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21/06/2007 | FRANCE | N°07DA00377

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 21 juin 2007, 07DA00377


Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 12 mars 2007 et confirmée par courrier original le 14 mars 2007, présentée pour le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700197 en date du 2 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, à la demande de

M. Tamaz X, ses arrêtés du 30 janvier 2007 décidant la reconduite à la frontière et le placement en rétention administrative de l'intére

ssé et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjo...

Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 12 mars 2007 et confirmée par courrier original le 14 mars 2007, présentée pour le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700197 en date du 2 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, d'une part, à la demande de

M. Tamaz X, ses arrêtés du 30 janvier 2007 décidant la reconduite à la frontière et le placement en rétention administrative de l'intéressé et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. X et de se prononcer sur sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le PREFET DE L'EURE soutient que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ; qu'en effet, l'intéressé, ressortissant géorgien, n'établit nullement être entré en France, ainsi qu'il se borne à l'alléguer, en compagnie de ses parents ; que M. X, âgé de 23 ans, est autonome et a déjà voyagé seul ; qu'il ressort, d'ailleurs, de ses propres déclarations qu'il avait précédemment vécu seul en Allemagne durant environ six mois avant de regagner la Géorgie ; que, par ailleurs, le premier juge a retenu à tort que les parents de M. X avaient obtenu un titre de séjour provisoire d'un an pour raison médicale, alors que, si le médecin inspecteur de la santé publique, consulté sur la situation des intéressés, a estimé que leur maintien en France était justifié durant une année en raison de leur état de santé, aucune décision n'a été prise à ce jour par l'autorité administrative à la suite de cet avis, le trouble à l'ordre public que M. X et ses parents ont créé depuis lors remettant au demeurant sérieusement en cause le prononcé d'une décision favorable à leur égard ; qu'enfin, M. X n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où demeure sa grand-mère ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est suffisamment motivé et a été pris par une autorité régulièrement habilitée, après un examen particulier de la situation de l'intéressé ; que les moyens présentés par

M. X en première instance n'étaient pas fondés ; qu'en effet, M. X étant dans la situation visée à l'article L. 511-1-II-1° autorisant l'administration à prononcer à son égard une mesure de reconduite à la frontière, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait dépourvu de base légale doit être écarté ; que ce même arrêté ne porte pas, eu égard à ce qui a été dit ci-avant, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, M. X étant célibataire et sans charge de famille et n'étant pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine ; que cet arrêté n'a ainsi pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, en tant qu'il désigne le pays de destination, ce même arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la même convention, M. X n'établissant pas la réalité et le caractère personnel des risques qu'il encourrait en cas de retour en Géorgie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 23 mars 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 23 avril 2007 ;

Vu l'ordonnance, en date du 23 avril 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 14 mai 2007 et confirmé par courrier original le 18 mai 2007, présenté pour M. Tamaz X, demeurant au ..., par la

SELARL Eden ; M. X conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient qu'à supposer même que l'exposant ait conservé des attaches dans son pays d'origine, en la personne de sa grand-mère, il est vain de comparer, comme le fait le préfet, ce lien avec ceux qui l'attachent à ses parents qui l'ont élevé et vivent avec lui en France ; qu'en outre, si la circonstance que la Commission des recours des réfugiés n'avait pas statué sur le recours formé par l'exposant contre le rejet de sa demande d'asile est insuffisante à elle seule à caractériser une illégalité de l'arrêté de reconduite contesté, elle doit néanmoins être prise en compte dans l'appréciation des conséquences dudit arrêté sur la situation de l'exposant, dès lors que la mise à exécution de cet arrêté aurait pour effet de le séparer de ses parents et de le priver de la possibilité de soutenir oralement sa demande d'asile devant la Commission ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, le préfet avait d'ores et déjà pris une décision favorable quant au maintien au séjour en France des parents de l'exposant, la circonstance que cette décision n'était pas encore matérialisée à cette date étant sans incidence, dès lors que son existence juridique n'est ni contestable ni contestée ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; que, subsidiairement, l'arrêté contesté est fondé sur le 1° de l'article

