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13/02/2008 | FRANCE | N°07DA01595

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 13 février 2008, 07DA01595


Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702413, en date du 14 septembre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du

11 septembre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Abd X et lui a enjoint de procéder à un examen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la dem

ande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient ...

Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702413, en date du 14 septembre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du

11 septembre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Abd X et lui a enjoint de procéder à un examen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient qu'à aucun moment, lors de son unique audition effectuée au cours de sa garde à vue, M. X n'a fait état de son mariage, qui devait être célébré le samedi suivant, ni de l'état de grossesse de sa compagne ; que l'intéressé ne peut donc soutenir que les services préfectoraux auraient agi en toute précipitation et dans le seul but de faire échec à son mariage ; que le premier juge a donc accueilli à tort le moyen tiré du détournement de pouvoir pour prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par ailleurs, M. X n'apporte la preuve de l'existence d'une vie commune avec sa future épouse que depuis le 1er avril 2007 ; que cette union ne pouvait donc être considérée, à la date à laquelle ledit arrêté a été pris, comme suffisamment stable et durable ; que M. X n'apporte pas la preuve qu'il aurait été effectivement le père de l'enfant à naître de sa compagne ; qu'il n'établit d'ailleurs pas disposer de ressources stables et suffisantes lui permettant de contribuer à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, alors qu'il a déclaré lors de son audition recevoir de ses parents résidant au Maroc les sommes nécessaires à ses propres besoins ; qu'il ne peut donc se prévaloir de ce qu'il serait isolé en cas de retour dans ce pays ; qu'au regard de ces éléments, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 5 novembre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

17 décembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2007, présenté pour M. Abd X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ; M. X soutient, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, que l'arrêté attaqué, qui a eu pour motif déterminant de prévenir son mariage avec une ressortissante française, est entaché de détournement de procédure ; qu'en effet et contrairement à ce que soutient le préfet, l'exposant avait bien informé les services de police de son prochain mariage, alors même que ses déclarations en ce sens ne figurent pas dans les procès-verbaux versés au dossier ; qu'en tout état de cause, il est suffisamment établi que le dépôt à la mairie de son dossier de mariage constitue le point de départ de l'enquête conduite à son égard, laquelle a d'ailleurs été diligentée initialement par le service des renseignements généraux et non par ceux de la police aux frontières ; que, si, toutefois, la Cour estimait ne pas devoir suivre le Tribunal sur ce point, il lui appartiendrait de constater que l'arrêté attaqué porte au droit de l'exposant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il vivait, en effet, maritalement avec sa future épouse antérieurement à leur mariage, célébré le 15 septembre 2007 ; que c'est la grossesse de cette dernière qui a entraîné la concrétisation du projet de mariage du couple ; que, dans ces conditions, la paternité de l'enfant qui est né le 23 septembre 2007 de leur union ne saurait lui être contestée, sauf preuve contraire apportée par une procédure judiciaire de contestation de paternité ; qu'enfin, en sa qualité de conjoint et parent de ressortissant français, l'exposant était en situation, dès la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le conseil de l'exposant est fondé à demander la mise à la charge de l'Etat de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et renonce, le cas échéant, à réclamer la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Vu l'ordonnance en date du 6 décembre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu la décision en date du 28 janvier 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai qui a rejeté la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. X sur le fondement de l'article 42 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37 ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 14 septembre 2007, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 11 septembre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant marocain, né le 15 juin 1976, et entré en France au cours de l'année 2002, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que cet arrêté était entaché de détournement de pouvoir, ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. X avec une ressortissante française ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a déposé au cours du mois de juillet 2007 un dossier à la mairie de Maromme (Seine-Maritime) en vue de la célébration de son mariage avec une ressortissante française et que la date de la cérémonie avait été fixée au 15 septembre 2007 ; que si, le 11 septembre 2007, postérieurement à ce dépôt, M. X a été entendu par les services de la police aux frontières, cette audition avait pour objet non de l'interroger sur son projet de mariage, qui n'a d'ailleurs à aucun moment été évoqué ainsi qu'en atteste le procès-verbal versé au dossier retraçant cet unique entretien, mais faisait suite à une saisine par le service des renseignements généraux qui avaient été informés du séjour irrégulier de M. X dans le département de la Seine-Maritime ; qu'ainsi, en prenant la mesure de reconduite en litige, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME doit être regardé comme ayant voulu mettre fin à la situation irrégulière de M. X, sans qu'il soit établi que le motif déterminant de sa décision ait été de prévenir son mariage ; que ladite mesure n'est, par suite, pas entachée de détournement de pouvoir ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler ledit arrêté ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X tant devant le Tribunal administratif de Rouen que devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. X, qui est entré en France au cours de l'année 2002 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa portant la mention « étudiant », s'est maintenu sur le territoire national au-delà de la durée de validité de ce visa ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; que, par suite, et alors qu'il ressort de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, la circonstance que ces motifs ne font pas mention du projet de mariage de M. X n'est pas de nature à permettre de faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...)

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au

bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui » ; que si M. X fait état de ce que son projet de mariage avec une ressortissante française s'est finalement concrétisé, ledit mariage ayant été célébré à la mairie de Maromme le 15 septembre 2007, et de ce qu'un enfant est né de cette union le 23 septembre 2007, ces circonstances sont intervenues postérieurement à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris et s'avèrent, par suite, sans incidence sur sa légalité ; qu'en outre, si M. X a vécu maritalement avec sa future épouse avant la célébration de son mariage, la réalité de cette vie commune n'est établie par les pièces versées au dossier qu'à compter du 1er avril 2007 ; qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, cette vie commune présentait ainsi un caractère très récent puisque ne datant que de cinq mois et la paternité de l'enfant attendu par la compagne de M. X n'était pas établie ; que, dans ces circonstances, eu égard également aux conditions du séjour de M. X en France, au fait qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où demeurent ses parents, ainsi qu'à la possibilité qui lui est ouverte de bénéficier du regroupement familial, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, M. X n'était pas davantage, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. X n'était, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, ni conjoint de ressortissant français, ni père d'un enfant français, le mariage et la naissance dont il se prévaut étant intervenus postérieurement à celle-ci ; que, dans ces conditions et contrairement à ce qu'il soutient en appel, il n'était pas à cette date en situation de se prévaloir de ces qualités pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ni sur le fondement des dispositions du 4°, ni sur celles du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 11 septembre 2007 par lequel le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702413, en date du 14 septembre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions présentées respectivement par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à M. Abd X.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01595 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 13/02/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01595
Numéro NOR : CETATEXT000019589926 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-13;07da01595 ?
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