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11/03/2008 | FRANCE | N°07DA01329

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 mars 2008, 07DA01329


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701411 en date du 30 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté en date 2 mai 2007 du PREFET DE L'EURE refusant à Mme Séraphine X la délivrance d'un titre de séjour, prononçant à son encontre l'obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint audit préfet d

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Vu la requête, enregistrée le 20 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701411 en date du 30 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté en date 2 mai 2007 du PREFET DE L'EURE refusant à Mme Séraphine X la délivrance d'un titre de séjour, prononçant à son encontre l'obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint audit préfet de délivrer à Mme X un titre de séjour « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a annulé ledit arrêté sur la base d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de délivrance d'un titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée dès lors que, si Mme X a effectivement bénéficié de titres de séjour mention « étudiant », elle s'est inscrite dans différentes filières et n'a obtenu aucun diplôme ; qu'en outre, le titre étudiant ne donne pas vocation à son titulaire à s'établir durablement en France ; qu'enfin, Mme X dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'elle peut y retourner avec son enfant qu'elle a reconnu seule ; que la décision refusant le séjour est correctement motivée ; que l'intéressée ne justifie pas avoir de liens avec de la famille proche en France, à part son enfant de nationalité sénégalaise avec lequel elle peut reformer sa cellule familiale dans son pays d'origine ; que sa mère au moins réside au Sénégal, elle ne justifie donc pas de liens personnels et familiaux tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, il n'existe aucune certitude sur les liens de filiation entre Mme Séraphine X et M. Léon X et sur les liens familiaux entre le prétendu père et l'oncle ; que, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire, le signataire de la décision contestée était bien compétent dès lors qu'il disposait d'une délégation régulièrement publiée ; que ladite décision est, en outre, parfaitement motivée ; que, sur le fond, les moyens d'annulation soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour n'étant pas recevables, l'obligation de quitter le territoire est donc parfaitement légale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 23 août 2007 fixant la clôture de l'instruction au

23 octobre 2007 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2007 par télécopie et confirmé par la réception de l'original le 24 octobre 2007, présenté pour Mme Séraphine X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; elle demande à la Cour de confirmer en tous points le jugement en date du 30 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du PREFET DE L'EURE refusant d'autoriser Mme X à séjourner en France et l'obligeant à quitter le territoire et de condamner l'Etat, représenté par le préfet de l'Eure, à verser à la SELARL Eden Avocats la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de la SELARL au versement de l'aide juridictionnelle ; elle soutient que le juge de première instance n'avait pas à se prononcer sur la situation de l'intéressée au regard de ses études dès lors que la demande portait sur la délivrance d'une carte de séjour mention « vie privée et familiale » et non pas sur le renouvellement d'une carte de séjour temporaire mention « étudiant » ; que l'arrêté du PREFET DE L'EURE était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'administrée au regard de plusieurs indices ; que si Mme X ne réside pas chez son père, c'est en raison de ce que ce dernier réside dans un foyer ; qu'elle réside chez son oncle ; que Mme X est bien la fille de Léon X, de même que la personne qui l'héberge est bien son oncle ;

Vu l'ordonnance en date du 25 octobre 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2007, présenté par le PREFET DE L'EURE ; il soutient que Mme X n'a obtenu aucun diplôme, ni même validé une seule année universitaire ; qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside sa mère et peut y retourner avec son enfant qu'elle seule a reconnu ; que les arguments relatifs à l'entrée régulière, à l'ancienneté du séjour et à la régularité du séjour avant refus, sont directement issus de la délivrance d'un titre de séjour « étudiant » qui ne donne pas à son titulaire vocation à s'établir durablement en France ; que le niveau d'études de Mme X ne peut être pris en compte, aucune réussite scolaire ou universitaire n'ayant été prouvée ; que la présence de proches en France ne peut être à lui seul un motif d'annulation de la décision ; qu'enfin, la conséquence du refus sur l'enfant ne saurait être prise en compte, ce dernier très jeune et reconnu uniquement par sa mère peut l'accompagner et la cellule familiale se reconstituer au pays ; qu' il est, en outre, permis d'avoir des doutes sérieux sur la filiation présentée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Antoine Mendras, président-rapporteur ;

