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29/11/2007 | FRANCE | N°07DA00554

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 29 novembre 2007, 07DA00554


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Maxime X, demeurant ..., par Me Lebois ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0403761-0503623 du 18 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. Maxime X, représenté par Mme Françoise Y, en qualité de tutrice, tendant, d'une part, à titre principal : 1°) à ce que la commune d'Armentières soit déclarée responsable de l'accident qu'il a subi le 20 mars 2002, occasionné par une chute de plusieurs

mètres lors d'une escalade sur le toit d'un bâtiment désaffecté, 2°) à ...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Maxime X, demeurant ..., par Me Lebois ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0403761-0503623 du 18 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. Maxime X, représenté par Mme Françoise Y, en qualité de tutrice, tendant, d'une part, à titre principal : 1°) à ce que la commune d'Armentières soit déclarée responsable de l'accident qu'il a subi le 20 mars 2002, occasionné par une chute de plusieurs mètres lors d'une escalade sur le toit d'un bâtiment désaffecté, 2°) à la condamnation dudit maire à verser à Mme Y en sa qualité de tutrice les sommes de 2 000 000 euros en réparation de son préjudice y compris les intérêts de droit à compter du jour de l'envoi de son recours gracieux, 100 000 euros à titre de provision sur le préjudice corporel et 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais et honoraires d'expertise, 3°) à ce que le Tribunal sursoie à statuer sur la liquidation définitive du préjudice et, d'autre part, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée avec mission d'évaluer le préjudice corporel de M. X et d'apprécier notamment la nécessité d'une assistance, d'un aménagement de son logement et l'existence d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel ;
2°) à ce que la commune d'Armentières soit déclarée responsable du préjudice subi par M. X ;

3°) à ce que la Cour ordonne une expertise médicale de M. X et surseoit à statuer sur la liquidation définitive du préjudice corporel et ce dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire ;

4°) à la condamnation de la commune d'Armentières à verser à M. X la somme de 100 000 euros à valoir sur son préjudice corporel et matériel ;

5°) à la condamnation de la commune d'Armentières à verser à M. X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ;
Il soutient qu'il a été victime d'un grave accident après avoir chuté d'un toit sur le site d'une ancienne filature située avenue Léo Lagrange à Armentières ; qu'en ne prenant pas les mesures pour assurer la sécurité publique qui lui incombent en vertu du code général des collectivités territoriales, ni les mesures propres pour faire exécuter l'arrêté préfectoral du 26 novembre 1999 qui imposait au propriétaire la mise en sécurité du site, le maire a commis une faute engageant la responsabilité de la commune ; que si le maire a attiré à deux reprises l'attention du propriétaire du terrain sur la nécessité de procéder à une sécurisation du site, la simple alerte était insuffisante en ce qu'elle n'était pas suivie d'une mesure effective de sécurité ; que si le maire soutient que l'accident est dû à sa grave imprudence, il convient de rappeler qu'il était âgé de 14 ans lorsque les faits sont survenus, ce qui atténue nettement le degré de bon sens qu'il pouvait avoir du danger non seulement en fonction de son âge mais également en l'absence de dispositif de sécurité efficace mis en place par le propriétaire ou par le maire pour le prévenir des risques qu'il encourrait en pénétrant dans ces lieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2007, présenté pour la commune d'Armentières, représenté par son maire en exercice, par Me Nassiri, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Maxime X à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'arrêté préfectoral du 26 novembre 1999 dont se prévaut le requérant a été pris à la suite d'une pollution engendrée par une fuite de fioul lourd qui s'était répandu lors des travaux de démolition et qui risquait de polluer le milieu aquatique naturel ; qu'en vertu de la loi du 19 juillet 1976, la police spéciale des installations classées relève de la compétence du préfet, et à l'échelon national du Gouvernement, et le maire ne dispose d'aucun pouvoir en la matière pour s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale ; que toutefois, dès la notification de l'arrêté préfectoral, la commune d'Armentières a pris contact avec la SCI du rivage et a constaté que les prescriptions de l'autorité préfectorale avaient bien été suivies d'effet, de sorte qu'aucune infraction n'a été constatée en matière de pollution de l'environnement ; qu'il n'y a aucun lien de causalité entre l'accident du 20 mars 2002 et les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 26 novembre 1999 ; que les mesures de sécurité nécessaires pour rendre inaccessible le chantier aux personnes qui y étaient étrangères incombent exclusivement aux propriétaires durant les travaux de démolition dès lors que le chantier présente un caractère dangereux pour les tiers ; que toutefois, le maire d'Armentières avait attiré à plusieurs reprises l'attention du propriétaire sur la nécessité de clôturer et de sécuriser le chantier ; que le jeune Maxime X a pénétré à l'intérieur du site litigieux, avant de monter sur le toit d'un bâtiment dont la plaque de fibrociment a cédé, entraînant sa chute ; que s'agissant d'un bâtiment situé à l'intérieur du site, les pouvoirs de police municipale du maire ne lui confèrent aucun droit ni moyen pour démolir ou réparer ce bâtiment, sauf en matière de péril imminent, ce qui n'était pas le cas ; que subsidiairement, la faute de la victime serait exonératoire de responsabilité pour la commune ; qu'en effet, l'accident dont a été victime le jeune Maxime X est imputable à la grave imprudence qu'il a commis en montant sur le toit d'un bâtiment situé sur un terrain privé et en courant sur ce toit ;

