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31/10/2007 | FRANCE | N°05DA00019

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (ter), 31 octobre 2007, 05DA00019


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 janvier 2005 et régularisée par la production de l'original le 10 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, dont le siège est ZI Belle Isle à Saint Léonard (62360), représentée par son représentant légal, par la SCP Faucquez et Bourgain ; la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1461 en date du 26 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la co

ndamnation solidaire de la société Sols Etudes et Fondations (SEF) et du g...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 janvier 2005 et régularisée par la production de l'original le 10 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, dont le siège est ZI Belle Isle à Saint Léonard (62360), représentée par son représentant légal, par la SCP Faucquez et Bourgain ; la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-1461 en date du 26 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Sols Etudes et Fondations (SEF) et du groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 et de la société Soginord à lui verser la somme de 425 769,20 francs hors taxes, soit 78 279,16 euros correspondant au surcoût des travaux de fondations non prévus au marché initial qu'elle a conclu avec l'office public d'HLM de Boulogne sur Mer ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de condamner les défendeurs à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de dire que les sommes susmentionnées porteront intérêt aux taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête introductive d'instance ;
Elle soutient que la requête est fondée sur les dispositions de l'article 1382 et suivants du code civil et a pour objet de faire consacrer la faute des intervenants à l'acte de construire ; que les conclusions de l'expert judiciaire procèdent d'une appréciation partiellement erronée en ce qui concerne le partage des responsabilités entre les différents intervenants au marché ; qu'il est établi par le rapport d'expertise, que tant les conclusions du rapport de la société Sols Etudes et Fondations que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) établi pour l'appel d'offres définissaient le terrain litigieux comme des marnes alors que les conclusions du second rapport établi par la société Fondasol parlaient de calcaire ; que la reprise des travaux impliquait, selon l'expert, la prise en compte de solutions techniques ; que le rapport géotechnique initial établi par la société Sols Etudes et Fondations était incomplet et le second rapport, établi par la société Fondasol, n'était pas adapté à la nature du terrain litigieux car de nouvelles difficultés sont apparues depuis la mise en place de la « méthodologie » préconisée par l'expert judiciaire ; que toutefois l'avis concernant la répartition de la responsabilité émis par l'expert judiciaire ne pourra être suivi en ce qui concerne la mise en cause de la requérante ; que la société exposante n'avait ni la vocation, ni la capacité, ni le pouvoir d'agir sur les préconisations et les techniques à adopter pour l'exécution des travaux de fondations ; que dès lors, seule la responsabilité des autres intervenants au marché devra être mise en cause compte tenu des fautes qu'ils ont commises ; que la société Sols Etudes et Fondations a remis une étude insuffisante du sol ayant abouti à un rapport incomplet sur la qualité du sol et du sous-sol ; que cette faute a entraîné un préjudice pour la société exposante qui n'a pu correctement fixer le montant du marché ; que la société Sols Etudes et Fondations ne peut s'exonérer de sa responsabilité envers la société exposante en opposant un prétendu enrichissement sans cause d'un tiers ; que la maîtrise d'oeuvre n'a pas mené une réflexion préalable sur l'opération préconisée par la société Sols Etudes et Fondations et a repris intégralement ses conclusions dans la rédaction du cahier des clauses techniques particulières ; que la société exposante n'a fait que proposer un prix raisonnable au vu dudit cahier ; que par suite, la société Sols Etudes et Fondations et la maîtrise d'oeuvre sont responsables solidairement des incidents qui sont survenus sur le chantier et de toutes leurs conséquences dommageables ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2005, présenté pour la société Sols Etudes et Fondations (SEF), dont le siège est 19 place de la Gare à Carvin (62220), par la SCP Sanders et Verley, qui conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, de la maîtrise d'ouvrage, de la maîtrise d'oeuvre et de la société Sondefor à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre tant au principal, qu'intérêts et frais ; elle soutient qu'en tant que de besoin, elle entend reprendre le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES pour absence de précisions suffisantes dans le recours en première instance ; que sur le fond, les nouvelles préconisations de travaux ayant entraîné un surcoût dont la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES demande réparation ont fait l'objet d'un protocole d'accord, intervenu le
18 décembre 1997, entre l'OPHLM et la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES ; que le préjudice allégué résulte non des fautes commises par les constructeurs mais du protocole d'accord ; qu'il n'y a pas de lien direct entre les fautes et le surcoût ; qu'à titre subsidiaire, la faute essentielle à l'origine de l'arrêt des travaux réside dans l'utilisation par la société Sondefor d'un matériel inadapté aux travaux qu'elle se proposait de réaliser, ce qui est de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES ; que cette dernière société ne rapporte ainsi pas la preuve d'une faute qui aurait été commise par la société Sols Etudes et Fondations ; que si les résultats des études réalisées d'une part par la société Sols Etudes et Fondations et d'autre part par la société Sondefor peuvent paraître différents, ces résultats sont notamment dus à la réalisation dans un contexte différent de ces études ; que le rapport de la société Sols Etudes et Fondations précisait le caractère ponctuel de la reconnaissance du sous-sol ; que ses dires n'ont pas été vraiment pris en compte par l'expert judiciaire ; que dans les faits, le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ont avalisé sans réserve la nature des investigations menées par la société Sols Etudes et Fondations ; que les deux rapports en cause ne sont pas de nature différente mais sont complémentaires ; que l'origine du sinistre se trouve dans l'incapacité commune de la maîtrise d'oeuvre et de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES à définir la solution finale à retenir ; qu'en tout état de cause, la demande indemnitaire de la société appelante ne saurait s'étendre à la prise en charge intégrale de travaux supplémentaires qui bénéficient en dernier lieu au maître d'ouvrage ; que le coût des travaux préconisés par l'expert devrait être à la seule charge de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, du maître d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2005, présenté pour la SA Bureau Véritas, dont le siège est 59 rue Ferdinand Buisson à Boulogne sur Mer (62200), par la SCP Guy-Vienot Laurence Bryden, qui conclut à ce que la Cour constate qu'aucune demande de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES n'est dirigée à l'encontre de la SA Bureau Véritas et à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES à lui verser la somme de
2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2005, présenté pour Mme X, domiciliée ... et la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, dont le siège est 13 rue Exelmans à Versailles (78000), par Me Deleurence, qui concluent au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, de la société Sols Etudes et Fondations, de la société Sondefor et de la SA Bureau Véritas à les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre et à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES à leur verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le dommage dont il est demandé réparation ne peut être regardé comme une conséquence directe de l'exécution des différentes missions réalisées par les intervenants à l'acte de construire au titre de la maîtrise d'oeuvre puisque le sous-traitant de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a déclaré forfait dès l'ouverture du chantier ; que le rapport de sol établi par la société Sols Etudes et Fondations a été fourni par le maître d'ouvrage d'avec lequel la société requérante a entendu trouvé un accord ; que la maîtrise d'oeuvre ne pouvait pas rédiger le cahier des clauses techniques correspondant sans s'appuyer sur le rapport de sol fourni par le maître d'ouvrage ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, entreprise locale, se devait d'adopter les moyens techniques pour réaliser les ouvrages demandés ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a fait le choix d'un sous-traitant à moindre coût et incompétent ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES ne fait pas la preuve des obligations qu'elle voudrait faire peser sur chacun des co-contractants à la maîtrise d'oeuvre ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2005, présenté pour la société Sols Etudes et Fondations (SEF), qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre que la somme réclamée de 53 240 francs ne lui est pas imputable ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la demande d'une condamnation in solidum n'est pas justifiée dès lors que l'expert judiciaire a clairement défini la faute des différents intervenants ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2005, présenté pour la SARL Sondefor, dont le siège est 10 rue Albin Haller à Poitiers (86000), par la SELARL Rousseau Gerondeau, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il convient de noter qu'aucune demande de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES n'est formulée à l'encontre de la société Sondefor ; qu'à titre subsidiaire, ce n'est pas le matériel et la technique utilisés par la société Sondefor qu'il convient de remettre en cause mais les préconisations du rapport de la société Sols Etudes et Fondations ; que la société Sondefor n'encourt donc aucune part de responsabilité ; que la société Sondefor a soumissionné sur une proposition de fondation inadaptée au sol ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2005, présenté pour la SA Bureau Véritas, dont le siège est 17 bis place des Reflets, La Défense 2 à Courbevoie (92400), qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens, et conclut en outre, au rejet des appels en garantie formulés à son encontre par Mme X et la SCP Cambournac Huber lefebvre Quertinmont et à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les architectes ne développent aucun moyen au soutien de leur appel en garantie ; qu'à titre subsidiaire, elle n'est intervenue sur le chantier que dans le cadre d'un marché de contrôle technique ; qu'il ne lui appartenait donc pas de se substituer aux différents intervenants à l'acte de construire chargés de la conception et de l'exécution de l'ouvrage ; qu'elle a normalement accompli sa mission ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2005, présenté pour Mme X et la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu'il appartient à la société Sols Etudes et Fondations de faire preuve des obligations qu'elle voudrait faire peser sur tel ou tel co-contractant à la maîtrise d'oeuvre ; que la société Sols Etudes et Fondations est maître des essais et des investigations qu'elle réalise et seule susceptible d'analyser les résultats donnés afin d'orienter la maîtrise d'oeuvre vers une solution de fondation ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 octobre 2005, présenté pour la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, sa requête présentait un exposé des moyens et faits suffisants pour lui permettre d'examiner sa demande ; que l'engagement de la responsabilité des défendeurs repose sur la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité ; que s'agissant de la société Sols Etudes et Fondations, celle-ci n'a pas étudié de manière suffisamment approfondie la nature du sol pour prescrire le mode d'implantation des pieux de fondations ; que s'agissant du groupement de maîtrise d'oeuvre et de la société Soginord, leur conduite défaillante est à l'origine du préjudice subi ; qu'aucun plan n'a été aménagé en considération des caractéristiques du sol ; que la société exposante n'a commis aucune faute ; que la sous-traitante a été choisie en considération des caractéristiques du terrain connues par la société exposante ; que la sous-traitante disposait des moyens suffisants pour accomplir sa mission telle que définie par le marché ; que l'insuffisance des études de sols réalisées par la société Sols Etudes et Fondations et les manquements commis par la maîtrise d'oeuvre sont la cause exclusive et directe de l'obligation pour l'entreprise exposante de financer les travaux supplémentaires de forage des fondations des immeubles en cause ;


Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2005, présenté pour Mme X et la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que la société appelante n'a pas agi de façon raisonnable sur le plan technique et administratif et ne peut rejeter sur la maîtrise d'oeuvre les conséquences de ses lacunes ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2006, présenté pour la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2006, présenté pour Mme X et la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 24 juillet 2006 portant clôture d'instruction au 30 octobre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 août 2006, présenté pour la SA Fondasol, dont le siège est Parc d'Activité du Buisson, 16 rue des Entrepreneurs à Marcq en Baroeul (59700), qui conclut à ce que la Cour constate qu'aucune demande n'est dirigée à l'encontre de la SA Fondasol ;

Vu le mémoire en observation, enregistré le 30 août 2006, présenté pour Habitat du Littoral, office public d'HLM, dont le siège est 30-32 avenue Charles de Gaulle à Boulogne sur Mer (62200), qui soutient qu'aucune demande n'est dirigée à son encontre et qu'un protocole d'accord a été signé le 18 décembre 1997 avec la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES par lequel d'une part, cette société a accepté de reprendre les travaux en prenant provisoirement à sa charge le surcoût engendré par les difficultés techniques, d'autre part, les parties ont renoncé à tout recours l'une envers l'autre ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;

- les observations de Me Pille, pour la société Sols Etudes et Fondations, de Me Deleurence, pour Mme X et la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont et de Me Pompei, pour le Bureau Véritas ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en juin 1994, l'Office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de Boulogne sur Mer a entrepris la réalisation d'un ensemble immobilier de 119 logements sis à Boulogne sur Mer au 61 rue de la Paix ; que par acte d'engagement du 10 septembre 1995, la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement composé de Mme X, de la société Soginord et de la SCP Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, SCP d'architecture Atelier 2A ; que pour la préparation des travaux de construction comportant deux niveaux de sous-sol, l'OPHLM a confié une étude approfondie du sol et du sous-sol à la société Sols Etudes et Fondations qui a déposé deux rapports, les 10 juin 1994 et 15 mai 1996 ; que le groupement de maîtrise d'oeuvre a établi, dans le cadre de la préparation des documents d'appel d'offres, le cahier des clauses techniques particulières en se basant notamment sur les conclusions de ces deux rapports pour préciser la nature des fondations nécessaires aux constructions envisagées ; qu'à la suite du lancement d'un appel d'offres pour une première tranche de 46 logements, la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a été retenue pour réaliser les travaux d'entreprise générale ; que cette société a confié la réalisation des travaux de fondations à la société Sondefor qui a été déclarée sous-traitant auprès du maître de l'ouvrage le 21 août 1997 ; que dès son intervention sur le chantier le 12 septembre 1997, la société Sondefor s'est heurtée à des difficultés liées aux caractéristiques du sol et n'a pu forer correctement le terrain ; que l'exécution des travaux a, en conséquence, été suspendue à partir de cette date ; que l'OPHLM de Boulogne sur Mer a donc sollicité une autre étude de sol auprès de la société Fondasol qui a déposé son rapport le 30 septembre 1997 ; qu'au vu de ce nouveau rapport, la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a présenté un nouveau devis relatif à la modification du système de fondations à l'OPHLM qui l'a refusé ; qu'un conflit est survenu entre le groupement de maîtrise d'oeuvre et la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES sur la teneur du nouveau rapport de la société Fondasol, la première soutenant que ce rapport était purement confirmatif des deux rapports initiaux, établis par la société Sols Etudes et Fondations, la seconde affirmant le contraire ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a alors saisi le Tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer afin qu'une mesure d'expertise soit diligentée ; que M. Z, désigné par ordonnance du 7 octobre 1997 comme expert a déposé son rapport le 14 novembre 1997 ; qu'un protocole d'accord est intervenu le 18 décembre 1997 entre l'OPHLM et la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, aux termes duquel la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES acceptait de réaliser les travaux et de prendre provisoirement en charge le surcoût lié aux travaux de forage supplémentaires, tandis que l'OPHLM acceptait de modifier le planning d'exécution et de renoncer à demander à la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES d'éventuelles pénalités de retard ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES recherche la responsabilité de la société Sols études et Fondations (SEF) et du groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la SARL Soginord et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, SCP d'architecture Atelier 2A aux fins de réparation du préjudice subi ;

