La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2008 | FRANCE | N°07DA01239

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 07 février 2008, 07DA01239


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 10 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

Mme Daloba X, demeurant ..., par Me Cardon ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0701982, en date du 28 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du

28 février 2007, par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre

une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 10 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

Mme Daloba X, demeurant ..., par Me Cardon ; elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0701982, en date du 28 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du

28 février 2007, par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de l'enjoindre de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus de séjour, a été signée par une autorité incompétente et est insuffisamment motivée en droit et en fait ; que cette même décision est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle est fondée sur le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen, les stipulations de ladite convention n'étant plus applicables ; que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, a été signée par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée en droit et en fait et n'a pas respecté la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision, en tant qu'elle fixe le pays de destination, est irrégulière car ne fixant pas explicitement le pays de renvoi ; que cette même décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 13 août 2007 portant clôture de l'instruction au 15 octobre 2007 ;

Vu la décision en date du 5 septembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2007, présenté par le préfet du Nord qui demande à la Cour de rejeter la requête de Mme X ; il soutient que la décision, dans son ensemble, a été signée par une autorité disposant d'une délégation de signature en la matière et est suffisamment motivée en droit et en fait ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus de séjour, n'est entachée d'aucune erreur de droit et n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, a respecté la procédure contradictoire et ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée, en tant qu'elle fixe le pays de destination, ne présente aucune ambiguïté quant au pays de renvoi et n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la lettre en date du 27 novembre 2007, informant les parties, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la loi du n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, de nationalité guinéenne, née en 1984, est entrée en France le 21 septembre 2005 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen portant la mention « non professionnel » valable du 9 septembre 2005 au 9 octobre de la même année ; que, le 13 octobre 2006, elle a sollicité du préfet du Nord l'obtention d'une carte de séjour temporaire mention « regroupement familial » ; que, par un arrêté en date du 28 février 2007, le préfet du Nord a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme X, cette décision comportant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en cas de renvoi ; que Mme X relève appel du jugement, en date du 28 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord en date du 28 février 2007 ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les moyens de légalité externe présentés à l'encontre des trois décisions attaquées contenues dans l'arrêté du 28 février 2007 :

Considérant que M. Y, secrétaire général adjoint de la préfecture, a reçu, par un arrêté du 28 août 2006 du préfet du Nord, régulièrement publié, délégation pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques et de la direction de l'administration générale ; qu'entrent dans ce cadre, dès lors qu'elles relèvent des attributions de la direction de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture du Nord, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers sans qu'il soit nécessaire qu'une telle précision soit portée dans l'arrêté de délégation ; qu'au surplus, les modifications apportées par la loi du 24 juillet 2006, créant notamment les mesures d'obligation de quitter le territoire français, n'imposaient pas par elles-même l'intervention d'un nouvel arrêté de délégation au profit du secrétaire général adjoint de la préfecture ; que, par suite, M. Y étant compétent pour signer l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant que Mme X s'est contentée de faire valoir devant les premiers juges des moyens de légalité interne tirés notamment de l'atteinte portée par la décision attaquée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de la méconnaissance de cette décision des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle présente, pour la première fois en appel, différents moyens tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit et en fait et n'a pas respecté la procédure contradictoire prévue par la loi du 12 avril 2000 ; que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public et qui relèvent de l'examen de la légalité externe de la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination en cas de renvoi, relèvent d'une cause juridique distincte de celle ouverte en première instance et sont, par suite, irrecevables en appel ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée en tant qu'elle porte refus de séjour :

Considérant que Mme X soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle se fonde sur le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, cette convention n'étant plus applicable depuis l'entrée en vigueur du règlement n° 526/2006 du Parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, dit « code frontières Schengen » ; qu'il ressort des pièces du dossier que si le préfet a visé le décret du 21 mars 1995, il ne s'est pas fondé sur ses dispositions mais uniquement sur celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite et en tout état de cause, il n'a commis aucune erreur de droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mme X soutient qu'elle élève seule son fils né en France en août 2006 et qu'elle a développé de nombreuses relations sociales et amicales sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où réside notamment son premier enfant né en avril 2004 ; que les seules circonstances, à les supposer établies, selon lesquelles elle serait entrée en France pour rejoindre son mari, ce dernier l'ayant ensuite abandonnée alors qu'elle était enceinte, et qu'elle est en mesure de s'insérer dans la société française, son comportement étant conforme à la morale et à l'ordre public, ne suffisent pas à démontrer que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus de séjour, n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour ;

Sur les moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision prononçant le refus de titre de séjour n'est pas illégale ; que, par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale ;

Considérant que le moyen tiré de l'absence de mention du pays de destination est inopérant à l'encontre de la décision comportant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la décision attaquée, en tant qu'elle porte pour Mme X obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision prononçant le refus de titre de séjour n'est pas illégale ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'est pas privée de base légale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) » ;

Considérant qu'en décidant, à l'article 3 de son arrêté, que Mme X serait reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible, le préfet du Nord doit être regardé comme ayant décidé que la requérante pourrait notamment être reconduite vers la République de Guinée et n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du même code : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) » ; que ce dernier texte énonce que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que les allégations de Mme X relatives aux risques que lui ferait courir ainsi qu'à son enfant leur retour dans son pays d'origine ne sont assorties d'aucune précision ni justification permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que notamment la seule référence à « la grave situation d'instabilité » en République de Guinée ne saurait être regardée à elle seule comme une circonstance de nature à permettre de considérer que la décision attaquée en tant qu'elle fixe le pays de destination méconnaîtrait les textes précités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du même code ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Daloba X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

N°07DA01239 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01239
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-07;07da01239 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award