétibles sollicités par cette dernière ; que, contrairement à ce que soutient l'Etat, leur requête d'appel n'est pas insuffisamment motivée ; qu'elle est, par suite, recevable ; que les éléments présentés permettent d'établir que son action est une action en responsabilité et en garantie à l'encontre de l'Etat fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, en l'absence de lien de droit qui unirait l'architecte à l'Etat ; qu'en outre, la mutuelle, en sa qualité de subrogée dans les droits de son adhérent M. , agit pour obtenir le remboursement des sommes qu'elle a réglées en exécution des décisions rendues par les juridictions judiciaires ; que l'expert a conclu à la responsabilité de l'Etat ; que la circonstance que l'Etat n'aurait pas engagé sa responsabilité contractuelle est, vis-à-vis d'eux, inopérante ; que l'Etat encourt une responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de l'architecte faute d'avoir assuré son rôle de conseil ; que cette faute ressort des constatations et conclusions expertales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Ducroy, pour M. et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un contrat conclu, en avril 1988, entre la société d'habitations à loyers modérés (HLM), le Logement Rural, et M. , architecte, ce dernier s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre d'une opération de construction de trente et un logements rue du pont des trois arches dans le centre ville de la commune d'Etaples ; que cette collectivité devait assurer, selon une convention d'aménagement conclue avec la société d'HLM, le 2 septembre 1988, les travaux de voirie et réseaux divers sur le domaine public communal ; que si les travaux de construction des logements ont débuté au mois d'octobre 1988, la désignation des entreprises chargées de réaliser les travaux de voirie et d'assainissement, sous la maîtrise d'oeuvre de la subdivision du Touquet de la direction départementale de l'équipement, n'a pu intervenir, après mise en concurrence prévue par le code des marchés publics, avant juin 1989 ; que le 10 avril 1989, l'immeuble voisin de la propriété de la société Le Logement Rural s'étant effondré et un autre contiguë, tous deux appartenant à

Mme Y, ayant été également sérieusement détérioré, leur propriétaire a obtenu, devant les juridictions judiciaires, réparation du dommage subi et la condamnation de la société d'HLM et de l'architecte M. ; que M. et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, cette dernière subrogée partiellement dans les droits de M. , son assuré, relèvent appel du jugement, en date du 7 juin 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en retenant, parmi les éléments de fait résultant de l'instruction, ceux qui lui semblaient déterminants pour écarter la responsabilité de l'Etat dans la survenance du dommage pour lequel l'architecte a été condamné, le Tribunal administratif de Lille n'a pas omis de répondre aux moyens des demandeurs, notamment en ce qui concerne le caractère urgent des travaux, ni soulevé d'office un moyen d'ordre public qui n'aurait pas été, en outre, communiqué préalablement aux parties ; qu'il n'a donc pas davantage méconnu les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que l'architecte et son assureur demandent à être garantis par l'Etat du montant des réparations dues au propriétaire de l'immeuble sinistré à la suite des travaux de construction de l'immeuble pour le compte de la société Le Logement rural, en se prévalant de la faute qu'aurait commise la subdivision de l'équipement en manquant à son obligation de conseil et en s'abstenant d'intervenir en urgence pour permettre la réalisation d'un raccordement aux réseaux publics ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire,

M. Z, d'une part, que l'immeuble qui s'est affaissé, est situé sur une zone de cavités qui était connue des différents intervenants, et notamment de l'architecte, et, d'autre part, que les travaux de construction des logements auraient dû, compte tenu de l'état du sous-sol dans le secteur, être conduits en coordination avec les travaux de voirie et réseaux divers ; que M. , maître d'oeuvre, a engagé fin octobre 1988 les travaux de construction des logements sans s'assurer d'une telle coordination ; que les travaux de forage et de terrassement, exécutés dans une zone de cavités, ont contribué à la fragiliser ; que les travaux de talutage destinés à dévier les eaux de ruissellement qui auraient dû être envisagés dès le début du chantier, n'ont été réclamés par l'architecte à la société A que le 23 mars 1989 et à nouveau le 30 mars ; qu'enfin, les travaux de pose de canalisations sous le garage d'immeubles privés, mitoyens du bâtiment endommagé - qui, dans leur partie privative, n'incombaient pas à la collectivité publique - n'ont été réalisées qu'entre le 25 mai et le

1er juin 1989, soit postérieurement à l'effondrement constaté ; que, dans ces conditions, les eaux de ruissellement non canalisées au droit de l'impasse Routier ont rendu le sous-sol particulièrement instable et ont provoqué l'effondrement de l'immeuble ; que cette méconnaissance des règles de l'art dans la conduite des travaux est directement imputable à l'architecte ;

Considérant que si la subdivision de l'équipement du Touquet a accepté, avant même la conclusion de son propre marché de maîtrise d'oeuvre avec la commune d'Etaples, de participer, à la demande de l'architecte, à certaines réunions de chantier à partir de février 1989, ce n'est, en tout état de cause, qu'à l'occasion de la réunion de chantier du 12 avril 1989, soit postérieurement à l'effondrement litigieux, qu'il lui a été demandé de « prendre les dispositions pour exécuter rapidement le raccordement de la canalisation d'eaux pluviales sortant sous le trottoir du premier garage de la rue du pont des trois arches » aussitôt le résultat de l'appel d'offres connu et, le

18 mai 1989, de « procéder d'urgence au raccordement du réseau d'eaux pluviales devant le garage de la rue du pont des trois arches » ; que ces travaux ont d'ailleurs été conduits d'urgence entre le

25 mai et le 1er juin 1989 ; que, par suite, les appelants ne peuvent soutenir que l'Etat aurait engagé sa responsabilité pour faute au motif que la subdivision de l'équipement du Touquet n'aurait pas accompli d'urgence les travaux de raccordement demandés ;

Considérant qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'Etat aurait manqué à une prétendue obligation de conseil à l'égard de l'architecte ou qu'il aurait engagé sa responsabilité quasi-délictuelle en délivrant des informations ou des conseils erronés donnés par un de ses agents au cours des réunions de chantier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'Etat ainsi que les conclusions présentées à titre subsidiaire par l'Etat et la ville d'Etaples, que M. , architecte, et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. et la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, qui n'ont pas formulé de conclusions contre la ville d'Etaples, n'ont pas vis-à-vis d'elle la qualité de parties perdantes ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'Etat n'a pas davantage la qualité de partie perdante par rapport à la ville d'Etaples ; que, par suite, les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ou à celle de l'Etat, le paiement à la ville d'Etaples de la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville d'Etaples présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. , à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, à la ville d'Etaples et au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

N°06DA00087 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA00087
Date de la décision : 21/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-21;06da00087 ?
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