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05/12/2007 | FRANCE | N°07DA01169

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 05 décembre 2007, 07DA01169


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701471, en date du 13 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 8 juin 2007 pris à l'encontre de M. Ura X, d'autre part, enjoint audit préfet de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation

dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701471, en date du 13 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 8 juin 2007 pris à l'encontre de M. Ura X, d'autre part, enjoint audit préfet de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;


Il soutient que c'est à tort que le jugement du magistrat désigné a retenu l'existence d'une décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour faite par M. X sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le dossier déposé lors de cette demande était incomplet, l'intéressé n'ayant pas suffisamment justifié de son identité ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 2007 fixant la clôture de l'instruction au 14 septembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2007 par télécopie et régularisé le
17 septembre 2007 par la production de l'original, présenté pour M. Ura X, demeurant ...), par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le préfet connaissait son identité et n'avait pas besoin de compléter son dossier dès lors que le préfet lui avait auparavant délivré, le 14 septembre 2004, sous sa véritable identité, un récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié, et qu'il avait également rejeté, par décision du 28 juillet 2006, sa demande de régularisation faite dans le cadre de la circulaire du 13 juin 2006 ; que la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est illégale dès lors que l'avis du médecin inspecteur de santé publique n'a pas été sollicité ; qu'en outre, l'arrêté de reconduite à la frontière est contraire aux dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est atteint de l'hépatite C et qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Vu l'ordonnance du 11 octobre 2007 portant réouverture d'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le
26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la désignation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement, en date du 13 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 8 juin 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité géorgienne, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière sur le territoire français ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II précité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : « L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article
R. 313-22 » ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : « (…) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (…) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (…) » ; qu'enfin, l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émette un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard et, qu'en outre, l'intéressé a sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du médecin inspecteur de santé publique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par l'intéressé, que M. X est atteint de l'hépatite C, pathologie nécessitant un traitement médical particulier ; que le préfet, qui a été destinataire des certificats médicaux à l'occasion de la demande de titre de séjour effectuée par M. X, doit être regardé comme ayant eu une connaissance suffisante de la nature et de la gravité de l'état de santé de l'intéressé ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME était ainsi tenu d'obtenir préalablement à l'intervention le 8 juin 2007 de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, aux fins notamment de s'assurer que le défaut de prise en charge médicale de la pathologie de M. X ne serait pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et d'être informé sur les possibilités d'accès effectif à un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi, cet arrêté a été pris, comme l'a estimé à juste titre le premier juge, au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. X et lui a enjoint de se prononcer dans un délai d'un mois sur la situation de l'intéressé ;


Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans le dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ura X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01169 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01169
Date de la décision : 05/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-12-05;07da01169 ?
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