Vu la lettre de mise en demeure en date du 5 juillet 2007 adressée à la caisse primaire d'assurance maladie d'Armentières qui n'a pas apporté d'observations ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2007, présenté pour M. Maxime X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient en outre que le maire pouvait également faire usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril et de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du CGCT, qui doivent être mise en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant des causes qui lui sont propres ; que le maire avait également l'obligation, en présence d'une situation d'urgence créant un péril grave et imminent, de faire usage de ses pouvoirs de police générale et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées ;

Vu l'ordonnance du 21 août 2007 portant clôture de l'instruction au 28 septembre 2007 à 16h30 ;
Vu la note en délibéré, présentée pour M. X le 23 novembre 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée ;

Vu le décret n° 77-1133 du 27 septembre 1977 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien et Mme Agnès Eliot, premiers conseillers :
- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- les observations de Me Jeanningros, pour M. X et de Me Bianchi, pour la commune d'Armentières ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en 1999, la société civile immobilière du Rivage a fait l'acquisition des bâtiments et terrains d'une ancienne filature mise en liquidation judiciaire trois ans auparavant, et a engagé, en concertation avec la commune d'Armentières, un projet de transformation de ce site en zone d'activités de type « pépinière d'entreprises » ; que, suite à une pollution consécutive à la démolition d'une cuve de mazout de l'ancienne filature, par un arrêté en date du 26 novembre 1999, pris sur le fondement des pouvoirs que la loi du 19 juillet 1976 lui confère à l'égard d'installations classées, le préfet du Nord a ordonné à la société civile immobilière du Rivage d'assurer la remise en état et la mise en sécurité du site ; que cette dernière a, par la suite, procédé à la démolition de certains bâtiments et à la réhabilitation des bâtiments restants ; que le 20 mars 2002, le jeune Maxime X, alors âgé de quatorze ans, après avoir pénétré avec plusieurs camarades dans l'enceinte du site, qui n'était pas fermé, et être monté sur le toit de l'un de ces bâtiments, a fait une chute de plusieurs mètres, qui a entraîné un grave traumatisme crânien et de nombreuses séquelles ; que M. Maxime X relève appel du jugement du 18 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté la demande, présentée en son nom, tendant à ce que la commune d'Armentières soit déclarée responsable de l'accident survenu le 20 mars 2002 et condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables qu'il a subies ;

Considérant que la police spéciale des installations classées a été attribuée au préfet et, à l'échelon national, au gouvernement par la loi du 19 juillet 1976 ; qu'en l'absence de péril imminent ou de circonstances particulières à la commune, le maire ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que, contrairement à ce que soutient M. X, les prescriptions imposées par l'arrêté préfectoral du 26 novembre 1999 ont bien été exécutées par la société civile immobilière du Rivage, d'autre part, que si les bâtiments réhabilités, qui n'avaient pas trouvé acquéreur, étaient dans un état dégradé à la date de l'accident, leur état n'était cependant pas par lui-même de nature à entraîner un péril immédiat qui aurait rendu nécessaire l'intervention du maire de la commune d'Armentières ;

Considérant que si, comme il a été dit, les bâtiments réhabilités étaient dans un état dégradé à la date de l'accident, ils ne présentaient aucun danger qui aurait nécessité la mise en oeuvre, par le maire d'Armentières, des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que si, dans le cadre des pouvoirs de police générale qui lui sont attribués par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, le maire peut notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, il résulte de l'instruction que le maire de la commune d'Armentières a, à deux reprises, la deuxième par un courrier daté du 27 décembre 2001, attiré l'attention du propriétaire du terrain sur la nécessité de procéder à une sécurisation du site, alors même que les lieux faisaient l'objet d'un gardiennage ; que, par suite, le maire n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale ;

Considérant, en tout état de cause, que l'accident dont a été victime le jeune Maxime X est imputable à la grave imprudence qu'il a commise en grimpant sur le toit d'un bâtiment situé sur un terrain privé et en courant sur ce toit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise médicale sollicitée, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Armentières qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. Maxime X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X, la somme que réclame la commune d'Armentières au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Armentières présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maxime X, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Armentières et à la commune d'Armentières et au service des tutelles des majeurs près le Tribunal d'instance de Lille.
Copie sera transmise au préfet du Nord.

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N°07DA00554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00554
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP NASSIRI et BIANCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-11-29;07da00554 ?
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