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10/10/2007 | FRANCE | N°07DA00605

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 10 octobre 2007, 07DA00605


Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 avril 2007 et confirmée par courrier original le 23 avril 2007, présentée pour M. Stéphane X, demeurant ..., par Me Thieffry ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700860, en date du 13 février 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 février 2007 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière, de la décisi

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Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 avril 2007 et confirmée par courrier original le 23 avril 2007, présentée pour M. Stéphane X, demeurant ..., par Me Thieffry ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700860, en date du 13 février 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 février 2007 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière, de la décision du même jour désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination et de l'arrêté du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté de reconduite à la frontière et ladite décision désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée ;


M. X soutient :

- que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité dont il n'est pas établi qu'elle ait été régulièrement habilitée pour ce faire ;

- que l'exposant, qui est entré sur le territoire français en qualité de demandeur d'asile, était dispensé de se munir des documents prévus à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, il ressort des éléments du dossier qu'il a été mis en possession de documents l'autorisant à demeurer provisoirement sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande tendant à bénéficier du statut de réfugié ; que ces documents doivent être regardés comme ayant régularisé sa situation quant aux conditions de son entrée sur le territoire national ; qu'alors au surplus que l'exposant s'était vu opposer un refus de séjour avant le 1er janvier 2007, le préfet du Nord n'a donc pu sans erreur de droit fonder son arrêté sur les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors qu'il ne saurait être procédé en l'espèce à aucune substitution de base légale, les 3° et 6° de ce même article ayant été abrogés, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne peut donc qu'être annulé ;

- que l'exposant, qui est arrivé en France le 14 mars 2003, y a retrouvé sa mère, qui y réside régulièrement depuis 1977 ; qu'en outre, ses six frères et soeurs, dont cinq ont la nationalité française, un frère étant titulaire d'une carte de résident, demeurent également en France ; que l'exposant n'a plus aucune nouvelle de son père, qui est militaire dans l'armée ivoirienne ; que, par ailleurs, l'exposant a fait la connaissance, dans le courant de l'année 2004, d'une ressortissante française avec laquelle il a vécu à compter du mois de septembre 2005 ; que sa compagne a donné naissance à un enfant dont il a reconnu la paternité, mais, en raison de dissensions apparues dans le couple, qui s'est séparé, il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits de père, une procédure juridictionnelle étant en cours dans ce but ; qu'il ne saurait donc être reproché à l'exposant de ne pas faire ce qui est en son pouvoir pour assumer sa fonction paternelle ; qu'en revanche, il est établi, dans ces conditions, que l'exposant est dans l'impossibilité d'emmener son enfant âgé de onze mois, qui est au surplus de nationalité française, avec lui ; qu'une mise à exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué entraînerait une interruption de la procédure judiciaire engagée ; que, par ailleurs, l'exposant vit actuellement et depuis presque un an avec une ressortissante française, qui a un emploi stable et dont les trois enfants le considèrent comme leur père ; que son centre d'intérêt familial est ainsi fixé en France ; qu'outre sa famille, l'exposant a également en France de nombreux amis ; que, dans ces conditions et contrairement à ce qu'a estimé manifestement à tort le premier juge, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- que l'exposant est, ainsi qu'il a été dit, père d'un enfant français dont il a reconnu la paternité ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué aurait donc pour conséquence, s'il était mis à exécution, de priver, de manière définitive, cet enfant de la présence de son père ; que l'arrêté attaqué a donc été pris en méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- que l'exposant était en situation, à la date de l'arrêté attaqué, d'obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » en sa qualité de père d'un enfant français ; que la condition de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant fixée par les dispositions de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait lui être opposée, dès lors qu'il a été jugé que le parent débiteur disposant de faibles revenus et dont l'impécuniosité est établie, ce qui est le cas en l'espèce de l'exposant, peut être dispensé d'une telle contribution ; qu'il établit avoir néanmoins participé dans la mesure de ses moyens à l'entretien et à l'éducation de son enfant et a su faire preuve d'un véritable investissement dans sa fonction paternelle, malgré l'opposition de la mère de l'enfant après leur séparation ; que sa présence à l'ensemble des rendez-vous de suivi de la grossesse de sa compagne et sa contribution aux dépenses y afférentes démontre la réalité de son engagement ;

- que l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne pourra qu'entraîner, par voie de conséquence, celle de la décision désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure ;

- que cette décision a été prise par une autorité dont il n'est pas établi qu'elle ait été régulièrement habilitée pour ce faire ;

- que cette même décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposant, qui vivait en caserne en compagnie de son père, militaire de carrière dans l'armée ivoirienne, a été directement exposé au conflit armé qui a embrasé son pays ; qu'afin de se protéger, il a fui la Côte d'Ivoire et s'est réfugié en France ; que le rejet, par une décision définitive, de la demande d'asile qu'il avait formée ne dispensait pas le préfet d'apprécier lui-même la réalité des risques encourus par l'exposant dans son pays d'origine ;

- que cette même décision, eu égard aux raisons précédemment exposées au sujet de la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision en date du 25 avril 2007 par laquelle le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accorde à
M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu l'ordonnance en date du 10 mai 2007 portant clôture de l'instruction au 11 juin 2007 ;

