La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2007 | FRANCE | N°07DA01048

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 05 décembre 2007, 07DA01048


Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 12 juillet 2007 et confirmée par courrier original le 18 juillet 2007, présentée pour M. Synezio Boal X, demeurant ..., par Me Alouani ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701407, en date du 5 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juin 2007 du préfet des Yvelines décidant sa reconduite à la frontière et de la d

écision du même jour désignant la Guinée-Bissau comme pays de destination...

Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 12 juillet 2007 et confirmée par courrier original le 18 juillet 2007, présentée pour M. Synezio Boal X, demeurant ..., par Me Alouani ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701407, en date du 5 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juin 2007 du préfet des Yvelines décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour désignant la Guinée-Bissau comme pays de destination de cette mesure et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation administrative après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté et ladite décision ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation administrative, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que l'arrêté et la décision attaqués sont insuffisamment motivés au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que si l'exposant est présent en France depuis peu de temps, cette circonstance n'est pas déterminante à elle seule pour apprécier la nature de ses liens privés et familiaux, l'intensité de ces liens devant tout particulièrement être prise en compte ; qu'à cet égard, plusieurs des frères de l'exposant résident en France sous couvert du statut de réfugié ; qu'en revanche, presque plus aucun membre de sa famille ne réside en Guinée-Bissau, ses parents étant en exil en Afrique ; qu'au regard de ses éléments et contrairement à ce qu'a estimé manifestement à tort le tribunal administratif, l'arrêté de reconduite à la frontière prononcé à l'encontre de l'exposant a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a méconnu, par suite, tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet des Yvelines a, en outre, entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'exposant ; que la décision désignant la Guinée-Bissau comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière dont il est l'objet est entachée d'illégalité, le préfet ayant omis de solliciter de l'exposant ses observations écrites préalablement à son édiction, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le premier juge, la procédure juridictionnelle engagée par l'exposant à l'encontre de ladite décision ne saurait être regardée comme de nature à couvrir ce vice de procédure ; que l'exposant est le fils d'un ancien ministre du gouvernement de la Guinée-Bissau en exil après avoir été détenu à plusieurs reprises dans son pays en raison des fausses accusations proférées à son encontre ; que l'exposant justifie avoir lui-même milité activement dans un parti politique d'opposition dans son pays ; que, compte tenu de ces éléments et des pièces versées au dossier, il est suffisamment établi que l'exposant encourrait des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors et contrairement à ce qu'a estimé manifestement à tort le premier juge, la décision attaquée désignant la Guinée-Bissau comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette même décision est également entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'exposant ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que le préfet des Yvelines a régulièrement reçu notification de la requête susvisée mais n'a pas produit de mémoire ;

Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2007, par laquelle le président par intérim de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 22 octobre 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par arrêté en date du 1er juin 2007, le préfet des Yvelines a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant guinéen, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas des étrangers qui sont arrivés en France sans être en mesure de justifier d'une entrée régulière, à moins qu'ils n'aient été en possession d'un titre de séjour en cours de validité et a désigné la Guinée-Bissau comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que M. X forme appel du jugement en date du 5 juin 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté et demande son annulation pour excès de pouvoir ;


Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure d'éloignement prise à l'égard de M. X ; que cette motivation, qui mentionne au demeurant, contrairement à ce que soutient le requérant, que le préfet s'est assuré que l'intéressé n'établissait pas encourir des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est donc conforme aux exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors même que n'y figurent pas les noms des différents membres de la famille de l'intéressé qui résident en France ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ; que si M. X a déclaré être entré régulièrement sur le territoire français au cours de l'année 2006, il n'apporte aucun élément de nature à justifier de la réalité de cette allégation ; qu'il entrait, par suite, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisait le préfet des Yvelines à prononcer à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article
L. 311-7 soit exigée (…) » ; que si M. X, qui est arrivé en France, selon ses dires, au cours de l'année 2006, sans être toutefois en mesure de l'établir ni de justifier d'une entrée régulière, fait état de la présence régulière en France de plusieurs de ses frères, qui se seraient vu reconnaître le statut de réfugié, il n'apporte aucun élément permettant de justifier la réalité de cette allégation ; que, par ailleurs, le requérant, célibataire et sans enfant à charge, n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu durant une trentaine d'années, abstraction faite de ses années d'études supérieures suivies au Portugal ; que, dans ces conditions, la mesure de reconduite à la frontière attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi méconnu ni les dispositions précitées de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet des Yvelines n'a pas davantage entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que comporte cette mesure sur la situation personnelle de M. X ;


Sur la légalité de la désignation de la Guinée-Bissau comme pays de destination de cette mesure :

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations écrites avant que le préfet des Yvelines désigne le pays de destination vers lequel il doit être reconduit et soutient que cette décision méconnaît ainsi les dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles L. 511-1-II et L. 512-1-1 à L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi susvisée du
12 avril 2000 selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du
11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une mesure de reconduite à la frontière, le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre la mesure de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter » ; que M. X, qui a contesté la désignation du pays de renvoi devant le président du tribunal administratif, en même temps que l'arrêté de reconduite, a bénéficié des dispositions des articles L. 512-1-1 à L. 512-4 susmentionnés du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut, par suite, comme l'a estimé à bon droit le tribunal administratif, invoquer utilement celles de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ;

Considérant, enfin, que si M. X fait état de ce qu'eu égard à la circonstance qu'il est le fils d'un ancien ministre du gouvernement de la Guinée-Bissau et a son propre engagement politique dans un parti d'opposition au pouvoir actuellement en place, il serait en proie à des persécutions en cas de retour dans ce pays, ni l'attestation qu'il verse au dossier, rédigée le 5 juin 2007 par le représentant permanent de la ligue Bissau-Guinéenne des droits humains en France, qui, si elle confirme la réalité des fonctions autrefois occupées par son père, est peu circonstanciée, ni les documents relatifs à la situation générale prévalant en Guinée-Bissau, ne sont de nature à établir, alors au surplus que l'intéressé n'a pas sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, que M. X encourrait effectivement et personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que la désignation de la Guinée-Bissau comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière dont M. X a fait l'objet aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 1er juin 2007 à son égard et la désignation de la Guinée-Bissau comme pays de destination de cette mesure ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Synezio Boal X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera adressée au préfet des Yvelines.

N°07DA01048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01048
Date de la décision : 05/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-12-05;07da01048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award