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27/07/2007 | FRANCE | N°06DA01619

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 27 juillet 2007, 06DA01619


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Jean-Luc X, demeurant ..., par la SELARL Feugas Conseils ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502118 en date du 12 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, après les avoir déchargés des pénalités de mauvaise foi qui ont été mises à leur charge au titre des années 2000 et 2001, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant, d'une part, à la décharge des compléments d'impôt sur le re

venu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 et, d...

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Jean-Luc X, demeurant ..., par la SELARL Feugas Conseils ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502118 en date du 12 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille, après les avoir déchargés des pénalités de mauvaise foi qui ont été mises à leur charge au titre des années 2000 et 2001, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant, d'une part, à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de

3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge judiciaire sur la qualification du contrat de travail ;

3°) de prononcer la décharge desdits compléments d'impôt ;

4°) )à titre subsidiaire, de constater le caractère de dommages et intérêts à hauteur de

600 000 francs de l'indemnité perçue et de prononcer la décharge du redressement qui en a résulté ;

5°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la transformation du contrat à durée indéterminée de M. X en contrat à durée déterminée était illicite, ce qui doit entraîner la requalification dudit contrat, cette requalification ayant à son tour pour effet une imposition en application des dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; que le Tribunal devait donner sa vraie qualification au contrat litigieux ; que les premiers juges auraient dû opérer un renvoi préjudiciel vers le juge du contrat de travail ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête, après avoir, le cas échéant, procédé à la substitution de base légale proposée ; il soutient que la procédure est régulière dès lors que la notification de redressement contestée précisait qu'une somme de

600 000 francs correspondait aux primes définies par le contrat de travail de M. X, ce qui suffisait pour déterminer lesdites primes ; que la question de la licéité de la transformation du contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée est étrangère au débat ; que, par ailleurs, cette transformation est possible en vertu du code du travail ; qu'à supposer même que le contrat puisse être requalifié de contrat à durée indéterminée, les sommes perçues par M. X en vertu du protocole d'accord devraient alors être elles-mêmes requalifiées en libéralités, intégralement imposables en application des dispositions de l'article 111 c. du code général des impôts ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 5 avril 2007, présenté pour M. et Mme X, par lequel ces derniers concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et demandent, en outre, à titre subsidiaire, de constater le caractère de dommages et intérêts de l'indemnité perçue à hauteur de 600 000 francs et de prononcer en conséquence l'annulation du redressement à due concurrence, de constater, à titre subsidiaire, l'irrégularité de la procédure d'imposition ; ils soutiennent, en outre, que les primes, figurant dans le contrat de M. X, et évoquées par l'administration, n'étaient nullement cumulables et présentaient, en outre, un caractère aléatoire ; que le contrat à durée déterminée litigieux ne répondait pas aux exigences posées à l'article D. 121-2 du code du travail ; que la substitution de base légale proposée par le ministre est impossible, d'une part, parce que le versement de la somme de 3 000 000 francs était la conséquence d'un protocole d'accord, d'autre part, parce que l'administration aurait alors dû mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 juin 2007 et confirmé par la production de l'original le 2 juillet 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, par lequel ce dernier conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il précise en outre que, contrairement aux affirmations des requérants, l'administration peut demander une substitution de base légale sans avoir préalablement déclenché la procédure de répression des abus de droit, dès lors qu'elle ne remet pas en cause la réalité de la situation de fait litigieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été engagé, en qualité de directeur technique, par le SAOS Racing Club de Lens (ci-après « RCL »), suivant un contrat à durée indéterminée en date du 3 janvier 2000, et moyennant une rémunération brute mensuelle de 75 000 francs, à laquelle s'ajoutaient diverses primes ; qu'à la suite de difficultés relationnelles avec certains membres du RCL, M. X a préféré poursuivre sa collaboration avec ledit club sous la forme d'un contrat à durée déterminée, suivant avenant au contrat originel en date du 10 avril 2000, dont le terme était fixé au 30 juin 2003 ; que, le 27 septembre 2000, M. X a été convoqué à un entretien préalable de licenciement ; qu'il a été licencié par lettre du 20 octobre suivant ; qu'un protocole d'accord est intervenu le 23 octobre 2000 entre les parties, prévoyant le versement d'une indemnité totale de 3 000 000 francs par le RCL à M. X sous la forme de trois versements successifs ; que ces sommes n'ont pas été déclarées dans les revenus imposables de M. X ; que l'administration a estimé, en application des dispositions combinées des articles 80 duodecies du code général des impôts et L. 122-3-8 du code du travail, que ces dommages et intérêts sanctionnaient la rupture anticipée injustifiée d'un contrat de travail à durée déterminée et ne pouvaient ouvrir droit à exonération et a imposé les sommes perçues à ce titre ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que si, devant la Cour de céans comme devant les premiers juges,

