La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2007 | FRANCE | N°06DA01457

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 03 juillet 2007, 06DA01457


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE CONSEIL SERVICE EXPERTISES, dont le siège est 201 rue Colbert à Lille (59000), représentée par son gérant en exercice, par Me Farcy ; la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405326 - 0405327 en date du 22 juin 2006 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard et des pénalités de mauvaise foi mis à sa charge en complément

des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er ...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE CONSEIL SERVICE EXPERTISES, dont le siège est 201 rue Colbert à Lille (59000), représentée par son gérant en exercice, par Me Farcy ; la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405326 - 0405327 en date du 22 juin 2006 du Tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard et des pénalités de mauvaise foi mis à sa charge en complément des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt au titre de l'année 2000 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

Elle soutient :

- qu'antérieurement à 2006, l'intérêt de retard constituait une sanction d'une part par sa classification dans le code général des impôts sous la rubrique « sanction », d'autre part par son taux ; que la requérante est donc fondée à demander à ce qu'il lui soit fait application rétroactivement de la loi la plus douce ;

- que si l'on considère que l'intérêt de retard répare uniquement le préjudice subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance, il ne peut être applicable en l'espèce puisqu'il n'y a pas eu récupération de la taxe sur la valeur ajoutée déductible et que l'Etat n'a ainsi subi aucun préjudice ;

- que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur l'intention délibérée de la société de minorer les bases de l'impôt et a donc statué infra petita sur les pénalités pour mauvaise foi ; que les faits constatés, non contestés, ne sont pas constitutifs de mauvaise foi ; qu'ils ne correspondaient pas à des omissions de recettes mais à une compensation ou neutralisation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et déductible entre la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES et la

SA BRAEM dont elle était actionnaire ; que l'Etat n'a pas été lésé ; qu'aucune somme n'a été dissimulée ; que l'inscription de la dette de taxe sur la valeur ajoutée au passif révélait certes son exigibilité mais se trouvait contrebalancée par la non récupération de la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondante au niveau de la filiale ;

- que la majoration de 40 % n'est pas conforme avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'application de cette pénalité interdit au juge de l'impôt d'en moduler le pourcentage et donc le montant ; que le contribuable ne dispose ainsi pas d'un recours de pleine juridiction ; qu'il est inéquitable qu'un contribuable soit traité différemment selon que son contentieux relève de la juridiction administrative ou judiciaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2007, présenté pour l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le moyen tiré de ce que l'intérêt de retard constituerait, antérieurement à 2006, une sanction est inopérant ; qu'il constitue la réparation du préjudice subi du fait du paiement tardif de l'impôt ; que la différence pouvant exister entre son taux et celui de l'intérêt légal ne permet aucunement de conclure qu'il constituerait une sanction pour la fraction excédant ce taux dès lors que son taux n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que la circonstance que l'Etat n'aurait pas été lésé est inopérante, l'application de cet intérêt étant indépendante de l'appréciation sur le comportement du contribuable ; que le principe de l'application de la loi la plus douce ne lui est pas applicable ;

- que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas recevables ; que le service a caractérisé l'intention manifeste de la société de se soustraire à la taxe sur la valeur ajoutée, en relevant que l'omission de déclaration concernait l'intégralité des recettes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble des exercices alors que son activité se limite à une activité de prestataire de services envers les différentes sociétés du groupe ; que cette omission n'était pas ignorée par la société qui la faisait figurer avec une corrélation lisible au passif de son bilan ; que le caractère intentionnel est ainsi établi ; que la circonstance que de telles omissions correspondraient à une compensation est sans incidence sur la mauvaise foi ; que l'article 1729 du code général des impôts n'est pas contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces dispositions proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que la divergence d'interprétation entre les ordres de juridiction ne crée pas une situation inéquitable dont elle serait fondée à se plaindre ;

- que la demande de remboursement des frais irrépétibles n'est pas fondée et que les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont dépourvues d'objet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts alors applicable : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. /.Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. /.Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. » ;

Considérant, d'une part, que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'ainsi, la seule circonstance qu'au cours des années en cause le taux de l'intérêt de retard ait été fixé à 0,75 %, taux supérieur à celui de l'intérêt légal, et ait été ramené, par la loi de finances pour 2006, à 0,40 % n'est pas de nature à établir que cet intérêt constituerait une sanction ; que la modification de la présentation du code général des impôts par l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 pour distinguer clairement les intérêts de retard des sanctions n'est pas plus de nature à établir, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, que pour les années antérieures à ces modifications lesdits intérêts auraient présenté le caractère d'une sanction ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES ne pouvait demander l'application du taux de 0,40 % en se prévalant du principe d'application de la loi pénale plus douce qui ne concerne que les sanctions fiscales ;

Considérant, d'autre part, qu'il est constant qu'au cours de la période du

1er janvier 2000 au 31 décembre 2002, la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES n'a pas versé la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle devait à raison des prestations effectuées pour la

SA BREAM ; que la circonstance que cette société n'aurait pas récupéré la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, à la supposer établie, est sans incidence sur l'obligation qui pesait sur la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES ; que dès lors c'est à bon droit que les intérêts de retard sur lesdites sommes lui ont été réclamés ;

Sur les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. » ;

Considérant, d'une part, que dans la mesure où la loi a elle-même prévu la modulation de la sanction en fonction de la gravité du comportement du contribuable et dès lors qu'il dispose d'un accès effectif à un juge qui contrôle la qualification de ce comportement et peut supprimer ou réduire la sanction, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas méconnu alors même que le juge ne pourrait moduler le montant de la sanction dès lors qu'il a reconnu la mauvaise foi du contribuable ;

Considérant, d'autre part, que l'administration établit la mauvaise foi de la société requérante alors même qu'il y aurait eu compensation entre les sommes dues et celles que la

SA BREAM, bénéficiaire des prestations, n'aurait pas récupérées, en relevant que la

SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES ne s'est pas acquittée de ses obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble des années vérifiées et que le caractère délibéré de cette omission est en particulier attesté par l'inscription desdites sommes au passif de son bilan ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille, qui s'est prononcé sur l'ensemble des moyens dont il était saisi, a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL CONSEIL SERVICE EXPERTISES la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que par ailleurs, ses conclusions tendant à ce que l'Etat supporte les dépens sont en l'espèce sans objet ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE CONSEIL SERVICE EXPERTISES est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE CONSEIL SERVICE EXPERTISES et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°06DA01457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01457
Date de la décision : 03/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : FARCY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-03;06da01457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award