- les observations de Me Rouly, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, née le 6 octobre 1979 à Dakar (Sénégal), est entrée en France le 22 septembre 2000 munie d'un visa long séjour portant la mention « étudiant » ; que depuis son entrée en France, elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiante jusqu'au 27 février 2006, date à laquelle le préfet a refusé de lui renouveler ledit titre de séjour pour défaut de progression des études ; que, le 26 mars 2006, Mme X a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision en se prévalant de la naissance de sa fille le 15 mars 2006 ; que, par décision en date du 22 mai 2006, le recours gracieux a été rejeté et le rejet a été confirmé par le Tribunal administratif de Rouen le 12 avril 2007 ; que Mme X a alors sollicité, le 21 juillet 2006, la délivrance d'une carte de séjour valable un an portant la mention « salarié » ou d'une carte de séjour valable un an portant la mention « vie privée et familiale » ; que, par arrêté en date du 2 mai 2007, le PREFET DE L'EURE a refusé de l'autoriser à séjourner en France et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois ; que, par jugement en date du 30 juillet 2007, le Tribunal administratif de Rouen a annulé ledit arrêté ; que le PREFET DE L'EURE relève appel dudit jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante sénégalaise, n'est entrée en France qu'en septembre 2000, qu'elle a bénéficié à cet effet jusqu'en février 2006, de cartes de séjour temporaires « étudiant » successives qui ne lui donnaient, en tout état de cause, pas vocation à s'établir durablement en France ; que, par ailleurs, Mme X conserve des attaches dans son pays d'origine où réside sa mère ; qu'elle n'allègue pas être dans l'impossibilité d'emmener hors de France son enfant, lequel n'a pas été reconnu par son père ; qu'ainsi, et alors même que Mme X réside en France depuis 7 ans, c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a estimé que le refus de délivrance du titre de séjour sollicité était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences engendrées sur sa vie personnelle ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

Considérant que Mme X soutient que l'arrêté du 2 mai 2007 est insuffisamment motivé au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, si l'arrêté préfectoral attaqué reprend, sans dénaturer la demande de titre de séjour formulée par l'intéressée, que celle-ci a sollicité le 21 juillet 2006 son admission exceptionnelle au séjour en France en tant que salarié ou dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le même arrêté se borne à énoncer, sans mentionner les considérations de fait et de droit qui ont conduit au rejet de cette demande, que Mme X, qui ne remplit plus les conditions pour obtenir un titre de séjour « étudiant », n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code, ni dans aucun cas visé par son article L. 511-4 ; qu'une telle motivation ne satisfait pas aux prescriptions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Eure n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 2 mai 2007 refusant à Mme X la délivrance d'un titre de séjour et prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 dudit code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant que l'annulation, à raison de l'insuffisance de motivation susévoquée, de l'arrêté pris à l'égard de Mme X implique non pas la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée, mais le réexamen de sa situation ; qu'il y a ainsi lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au PREFET DE L'EURE de procéder au réexamen de la situation de Mme X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions de la SELARL Eden Avocats tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée : « Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre (...) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X n'a, contrairement à ce que soutient la SELARL Eden Avocats, ni obtenu, ni même sollicité, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que la SELARL Eden Avocats n'est donc pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros qu'elle réclame ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au préfet de l'Eure de réexaminer la situation de Mme X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement n° 0701411 du Tribunal administratif de Rouen en date du

30 juillet 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE L'EURE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la SELARL Eden Avocats tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à Mme Séraphine X.

Copie sera adressée au PREFET DE L'EURE.

N°07DA01329 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01329
Date de la décision : 11/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Antoine Mendras
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-03-11;07da01329 ?
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