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27/07/2007 | FRANCE | N°06DA00987

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 27 juillet 2007, 06DA00987


Vu le recours, parvenu par télécopie le 24 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisé par la production de l'original le 27 juillet 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0401382 du 8 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la société à responsabilité limitée Sodenor a été assuj

ettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et la décharge des cotisat...

Vu le recours, parvenu par télécopie le 24 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisé par la production de l'original le 27 juillet 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0401382 du 8 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la société à responsabilité limitée Sodenor a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 dans les rôles de la commune de Mons en Baroeul (Nord) ;

2°) de rétablir les impositions contestées ;

Il soutient que la société nouvelle Sodenor ne pouvait prétendre au bénéfice des articles 44 septies et 1464 B du code général des impôts dès lors que son activité, qui consiste essentiellement en des travaux de démolition de biens immobiliers, relève des prestations de services et non d'une entreprise industrielle au sens de ces textes ; que l'importance des moyens qu'elle met en oeuvre ne suffit pas, à elle seule, à caractériser l'existence d'une entreprise industrielle au sens de ces textes qui appellent une interprétation différente de la notion d'établissement industriel utilisée pour l'application d'autres règles fiscales, telles que celles de l'article 1499 du code général des impôts qui fixent les méthodes d'évaluation des valeurs locatives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2006, présenté pour la société à responsabilité limitée Enviropole, ayant son siège 2 rue de l'An quarante à Mons-en-Baroeul (59370), par Me Wemaëre ; elle conclut au rejet du recours ; elle soutient que son activité réelle peut être, par nature, qualifiée d'industrielle dès lors que son activité ne se borne pas à la démolition d'ensembles immobiliers mais à recycler et donc à transformer les résidus issus de la démolition en matériaux de construction ; que cette activité de transformation réelle, qu'il convient de caractériser indépendamment du seul chiffre d'affaires apparaissant en comptabilité, révèle l'existence d'une activité industrielle ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 novembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ; il réaffirme que l'éclaircissement apporté par la jurisprudence à la notion d'établissement industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts ne vaut que pour ce texte ; que l'activité de recyclage exercée par l'entreprise n'est qu'accessoire à son activité de démolition et ne caractérise pas un processus de transformation ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2007, présenté pour la société Enviropole ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le seul critère lié au rôle prépondérant des installations techniques, des matériels et de l'outillage suffit à caractériser le caractère industriel de l'entreprise reprise ; que la jurisprudence rendue pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts est transposable pour celle de l'article 44 septies du même code ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le ministre fait appel du jugement du 8 mars 2006 du Tribunal administratif de Lille dans la seule mesure où il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la société nouvelle Sodenor a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté qui fait l'objet d'une cession ordonnée par le Tribunal en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (…) » ; qu'aux termes de l'article 1464 B du même code : « I. Les entreprises créées à compter du 1er janvier 1989, qui bénéficient des dispositions prévues aux articles

44 sexies et 44 septies, peuvent être exonérées, dans les conditions prévues à l'article 1464 C, de la taxe professionnelle dont elles sont redevables, pour les établissements qu'elles ont créés ou repris à une entreprise en difficulté, au titre des deux années suivant celle de leur création. (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'article 44 septies du code général des impôts, éclairé par les travaux préparatoires à l'adoption de l'article 14 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989, que le législateur a entendu, à la différence de l'article 44 sexies du même code relatif à la création d'entreprises nouvelles exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, réserver l'exonération d'impôt sur les bénéfices aux seules reprises d'entreprises en difficulté exerçant une activité industrielle, à l'exclusion de toute autre ; que le caractère industriel de l'activité d'une entreprise doit être au sens des dispositions de l'article 44 septies dudit code, ainsi que de celles de l'article 1464 C du même code qui n'appelle pas une interprétation différente, apprécié au regard de la nature des opérations qu'elle effectue ; que les terrains non cultivés employés à un usage industriel et plus généralement les établissements industriels visés par les articles 1381 et suivants du code général des impôts relatifs à l'assujettissement de ces immobilisations aux taxes foncières et professionnelle et au calcul de leur valeur locative utile à la détermination de la base d'imposition à ces taxes locales répondent à une définition distincte de celle de l'activité industrielle exonérée d'impôt sur les bénéfices ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu d'un acte de cession du