Considérant qu'en précisant, dans sa requête de première instance, la nature des fautes commises par chacun des défendeurs à l'origine des dommages dont la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES demandait réparation, l'action de cette société, qui n'avait aucun rapport contractuel avec les défendeurs, devait être regardée comme étant engagée sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a estimé que la demande de la société requérante ne comportait pas de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et l'a déclarée irrecevable ; que, dans ces conditions, la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ; qu'il y a lieu, par suite, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES devant le Tribunal administratif de Lille ;
Sur le fond :

Considérant, en règle générale, qu'il appartient au juge administratif des travaux publics de procéder à la répartition des charges indemnitaires entre différents constructeurs, dès lors que ceux-ci sont liés, chacun ou ensemble, au maître de l'ouvrage par un contrat administratif ayant pour objet ou opération des travaux publics ; que si les constructeurs ne sont pas liés entre eux par contrat, la charge définitive sera répartie dans le cadre de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle en fonction de la gravité des fautes respectives de chacun des co-responsables ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les procédés de forage, préconisés par la société Sols Etudes et Fondations dans les deux rapports de reconnaissance géotechnique des sols qu'elle a établis les 10 juin 1994 et 15 mai 1996, se sont
avérés insuffisants et inadaptés à la nature des terrains touchés par des formations marneuses et de bancs calcaires indurés ; que sans remettre en cause la pertinence de ces rapports, la maîtrise d'oeuvre, en se fondant notamment sur les conclusions de ces derniers, a rédigé dans le cadre de la préparation des documents d'appel d'offres le cahier des clauses techniques particulières pour préciser la nature des fondations nécessaires aux constructions envisagées ; que ces insuffisances et erreurs techniques ont été à l'origine d'une désorganisation dans les travaux de fondations confiés à la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES et ont provoqué un important retard dans la réalisation de ceux-ci ; que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, qui a supporté les frais supplémentaires induits par cette désorganisation, est dès lors fondée à rechercher, alors même que les travaux bénéficient en dernier lieu au maître de l'ouvrage, la responsabilité solidaire
de la société Sols Etudes et Fondations et du groupement de maîtrise d'oeuvre composé de
Mme X, de la SARL Soginord et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, SCP d'architecture Atelier 2A ;

Considérant toutefois que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES qui a renoncé, en signant le protocole d'accord du 12 décembre 1997, à l'action contractuelle dont elle pouvait disposer vis-à-vis du maître d'ouvrage pour faire rémunérer le surcoût éventuel de sujétions imprévues, ne pouvait ignorer totalement, en qualité de professionnelle habituée à travailler dans la région, les aléas auxquels elle s'exposait compte tenu de l'hétérogénéité des terrains qui avait été mise en exergue par la société Sols Etudes et Fondations ; qu'elle a notamment commis une grande imprudence en choisissant de confier les travaux de forage à un sous-traitant qui ne disposait pas du matériel adapté aux caractéristiques susmentionnées des terrains en cause ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité qui lui incombe en limitant à 50 % du préjudice subi l'indemnité mise à la charge de la société Sols Etudes et Fondations et du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le surcoût des travaux de fondations qui a été pris en charge par la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, s'élève à la somme, non sérieusement contestée, de 78 279,16 euros ; qu'il ressort par conséquent de ce qui a été dit
ci-dessus que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a droit à 50 % de cette somme, soit 39 139,58 euros ; que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 29 avril 1998, date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif ;
Sur les appels en garantie :
Considérant en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, que la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES a commis une imprudence fautive de nature à exonérer pour moitié de leur responsabilité la société Sols Etudes et Fondations et le groupement de maîtrise d'oeuvre ; que par suite, les conclusions de ces derniers tendant à être garantis par la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES des condamnations prononcées à leur encontre sont sans objet ;

