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02/10/2007 | FRANCE | N°07DA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 02 octobre 2007, 07DA00517


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, régularisée le 13 avril 2007 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700377 en date du 23 février 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. Y X a annulé les décisions du 16 février 2007 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant l'Afghanistan comme pays de ren

voi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X ;


Il ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, régularisée le 13 avril 2007 par la production de l'original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700377 en date du 23 février 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. Y X a annulé les décisions du 16 février 2007 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X ;


Il soutient que les éléments sur lesquels s'est fondé le magistrat désigné pour annuler ses décisions reposent sur des situations de tierces personnes et non pas sur les risques personnels que M. X encourt ou sur des éléments propres à sa situation ; par ailleurs,
M. X s'est abstenu de saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen de sa demande d'asile et la protection subsidiaire ne présente qu'un caractère provisoire ; qu'en outre, les pièces ayant contribué à la reconnaissance d'une bonne intégration, d'une maîtrise de la langue française et d'une promesse d'embauche sont dépourvues de valeur probante et ne suffisent à caractériser une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 13 avril 2007 fixant la clôture de l'instruction au 14 mai 2007 et l'ordonnance du 7 juin 2007 rouvrant l'instruction ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2007, et le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 8 juin 2007, régularisé par l'original le 16 août 2007, présentés pour
M. Y X, par Me Madeline ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'il encourt des risques personnels de persécutions en cas de retour dans son pays ; que ses qualités d'intégration et ses attaches familiales entachent d'erreur manifeste l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 19 juillet 2007, régularisé par l'original le 25 juillet 2007, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- les observations de Me Denin, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;


Considérant que M. X, de nationalité afghane, est entré sur le territoire français en 2000 et a sollicité le statut de réfugié ; que par une décision en date du 31 janvier 2002 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission des recours le 10 octobre 2002, cette demande a été rejetée au motif que les circonstances invoquées par l'intéressé ne justifiaient pas du bien-fondé des craintes de persécutions à l'égard des autorités actuellement détentrices du pouvoir en Afghanistan, les Talibans ayant été chassés du pouvoir ; que le préfet fait appel du jugement du 23 février 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation des décisions du 16 février 2007 par lesquelles il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et fixé l'Afghanistan comme pays de destination ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les rapports officiels et les coupures de presse produits par M. X ou encore la pétition évoquant en termes stéréotypés le climat d'insécurité générale régnant en Afghanistan, ne sont pas de nature à établir le caractère personnel des risques encourus par l'intéressé en cas de retour en Afghanistan ; que les attestations de proches, peu circonstanciées, ne sont pas davantage de nature à établir l'existence de ces risques ; que dans la mesure où M. X n'a pas demandé le réexamen de sa demande d'asile politique après la décision de refus du 31 janvier 2002 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, ni demandé le bénéfice de la protection subsidiaire, la réalité des risques allégués n'est pas établie par la seule circonstance que la commission des recours des réfugiés a accordé le statut de réfugié à certains ressortissants afghans au motif que les Talibans, bien que chassés du pouvoir, étaient en mesure d'exercer des menaces sur leurs compatriotes ; que si le frère de M. X a été tué par les Talibans à l'occasion de combats engagés contre ces derniers et auxquels il aurait participé lui aussi en tant que militant proche du commandant Massoud, cette circonstance, qui se rattache aux années 1992 à 1996, n'établit pas la réalité de risques personnels à la date de la décision attaquée ; que l'appartenance de M. X à l'ethnie tadjik, sujette à des persécutions de la part des Talibans, majoritairement pachtounes, n'est pas, en soi, de nature à conclure à l'existence de risques pesant personnellement sur l'intéressé ; qu'enfin, le fait que l'intimé, titulaire d'une promesse d'embauche, ait démontré des capacités d'intégration en France n'est pas de nature à entacher d'erreur manifeste la décision de reconduite à la frontière dès lors qu'il dispose d'attaches dans son pays d'origine ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision du 16 février 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, le juge désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation et que, pour annuler la décision du même jour fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi, il s'est fondé sur l'existence des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X ;

Considérant, en premier lieu, que la décision de reconduite à la frontière attaquée, qui énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il n'est pas contesté que M. X est entré sur le territoire et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ; que la procédure d'obligation de quitter le territoire, prévue depuis le 1er janvier 2007 en matière de refus de titre de séjour ne lui était donc pas applicable ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de reconduite à la frontière est entachée d'erreur de droit doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X, âgé de 41 ans, est célibataire et sans charge de famille ; qu'il résulte des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que s'il fait valoir qu'il vit une relation amoureuse depuis plus de deux ans avec une ressortissante française, qu'il dispose d'attaches très fortes avec des ressortissants français, qu'il maîtrise parfaitement la langue française et dispose de promesses d'embauches, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder, dans les circonstances de l'espèce, l'atteinte à la vie privée et familiale comme disproportionnée au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni la décision de reconduite à la frontière comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, enfin, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que, pour contester la décision fixant le pays de renvoi, M. X n'apporte aucun élément probant de nature à établir l'existence de risques qu'il pourrait personnellement encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Afghanistan comme pays de destination, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. X tendant à l'annulation des décisions du 16 février 2007 par lesquelles le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a ordonné sa reconduite à la frontière et fixé l'Afghanistan comme pays de destination doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0700377 du 23 février 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Rouen par
M. Y X et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y X, au PREFET DE LA SEINE-MARITIME et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

N°07DA00517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00517
Date de la décision : 02/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-10-02;07da00517 ?
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