5 février 1997, la société nouvelle Sodenor, créée le 19 décembre 1996, a repris l'ensemble du fonds exploité par la société Sodenor, placée en redressement judiciaire par jugement du

25 septembre 1996 du Tribunal de commerce de Lille ; que l'activité reprise par la société nouvelle Sodenor consistait pour la quasi-totalité de son chiffre d'affaires en des travaux de démolition et de décontamination, une fraction mineure de ses recettes provenant de l'activité de revente de matériaux de récupération ; qu'aucune de ces activités ne présente un caractère industriel ; que même si les moyens techniques mis en oeuvre jouent un rôle prépondérant pour les besoins d'une activité qui ne consiste pas dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, la société nouvelle Sodenor n'avait pas le caractère d'une entreprise industrielle au sens des dispositions précitées de l'article 44 septies du code général des impôts ; que l'administration était donc en droit de refuser à la contribuable le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 44 septies du code général des impôts et, par voie de conséquence, l'exonération de taxe professionnelle prévue par l'article 1464 B du même code ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir qu'en ayant estimé que revêtent un caractère industriel au sens de l'article 44 septies du code général des impôts les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais également lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fut-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant, le tribunal administratif a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles

44 septies et 1464 B du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société nouvelle Sodenor relatifs aux impositions faisant l'objet du recours du ministre dès lors que la société Enviropole qui vient aux droits de la société Sodenor n'a pas présenté de recours incident contre le jugement qui a rejeté les demandes relatives à la taxe professionnelle des années 1997 et 2000 ;

Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant que les activités industrielles, caractérisées par l'importance des moyens mis en oeuvre, s'entendent essentiellement de celles consistant en la production de biens et en des opérations de construction et terrassement, de transports et de manutention et d'extraction de matériaux, le paragraphe n° 5 de la documentation administrative n° 4 F-1111 à jour au 7 juillet 1998, qui ne s'écarte pas de la loi fiscale en ce qui concerne l'activité en litige, ne peut être invoqué sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que le paragraphe n° 23 de la documentation administrative n° 4 A-2141 à jour au 9 mars 2001 relatif à la définition des activités industrielles éligibles au dispositif de l'article 44 sexies du code général des impôts ne peut être utilement invoqué dès lors que la contribuable demande le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 septies du même code ;

Considérant, en second lieu, que lorsque la modification de la situation juridique de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le nouvel employeur n'est tenu au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés due à un salarié que pour la fraction afférente à la période postérieure à la reprise de son contrat de travail ; qu'ainsi, l'administration était en droit de refuser la déduction, par la société nouvelle Sodenor, de la fraction des indemnités de congés payés des salariés afférente à la période antérieure à l'entrée en jouissance du fonds le 19 décembre 1996 ; que si la contribuable soutient que la prise en charge des indemnités dues aux salariés repris a été exposée dans l'intérêt de l'entreprise, elle n'établit pas cette allégation en se bornant à indiquer, sans apporter de justification, que cette opération a eu pour objet d'éviter un conflit social ; que, par suite, pour le calcul de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 1997, l'administration était fondée à refuser d'admettre en déduction des résultats de l'entreprise la somme de 122 216,73 francs ;

Considérant, enfin, que la requérante ne présente en appel aucun moyen différent de ceux qu'elle a articulés à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à la charge de la société nouvelle Sodenor au titre des années 1998 et 1999, seules en litige devant la Cour ; qu'en l'absence de critique du jugement, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, de rejeter les moyens de la société nouvelle Sodenor tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition ayant conduit au rehaussement de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle, du caractère erroné du calcul des bases d'imposition à cette même taxe et du caractère excessif du taux de l'intérêt de retard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles la société à responsabilité limitée Sodenor a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 et, d'autre part, à demander le rétablissement de la société Enviropole aux rôles de ces impositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0401382 du 8 mars 2006 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la société à responsabilité limitée Sodenor a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 et les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 sont intégralement remises à la charge de la société à responsabilité limitée Enviropole.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société à responsabilité limitée Enviropole.

2

N°06DA00987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 06DA00987
Date de la décision : 27/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : HSD ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-27;06da00987 ?
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