M. et Mme X soutiennent que la motivation de la notification de redressement était insuffisante dès lors que l'administration n'aurait pas indiqué la méthode suivie pour déterminer la partie variable de l'indemnité à hauteur de 600 000 francs, il ressort des termes mêmes de ladite notification que cette dernière indiquait les montants qui n'avaient pas été déclarés dans les revenus de M. X, et renvoyait au contrat litigieux pour les primes diverses estimées à une somme de 600 000 francs ; qu'il suit de là que, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, la notification de redressement mettait M. et Mme X à même de connaître l'origine des sommes qui leur étaient réclamées par l'administration fiscale ;

Considérant, par ailleurs, que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le moyen selon lequel le calcul effectué par l'administration serait erroné est inopérant s'agissant du caractère suffisant de la motivation de la notification de redressement litigieuse ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « 1. Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code, ainsi que de : - la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; - la fraction des indemnités de licenciement exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à

50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U » ; que, selon les dispositions de l'article L. 122-1-1 du code du travail : « Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants : (…) 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (…) » ; que, selon les dispositions de l'article D. 121-2 du code du travail, pris pour la mise en oeuvre de l'article L. 122-1-1 du même code : « En application de l'article

L. 122-1-1 (3°), les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants : (…) Le sport professionnel (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat de travail passé entre le RCL, club de football professionnel, et M. X, recruté en tant que directeur technique, a été transformé par un avenant en date du 10 avril 2000 en contrat à durée déterminée ; qu'aucun texte n'interdit à un employeur et un salarié de passer un contrat à durée déterminée après avoir été originellement liés par un contrat à durée indéterminée lorsque ce dernier contrat a été rompu, comme en l'espèce, à l'initiative du salarié ; qu'il résulte des dispositions combinées, qui sont claires, des articles précités du code du travail, que la passation d'un contrat à durée déterminée est licite dans le domaine du sport professionnel ; que le montant de l'indemnité, globale, forfaitaire et définitive négociée à 3 000 000 francs correspond aux rémunérations que M. X aurait perçues si le contrat avait été totalement exécuté ; que les dommages et intérêts qui sanctionnent, en vertu des dispositions de l'article L. 122-3-8 du code du travail la rupture anticipée injustifiée d'un contrat de travail à durée déterminée ne constituent pas une indemnité de licenciement au sens des dispositions précitées de l'article 80 duodecies 1 du code général des impôts ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à demander une exonération d'imposition totale ou partielle de ladite somme ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges, après avoir estimé qu'il n'y avait pas lieu à renvoi préjudiciel devant le juge civil, ont décidé que les sommes litigieuses ne pouvaient ouvrir droit à exonération et ont été, à bon droit, soumises à l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu demeurant en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que

M. et Mme X réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme Jean-Luc X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Luc X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal du Nord.

N°06DA01619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA01619
Date de la décision : 27/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Manuel Delamarre
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL FEUGAS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-27;06da01619 ?
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