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10/01/2008 | FRANCE | N°07DA01111

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 10 janvier 2008, 07DA01111


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702757, en date du 26 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Judicaël X, annulé sa décision en date du 21 mars 2007 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;


Il soutient que l'intéressée, qui ne satisfaisait pas à l'obligation de production d'u...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702757, en date du 26 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme Judicaël X, annulé sa décision en date du 21 mars 2007 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;


Il soutient que l'intéressée, qui ne satisfaisait pas à l'obligation de production d'un visa long séjour posée par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; qu'en tout état de cause, cette dernière, entrée régulièrement en France et mariée à un ressortissant français avec lequel elle résidait depuis plus de six mois, pouvait bénéficier de la procédure dérogatoire lui permettant de régulariser a posteriori sa situation administrative ; qu'à la date du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressée, enceinte, ne pouvait pas prétendre à la qualité de mère d'un enfant français ; qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressée n'était mariée que depuis cinq mois et ne justifiait pas d'une communauté de vie suffisamment ancienne et stable au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa famille ; que, dès lors, en refusant de l'admettre au séjour et en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, il n'a pas été porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionné aux buts en vue desquels sa décision a été prise ; que la décision attaquée n'a donc pas méconnu les stipulations précitées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 23 juillet 2007 portant clôture de l'instruction au 21 octobre 2007 ;

Vu l'ordonnance du 8 novembre 2007 prononçant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, présenté après clôture de l'instruction, enregistré par télécopie le
10 décembre 2007 et confirmé par l'envoi de l'original le 12 décembre 2007, présenté pour
Mme X ;

Vu la décision en date du 12 décembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le
26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la loi du n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- les observations de Me Cardon, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DU NORD relève appel du jugement, en date du 26 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 21 mars 2007, par lequel il a refusé d'admettre Mme X au séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mme X, ressortissante congolaise née le 16 janvier 1980 et entrée en France le 8 août 2006, fait valoir qu'elle est mariée depuis le 10 novembre 2006 avec un ressortissant français, que celui-ci perçoit des ressources régulières et devrait à partir du mois d'avril 2007, retrouver une activité professionnelle lui permettant de subvenir aux charges familiales, et qu'elle est très liée à sa tante qui l'a prise en charge depuis son arrivée sur le sol national, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, du caractère récent de son mariage à la date de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, et du fait qu'elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, la décision du 21 mars 2007 ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a retenu la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler sa décision du 21 mars 2007 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille ;


Sur la légalité de la décision refusant à Mme X la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que, par arrêté n° 2448 en date du 28 août 2006, régulièrement publié au recueil n°24 des actes administratifs de la préfecture du Nord, délégation de signature a été « (...) donnée à M. François-Claude Y, en qualité de secrétaire adjoint de la préfecture du Nord, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques et de la direction de l'administration générale. » ; que M. Y avait donc compétence pour signer la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X était mère d'un enfant à la date de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées manque donc en fait ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que Mme X ne peut donc utilement se prévaloir desdites stipulations pour demander l'annulation de la décision du 21 mars 2007 ;


Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire et en tant qu'elle fixe le pays de destination et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour, est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si, ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans son avis contentieux nos 306821-306822 en date du 19 octobre 2007, la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du
11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait mentionné dans sa décision l'article
L. 511-1 du même code qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en se bornant en l'espèce à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DU NORD a méconnu cette exigence ; que la décision par laquelle il a fait obligation à Mme X de quitter le territoire français et fixé le pays de destination doit, en conséquence être annulée ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU NORD de réexaminer la situation de Mme X dans un délai déterminé sous peine d'astreinte ;

Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de la décision du PREFET DU NORD, en tant qu'elle refuse la délivrance d'un titre de séjour, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, de même, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas, en l'espèce, la conséquence de l'annulation d'une décision de refus de séjour, n'implique aucune mesure particulière ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de tenir compte du mémoire, arrivé après la clôture de l'instruction, présenté pour Mme X, que celle-ci est seulement fondée à demander l'annulation de la décision du PREFET DU NORD, en date du 21 mars 2007, prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme X en première instance et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n°0702757, en date du 26 juin 2007, du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de la décision du 21 mars 2007 par laquelle le PREFET DU NORD a refusé de lui délivrer un titre de séjour sont rejetées.

Article 3 : La décision en date du 21 mars 2007 par laquelle le PREFET DU NORD a fait obligation à Mme X de quitter le territoire et a fixé le pays de destination est annulée.

Article 4 : L'Etat versera à Mme X la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Judicaël X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera adressée au PREFET DU NORD.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 07DA01111
Date de la décision : 10/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS POTIE- LEQUIEN-CARDON-THIEFFRY-EN-NIH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-01-10;07da01111 ?
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