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19/03/2008 | FRANCE | N°07DA01747

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 19 mars 2008, 07DA01747


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 21 novembre 2007 et confirmée par courrier original le 22 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702597, en date du 8 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Servet X, sa décision en date du 1er octobre 2007 désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la fro

ntière prononcée le même jour à l'égard de l'intéressé ;

2°) de rejeter...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 21 novembre 2007 et confirmée par courrier original le 22 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702597, en date du 8 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Servet X, sa décision en date du 1er octobre 2007 désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de l'intéressé ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ladite décision de la demande présentée par

M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'égard de M. X a été regardé à tort comme comportant une décision désignant le pays de destination de cette mesure ; que, par ailleurs, la décision en litige, à la supposer existante, n'a pas, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, M. X ne justifie pas de la réalité de son engagement politique, ni être poursuivi à ce titre ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, devant lequel l'intéressé ne s'est au demeurant pas présenté, puis la Commission des recours des réfugiés ont rejeté sa demande d'asile ; que les pièces dont M. X entend à présent se prévaloir ne constituent pas un élément nouveau, puisqu'elles se rapportent aux faits déjà invoqués devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que l'intéressé ait sollicité un nouvel examen de sa demande d'asile en considération de ces pièces ; que M. X ne démontre pas avoir effectivement quitté clandestinement la Turquie, ni n'y être jamais retourné depuis lors ; que le récit de l'intéressé est peu plausible ; que sa famille, qui demeure en Turquie, n'est apparemment pas inquiétée ; que M. X n'établit pas avoir engagé des démarches dans le but d'obtenir son admission dans un autre pays ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 6 décembre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

21 janvier 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2008, présenté pour M. Servet X, demeurant ..., par Me Guillot ; M. X conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de procéder à un nouvel examen de sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X soutient que, contrairement à ce que prétend le préfet, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard doit être regardé comme comportant une décision désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure ; que le premier juge a fait une exacte application des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, le préfet doit procéder, sans être lié par la position prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Commission des recours des réfugiés, à un examen de la situation d'un étranger qui fait état de risques en cas de retour dans son pays d'origine avant de prononcer sa reconduite à la frontière à destination de ce pays ; que l'exposant a, en l'espèce, produit à l'appui de sa demande de première instance des documents originaux de preuve dont il importe peu de savoir s'ils présentent ou non le caractère d'un élément nouveau au sens retenu par la Commission des recours des réfugiés ; qu'ainsi, le procès-verbal de perquisition en date du 22 juillet 2005, qu'il a versé au dossier, établit l'existence d'une condamnation prononcée à son encontre le 13 juin 2005 par la Cour d'assises d'Erzurum à quatre ans et six mois d'emprisonnement ; qu'il est également établi, par une attestation du maire de son village en date du 15 mai 2006 que l'exposant a été l'objet de recherches de la part des autorités turques ; que ces deux pièces sont postérieures à la décision de la Commission des recours des réfugiés sur le recours qu'il avait formé contre le rejet de sa demande d'asile et n'ont donc pas pu être invoquées à l'appui de ce recours ; que l'exposant établit donc le caractère fondé de ses craintes personnelles de persécutions et de traitements inhumains en cas de retour en Turquie, compte tenu de son appartenance à un mouvement indépendantiste kurde ; que le préfet a, au surplus et dans ces conditions, entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle ; que le jugement attaqué n'ayant pas, à ce jour, reçu exécution, l'exposant est fondé à demander que l'injonction prononcée par le premier juge soit assortie d'une astreinte ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 15 février 2008, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête ; il fait observer que la plupart des demandes d'accueil effectuées par M. X auprès d'autres pays de l'Union européenne ne pouvaient juridiquement prospérer ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 1er octobre 2007, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant turc, né le 1er avril 1979 et entré en France le 3 août 2004 ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel du jugement, en date du 8 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X, la décision en date du 1er octobre 2007 désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 1er octobre 2007 à l'égard de M. X que celui-ci précise en son article 2 que l'intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou d'un pays qui lui aurait délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ; que cette mention doit être regardée, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, comme révélant l'existence d'une décision désignant notamment la Turquie comme pays de renvoi ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'égard de M. X n'aurait pas comporté de décision désignant la Turquie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Considérant, en second lieu, que, pour justifier de la réalité des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, M. X, qui soutient appartenir à l'ethnie kurde et avoir été inquiété en Turquie en raison de son appartenance à un mouvement indépendantiste, a produit devant le premier juge la traduction, d'une part, d'un procès-verbal de perquisition de domicile rédigé le 22 juillet 2005 par le commandant du poste de gendarmerie de Mus, mentionnant que l'intéressé est recherché par les autorités à la suite de sa condamnation le 13 juin 2005 par la Cour d'assises de Erzurum à une peine de quatre ans et six mois d'emprisonnement, d'autre part, d'un avis établi par le maire de son village le 15 mai 2006, faisant également état de recherches effectuées à son sujet par la gendarmerie ; que, toutefois, alors que M. X n'a apporté, tant en première instance qu'en appel, aucun élément de nature à justifier de la réalité de son engagement politique dans son pays d'origine, aucun de ces deux documents ne précise le motif des recherches et de la condamnation susmentionnés ; qu'en outre, si, pour rejeter une première fois la demande d'asile et le recours formés par M. X, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés n'ont pas eu connaissance de ces documents, que M. X s'est procuré postérieurement à leur décision, l'intéressé a lui-même indiqué à l'occasion de son interpellation le 1er octobre 2007 que la demande de réexamen, qu'il avait présentée et dont il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle faisait état de ces documents, avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans ces conditions, M. X ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il risquerait de subir des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif sa décision du

1er octobre 2007 désignant la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. X ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen articulé par M. X tant devant le tribunal administratif que devant la Cour au soutien des conclusions qu'il a dirigées à l'encontre de la décision désignant le pays de destination de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, ni les allégations de M. X, ni les pièces qu'il verse au dossier ne sont suffisantes à établir qu'il encourrait effectivement et à titre personnel des risques en cas de retour en Turquie ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas entaché la décision attaquée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er octobre 2007 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a désigné la Turquie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à son égard ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par M. X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702597, en date du 8 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il prononce l'annulation de la décision du 1er octobre 2007 désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. Servet X, est annulé.

Article 2 : Les conclusions dirigées contre ladite décision de la demande présentées par

M. X devant le Tribunal administratif de Rouen et les conclusions présentées par M. X devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Servet X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01747
Date de la décision : 19/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-03-19;07da01747 ?
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