Considérant, en second lieu, que si le groupement de maîtrise d'oeuvre demande à être garanti par la SA Bureau Véritas des condamnations prononcées à son encontre, il n'établit pas, ni même allègue que cette société aurait commis une faute à l'origine des préjudices subis de nature à engager sa responsabilité ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le maître de l'ouvrage, en confiant à la société Sols Etudes et Fondations la réalisation des études géotechniques des sols qui a fait l'objet des deux rapports litigieux, ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité
vis-à-vis de cette société ;

Considérant, enfin, ainsi qu'il a été dit, que la société Sols Etudes et Fondations, a commis une faute en préconisant des modalités de forage inadaptées aux caractéristiques des sols qu'elle avait examinés ; qu'en se fondant, sans émettre de réserve, sur les rapports ainsi émis par la société Sols Etudes et Fondations, pour rédiger le cahier des clauses techniques particulières précisant la nature des fondations nécessaires aux constructions envisagées, le groupement de maîtrise d'oeuvre a contribué à la désorganisation des travaux de fondations ; qu'il en est de même pour la société Sondefor, qui, alors qu'elle disposait des rapports de la société Sols Etudes et Fondations faisant état de l'hétérogénéité des terrains, a accepté de réaliser les travaux de forage alors que son matériel était inadapté pour faire face aux aléas auxquels elle s'exposait ; qu'il sera fait une juste appréciation de la gravité des fautes commises par chacune des sociétés susmentionnées en condamnant le groupement de maîtrise d'oeuvre et la société Sondefor à garantir la société Sols Etudes et Fondations, respectivement à hauteur de 10 et 30 % ; qu'il y a lieu de condamner, en outre, la société Sondefor et la société Sols Etudes et Fondations à garantir le groupement de maîtrise d'oeuvre des condamnations prononcées à son encontre, respectivement à hauteur de 30 et 60 % ;


Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'affaire de mettre les frais d'expertise, diligentée auprès du Tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer, pour moitié à la charge de la société Sols Etudes et Fondations et du groupement de maîtrise d'oeuvre et pour moitié à la charge de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES ;

Sur les conclusions de Mme X et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 tendant au versement de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requête de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES présenterait un caractère manifestement abusif ; qu'ainsi, les conclusions susvisées tendant à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES à verser des dommages et intérêts à ce titre doivent être, en tout état de cause rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, la SA Bureau Véritas, Mme X, la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 et par la SARL Sondefor au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 98-1461 du Tribunal administratif de Lille en date du
26 octobre 2004 est annulé.
Article 2 : La société Sols Etudes et Fondations et le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la SARL Soginord et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont, SCP d'architecture Atelier 2A sont condamnés à verser à la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES la somme de 39 139,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 1998.
Article 3 : Les frais de l'expertise diligentée devant le Tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer sont mis pour moitié à la charge de la société Sols Etudes et Fondations et du groupement de maîtrise d'oeuvre et pour moitié à la charge de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES.
Article 4 : Le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la SARL Soginord, et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 est condamné à garantir la société Sols Etudes et Fondations des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 10 %.
Article 5 : La société Sondefor est condamnée à garantir la société Sols Etudes et Fondations et le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la SARL Soginord, et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 30 %.
Article 6 : La société Sols Etudes et Fondations est condamnée à garantir le groupement de maîtrise d'oeuvre composé de Mme X, de la SARL Soginord et de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 60 %.
Article 7 : Le surplus des conclusions en appel en garantie présentées par la société Sols Etudes et Fondations, Mme X et la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 est rejeté.
Article 8 : Les conclusions de Mme X, de la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 tendant à la condamnation de la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES pour procédure abusive sont rejetées.

Article 9 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, par la SA Bureau Véritas, par la SARL Sondefor, par Mme X et la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2 sont rejetées.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la société NORD CONSTRUCTIONS NOUVELLES, à Mme X, à la société Cambournac Huber Lefebvre Quertinmont Atelier A2, à la société Sols Etudes et Fondations, à la SARL Sondefor , à la société Fondasol, à la SA Bureau Véritas, à la société Saunier et associés venant aux droits de la société Soginord et à l'office public d'HLM de Boulogne sur Mer.


Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

2
N°05DA00019


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP FAUCQUEZ-BOURGAIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (ter)
Date de la décision : 31/10/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05DA00019
Numéro NOR : CETATEXT000018259267 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-10-31;05da00019 ?
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