L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que l'exposant n'entrait pas dans le champ d'application de cette disposition mais relevait en réalité du 3° de ce même article, ayant fait l'objet d'un refus de séjour ; que, toutefois, cette dernière disposition avait été abrogée à la date à laquelle ledit arrêté a été pris et ne pouvait donc légalement le fonder ; que l'argumentation développée par le préfet sur ce point et relative notamment aux conditions de l'interpellation de l'exposant sont sans incidence sur ce constat ; que, dès lors, l'arrêté attaqué, en tant qu'il serait regardé comme fondé sur le 1° susmentionné, devrait être annulé pour erreur de droit, en tant qu'il serait regardé comme fondé sur le 3° susmentionné, devrait être annulé pour défaut de base légale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la délégation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué en date du 2 février 2007, l'arrêté du 30 janvier 2007 du PREFET DE L'EURE décidant la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant géorgien, et, par voie de conséquence de cette annulation, l'arrêté du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé qu'eu égard, notamment, à ce que les parents de l'intéressé avaient obtenu une autorisation provisoire de séjour pour raison médicale, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que comportait cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle autorisation provisoire de séjour ait été délivrée aux parents de M. X, le PREFET DE L'EURE faisant valoir en appel que si les intéressés ont sollicité leur admission au séjour en raison de leur état de santé et si le médecin inspecteur a émis un avis favorable à ces demandes, aucune décision n'a été prise sur celles-ci ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que M. X a saisi la Commission des recours des réfugiés d'un recours contre le refus d'asile qui lui a été opposé et alors, d'une part, que le préfet invoque la menace à l'ordre public que représente la présence des intéressés en France, d'autre part, qu'il est constant que M. X, âgé de 23 ans, s'était précédemment rendu seul en Allemagne où il avait vécu durant six mois, l'arrêté de reconduite attaqué n'est pas, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France et alors qu'il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans et où demeure sa grand-mère, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ; que, dès lors, le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé ledit arrêté ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X tant devant le Tribunal administratif de Rouen que devant la Cour ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;

Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (…) » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;

Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007 la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° de II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du

24 juillet 2006 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière en France ; qu'ainsi, M. X se trouvait, à la date de l'arrêté de reconduite attaqué et, contrairement à ce qu'il soutient, dans la situation prévue par les dispositions précitées qui autorisait, nonobstant la circonstance que la Commission des recours des réfugiés n'avait pas statué sur le recours qu'il avait formé, le PREFET DE L'EURE à décider sa reconduite à la frontière ; que le préfet a ainsi pu à bon droit, alors même que l'intéressé s'était vu opposer le

28 août 2006 un refus de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour qu'il sollicitait en qualité de demandeur d'asile, se fonder sur les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre la mesure de reconduite à la frontière contestée et non sur celles, qui n'étaient plus en vigueur, du 3° de ce même article ; que les moyens tirés de ce que ledit arrêté serait dépourvu de base légale ou entaché d'erreur de droit, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

Considérant qu'alors que M. X ne se prévaut plus en appel, au soutien des conclusions qu'il dirige contre l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne réitère pas devant la Cour les conclusions qu'il dirigeait en première instance contre la décision désignant le pays de destination et contre l'arrêté décidant son placement en rétention administrative, il résulte de ce qui précède, d'une part, que le PREFET DE L'EURE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 30 janvier 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. X, ainsi que, par voie de conséquence de cette annulation, l'arrêté du même jour décidant le placement en rétention administrative de l'intéressé et, d'autre part, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par ce dernier devant le Tribunal administratif de Rouen et les conclusions formulées par lui devant la Cour doivent être rejetées ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0700197 en date du 2 février 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions présentées par M. X respectivement devant le Tribunal administratif de Rouen et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à M. Tamaz X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

N°07DA00377 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA00377
Date de la décision : 21/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-21;07da00377 ?
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