Vu le mémoire complémentaire, parvenu par télécopie le 11 juin 2007 et confirmé par courrier original le 15 juin 2007, présenté pour M. X ; M. X conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 14 juin 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les pièces du dossier établissant que le préfet du Nord a régulièrement reçu notification de la requête susvisée mais n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le
26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37 ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006, publié au Journal officiel n° 301 du
29 décembre 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par arrêté en date du 6 février 2007, le préfet du Nord a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant ivoirien, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas des étrangers qui sont arrivés en France sans être en mesure de justifier d'une entrée régulière, à moins qu'ils n'aient été en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; que, par décision distincte du même jour, le préfet du Nord a désigné la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que M. X forme appel du jugement en date du 13 février 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre cet arrêté et cette décision et demande leur annulation pour excès de pouvoir ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris par
M. Michel Y, directeur des services de préfecture, directeur de la réglementation et des libertés publiques, qui avait reçu une délégation, par un arrêté du préfet du Nord en date du 28 août 2006 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'habilitant à signer notamment les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 311-5 du même code : « La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié. » ;

Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (…) » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation, d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;

Considérant qu'à compter du 1er janvier 2007 la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du
24 juillet 2006 ;

Considérant que, pour prononcer le 6 février 2007 la reconduite à la frontière de M. X, le préfet du Nord s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces des dossiers que M. X, ressortissant ivoirien né le 7 décembre 1974, a déclaré être arrivé en France le 14 mars 2003 sans toutefois être en mesure de justifier d'une entrée régulière ; que, s'il a sollicité auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, alors qu'il n'avait pas été admis à résider en France, le statut de réfugié et s'est vu alors autorisé provisoirement au séjour durant le temps nécessaire à l'instruction de cette demande, M. X a vu sa demande rejetée par une décision du 5 février 2004, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 30 novembre 2004 ; que la demande de réexamen de sa situation au regard du droit d'asile qu'il avait formée a été également rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 juillet 2005 ; que les dispositions précitées de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que M. X, dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, puisse se prévaloir des autorisations provisoires de séjour qui lui ont été délivrées pour permettre l'examen de sa demande et qui ne sauraient être regardées comme valant régularisation de sa situation quant aux conditions de son entrée en France ; que n'étant, par ailleurs, pas dispensé de justifier être en possession des documents exigés par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pénétrer sur le territoire français, il entrait ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, et alors même que l'intéressé avait fait l'objet antérieurement au 1er janvier 2007 d'une décision de refus de séjour, le préfet du Nord a pu sans erreur de droit prononcer sa reconduite à la frontière sur le fondement de ces dispositions ;

Considérant, en troisième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article
L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père (…) d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (…) » ; que si M. X soutient qu'il a reconnu l'enfant français de son ancienne compagne de nationalité française et qu'il aurait été, dès lors, à la date de l'arrêté attaqué, en situation de prétendre de plein droit, sur le fondement des dispositions précitées, à la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » qu'elles prévoient, il ressort des pièces du dossier que cet enfant avait été reconnu dès sa naissance par l'actuel compagnon de sa mère et qu'un litige est pendant devant le juge judiciaire dans le but d'établir la paternité de cet enfant ; que, dans ces conditions et sans qu'il y ait lieu d'examiner si M. X pouvait être regardé à la date de l'arrêté attaqué comme contribuant effectivement au sens des dispositions précitées à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il était en situation à cette date de se voir délivrer de plein droit sur leur fondement un titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X, qui est entré en France le 14 mars 2003, fait état de la présence de sa mère, qui réside régulièrement sur le territoire national depuis 1977, ainsi que de celles de ses six frères et soeurs, qui sont de nationalité française, à l'exception d'un frère qui a la nationalité ivoirienne mais est titulaire d'une carte de résident, de ce qu'il a un fils né le 13 avril 2006 et de nationalité française, et de ce qu'il a noué au cours de l'année 2006 une relation avec une ressortissante française avec laquelle il vit ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, cette relation présentait un caractère récent puisque ne datant que de moins d'un an ; que, par ailleurs et ainsi qu'il a été dit, la réalité du lien de filiation dont se prévaut le requérant avec le fils de son ancienne compagne n'est pas établie ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que M. X n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où il a laissé son père, deux enfants mineurs et les mères de ceux-ci ; que, dans ces conditions, nonobstant la présence régulière en France de la mère et des frères et soeurs du requérant et malgré les liens amicaux tissés par lui en France à les supposer établis, l'arrêté attaqué n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte des stipulations de l'article 3-1 précité que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que si M. X soutient que la mise à exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué aurait pour conséquence de priver le fils de son ancienne compagne de la présence de son père, il ressort, ainsi qu'il a été dit, des pièces du dossier que la réalité du lien de filiation allégué entre le requérant et cet enfant n'est pas établie ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'enfin, les stipulations de l'article 9 de la même convention créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. X ne peut donc utilement s'en prévaloir pour demander l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard ;


Sur la légalité de la décision distincte désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été prise par M. Michel Y, directeur des services de préfecture, directeur de la réglementation et des libertés publiques, qui avait reçu une délégation, par un arrêté du préfet du Nord en date du 28 août 2006 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'habilitant à signer notamment les décisions désignant le pays de destination des mesures de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X fait état de ce qu'habitant dans une caserne avec son père, militaire de carrière dans l'armée ivoirienne, il a été directement exposé au conflit armé qui a embrasé la Côte d'Ivoire, il n'apporte, alors qu'au demeurant ses demandes successives tendant à obtenir la reconnaissance du statut de réfugié ont été rejetées par des décisions définitives, aucun élément de nature à établir qu'il encourrait effectivement et personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen de la situation du requérant sur ce point avant de prendre sa décision, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière dont M. X a fait l'objet, aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que, pour le motif précédemment énoncé, tenant à ce que le lien de filiation allégué par le requérant avec le fils français de son ancienne compagne ne peut être tenu pour établi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 6 février 2007 à son égard et la décision du même jour désignant la Côte d'Ivoire comme pays de destination de cette mesure ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées ;


Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, les sommes que le conseil de
M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Stéphane X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°07DA00605 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 10/10/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA00605
Numéro NOR : CETATEXT000018259325 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-10-10;07da00605 ?
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