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05/12/2007 | FRANCE | N°07DA01289

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 05 décembre 2007, 07DA01289


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701790, en date du 16 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 juillet 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mihaly X et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;


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Vu la requête, enregistrée le 13 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701790, en date du 16 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 juillet 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mihaly X et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;


Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en fondant son arrêté de reconduite à la frontière sur l'article L. 511-1-II-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé, qui ne peut être considéré comme un salarié détaché au sens des articles
L. 342-1 et L. 342-2 du code du travail, ne respecte pas les dispositions dudit code relatives au travail des étrangers ; que la société qui l'emploie n'a pas respecté les obligations déclaratives posées par l'article D. 341-5-7 du code du travail dès lors que la déclaration a été envoyée après le début des travaux ; qu'en outre, le nom de M. X ne figure pas sur la déclaration envoyée à l'administration ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance du 20 août 2007 fixant la clôture de l'instruction au 28 septembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2007 par télécopie et confirmé le
4 octobre 2007 par la réception de l'original, présenté pour M. Mihaly X, demeurant à ..., par Me Sagon ; M. X conclut au rejet de la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en fondant son arrêté de reconduite à la frontière sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'étant détaché par la société Isotherma N'Hungaria en France pour une durée limitée dans le temps, il n'était pas soumis à l'obligation de demander l'autorisation de travail prévue par l'article L. 341-4 du code du travail ; que l'inexactitude relative aux dates de début et de fin du chantier qui entache la déclaration envoyée le 21 juin 2007 à l'inspection du travail de la Seine-Maritime est une simple erreur matérielle ;

Vu l'ordonnance du 8 octobre 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 octobre 2007, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'intéressé ne peut être considéré comme un salarié détaché employé habituellement par la société Isotherma N'Hungaria dès lors qu'il a signé son contrat quelques jours avant le début du chantier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité d'Athènes signé le 16 avril 2003, relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, et son annexe X relative à l'acte d'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2003-1210 du 19 décembre 2003 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie ;

Vu la désignation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- les observations de Me Sagon, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;


Considérant que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement, en date du 16 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 juillet 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 8° Si (…) l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail » ; qu'aux termes de cet article : « Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2 et sans s'être fait délivrer un certificat médical (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail : « Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail (…) » ; qu'aux termes du 2 de l'annexe X à l'acte d'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne signé le 16 avril 2003, dont la loi
n° 2003-1210 du 19 décembre 2003 a autorisé la ratification : « Par dérogation aux articles 1 à 6 du règlement (CEE) n° 1612/68 et jusqu'à la fin de la période de deux ans suivant la date de l'adhésion, les États membres actuels peuvent appliquer des mesures nationales ou les mesures résultant d'accords bilatéraux qui réglementent l'accès des ressortissants hongrois à leur marché du travail. Les États membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date de l'adhésion de la Hongrie (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 341-1 du code du travail : « Sous réserve des traités, conventions et accords régulièrement ratifiés ou approuvés et publiés et des dispositions de l'article R. 341-1-1, (…) un étranger ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne pendant la période d'application des mesures transitoires relatives à la libre circulation des travailleurs, doit, pour exercer une activité professionnelle salariée en France, être titulaire d'une autorisation de travail (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 341-1-1 du même code : « Est dispensé de l'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 341-1 : a) Le salarié ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne pendant la période d'application des mesures transitoires, détaché conformément aux dispositions du I ou du II de l'article L. 342-1 et travaillant pour le compte d'un employeur établi sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne (…) » : qu'aux termes de l'article L. 342-1 du même code : « I. - Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement s'effectue : (…) 2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 342-2 du même code : « Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1 » ; qu'aux termes de l'article D. 341-5 du code du travail : « Les dispositions des articles D. 341-5-1 à D. 341-5-15 sont applicables aux salariés détachés à titre temporaire sur le territoire national par une entreprise non établie en France pour y effectuer une prestation de services (…) » ; et qu'aux termes de l'article D. 341-5-7 du même code : « Les employeurs qui détachent des salariés dans les conditions visées à l'article D. 341-5 adressent à l'inspecteur du travail du lieu où s'effectue la prestation (…) une déclaration mentionnant les éléments suivants : 1. Le nom ou la raison sociale de l'entreprise, l'adresse de l'établissement qui emploie habituellement le ou les salariés, la forme juridique de l'entreprise, les références de son immatriculation à un registre professionnel, l'identité du représentant légal de l'entreprise et l'identité et l'adresse du représentant de l'entreprise en France pour la durée de la prestation ;
2. L'adresse du ou des lieux où doit s'effectuer la prestation, la date du début de la prestation et sa durée prévisible, la nature de l'activité exercée, l'utilisation de matériel ou de procédés dangereux ; 3. Nom, prénom, date de naissance, sexe et nationalité des salariés détachés, ainsi que la date de conclusion de leur contrat de travail. Cette déclaration est effectuée avant le début de la prestation, par lettre recommandée avec avis de réception ou par télécopie (…) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un ressortissant hongrois détaché par une entreprise non établie en France qui effectue sur le territoire national une prestation de service n'est pas tenu de solliciter une autorisation de travail préalable ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a signé son contrat de travail avec son employeur le 29 mai 2007 pour un chantier débutant le 1er juin 2007 ; que, dès lors, il n'établit pas travailler habituellement pour le compte de son employeur et ne peut être considéré comme salarié détaché au sens des dispositions de l'article L. 342-2 du code du travail ; qu'en outre, son nom ne figure pas sur la déclaration adressée pas son employeur à l'administration ; qu'ainsi, il était tenu de solliciter une autorisation de travail préalable ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME pouvait, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider de reconduire l'intéressé à la frontière ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 juillet 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par

M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Considérant que M. X ne formule aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par
M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre de ces dispositions ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0701790, en date du 16 juillet 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé et la demande de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mihaly X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01289 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SCP SAGON LASNE LOEVENBRUCK

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 05/12/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01289
Numéro NOR : CETATEXT000018624288 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-12-05;07da01289 ?
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