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05/02/2008 | FRANCE | N°07DA00999

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 février 2008, 07DA00999


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

29 juin 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700668 en date du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé sa décision du 13 février 2007 refusant d'admettre

M. Ismaïla X au séjour et prononçant à l'égard de ce dernier une mesure d'obligation de quitter le territoire français, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai

d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, a mis à la char...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

29 juin 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700668 en date du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé sa décision du 13 février 2007 refusant d'admettre

M. Ismaïla X au séjour et prononçant à l'égard de ce dernier une mesure d'obligation de quitter le territoire français, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le tribunal administratif, les deux certificats médicaux versés au dossier par M. X n'étaient pas de nature à permettre de remettre en cause l'avis rendu dans les formes requises par le médecin inspecteur de santé publique, selon lequel l'état de santé de l'intéressé ne nécessitait pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en particulier, le risque suicidaire est uniquement évoqué par M. X dans ses écritures contentieuses et ne ressort d'aucun des documents produits ; qu'il n'appartient pas en pareil cas à l'autorité préfectorale, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, de produire devant le juge des avis médicaux supplémentaires ; que, dans ces conditions et alors même que le traitement suivi par l'intéressé ne peut être poursuivi en Mauritanie, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devait être écarté ; que, par ailleurs, les premiers juges auraient dû prendre en compte les circonstances que l'intéressé, débouté du droit d'asile, avait obtenu sans réelle difficulté des autorités de son pays des documents d'identité et avait résidé au Sénégal où il ne conteste pas pouvoir être accueilli ; que les déclarations de M. X concernant sa situation de famille comportaient des incohérences ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 17 juillet 2007 par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 14 septembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie le 13 septembre 2007 et confirmé par courrier original le 17 septembre 2007, présenté pour M. Ismaïla X, demeurant au foyer AFTAM, ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X soutient, à titre principal, que le préfet en indiquant qu'il n'y avait pas lieu de reconsidérer l'avis du médecin inspecteur de santé méconnaît sa compétence et se méprend sur les faits de l'espèce ; que la décision annulée constituait un refus de renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour raison médicale ; que son état de santé ne s'étant pas amélioré depuis 2005, il suivait toujours un traitement et que le défaut de prise en charge médicale pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé ; qu'aucun élément ne permet, dans ces conditions, de comprendre le revirement de l'appréciation portée sur ce point par le médecin inspecteur de santé publique, alors que ce praticien a admis, par ailleurs, dans son avis que l'état de santé de l'exposant nécessitait un traitement de longue durée qui ne pourrait lui être prodigué en Mauritanie ; que, contrairement à ce que soutient le préfet qui n'était pas lié par l'appréciation du médecin inspecteur, cet avis était insuffisant à lui seul à permettre de fonder la décision de refus de séjour contestée ; que le tribunal administratif a annulé à bon droit cette décision sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à titre subsidiaire, eu égard à la durée de son séjour en France, à l'insertion sociale dont il justifie, à l'intensité des liens qui l'unissent à sa fille, née et scolarisée en France, et à sa situation de santé, le refus de séjour attaqué est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; que compte tenu de ces éléments et de l'impossibilité de reconstituer en Mauritanie les liens familiaux entretenus avec sa fille, la décision porte au droit de l'exposant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans la mesure où seul un maintien en France est de nature à garantir la poursuite des relations avec sa fille, de mère sénégalaise, elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ayant pour conséquence de séparer son enfant de l'un de ses deux parents ; que l'obligation de quitter le territoire français, en tant qu'elle repose sur un refus de séjour illégal, ne peut qu'être annulée ; qu'elle méconnaît, pour les raisons susévoquées, tant les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et s'avère entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet ne conteste pas en appel l'annulation prononcée par le tribunal administratif de la désignation du pays de destination de cette mesure ; que cette désignation ne peut, en tout état de cause, dès lors qu'elle repose sur une obligation de quitter le territoire français illégale, qu'être annulée ;

Vu l'ordonnance en date du 17 septembre 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 octobre 2007, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que M. X ne faisait état de sa situation familiale que de manière très subsidiaire dans sa demande de première instance ; que les éléments avancés par le requérant pour attester de ses liens avec son enfant, qui n'a au demeurant été reconnu que par sa mère, ressortissante sénégalaise dont les conditions de séjour ont été régularisées à titre humanitaire, sont insuffisants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et

M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour refuser, par une décision en date du 13 février 2007, d'accorder à

M. X, ressortissant mauritanien, le renouvellement de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » qui lui avait été précédemment délivrée en raison de son état de santé et assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et de la désignation de la Mauritanie comme pays de renvoi, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME s'est fondé notamment sur ce qu'au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur de santé publique, l'état de santé de l'intéressé ne nécessitait plus une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel du jugement en date du 24 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) » ;

Considérant que, consulté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME sur la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. X, le médecin inspecteur de santé publique a fait connaître, par un avis émis le 26 octobre 2006, que si l'état de santé de l'intéressé lui apparaissait nécessiter une prise en charge médicale de longue durée dont il ne pourrait bénéficier en Mauritanie, un défaut d'une telle prise en charge ne pourrait désormais plus entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si M. X a produit trois certificats médicaux établis les 21 juillet 2006, 7 août 2006 et 6 février 2007 par un médecin psychiatre attestant qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique pour lequel il suit une psychothérapie et un traitement médicamenteux réguliers, il ne ressort pas de ces éléments ni des autres pièces versées au dossier que l'appréciation portée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME sur les conséquences d'une interruption du traitement pour la santé de M. X serait erronée ; qu'ainsi, alors même que l'état de santé de M. X avait précédemment justifié la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui n'avait pas à produire devant le tribunal administratif des avis médicaux contraires à ceux fournis par M. X, est fondé à soutenir que les premiers juges ont inexactement apprécié les circonstances de l'espèce ;

Considérant qu'il a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens présentés par M. X ;

Considérant que si M. X, qui est entré en France en février 2000 pour solliciter la reconnaissance du statut de réfugié qui lui a été refusée, fait état de son insertion dans la société française, des soins qui lui sont prodigués et des relations qu'il entretient avec l'enfant, né en 2001, qu'il a reconnu, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier qu'en refusant de renouveler son titre de séjour le PREFET DE LA SEINE MARITIME ait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ni qu'il l'ait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de M. X compte tenu notamment de l'absence de vie commune avec la mère de sa fille et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au delà de quelques rencontres, il subviendrait aux besoins de l'enfant ; que compte tenu de ces dernières circonstances et alors même que la mère de l'enfant n'a pas la même nationalité que la sienne, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que la décision refusant d'accorder le renouvellement du titre de séjour sollicité par M. X était illégale et devait être annulée ; que compte tenu de ce qui précède, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision, en ce qu'elle porte obligation de quitter le territoire français et en ce qu'elle fixe la Mauritanie comme pays de destination, serait illégale en conséquence des illégalités affectant le refus de titre de séjour, ni qu'elles seraient elles-mêmes affectées des mêmes illégalités ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE MARITIME, qui a contesté l'ensemble du jugement, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision en date du 13 février 2007 et à demander le rejet de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Rouen par M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ismaïla X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA00999 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Brigitte Phémolant
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/02/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA00999
Numéro NOR : CETATEXT000019589878 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-05;07da00999 ?
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