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19/03/2008 | FRANCE | N°07DA01752

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 19 mars 2008, 07DA01752


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 22 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702704, en date du 19 octobre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. Miguel X, son arrêté en date du 15 octobre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé, lui a enjoint

de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de ce dernier ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 22 novembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702704, en date du 19 octobre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. Miguel X, son arrêté en date du 15 octobre 2007 prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressé, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de ce dernier après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient que le premier juge a estimé à tort que M. X établissait par les seules pièces versées au dossier sa présence effective en France depuis l'année 2001 ; qu'en outre, le seul membre de la famille de l'intéressé qui réside en France est son frère, entré sur le territoire national depuis 1987 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2011, mais dont il a été séparé durant onze ans ; que M. X a laissé dans son pays d'origine deux enfants mineurs, avec lesquels il n'établit pas avoir rompu tout lien, ayant d'ailleurs déclaré à l'occasion de son interpellation avoir l'intention de les faire venir auprès de lui en France dans l'hypothèse où sa situation administrative serait régularisée ; que, par ailleurs, si l'intéressé a fait état d'une vie maritale avec une ressortissante portugaise, la réalité de cette vie commune ne peut être regardée comme établie, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, compte tenu notamment des erreurs et des incohérences contenues dans les déclarations de l'intéressé lors de son audition à la suite de son interpellation ; que si M. X se prévaut de ce qu'il a reconnu l'enfant de l'intéressée, cette reconnaissance, de même que la naissance de cet enfant sont postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris ; qu'enfin, M. X est célibataire, sans enfant à charge, sans domicile certain et sans ressources ; que, dès lors, le premier juge a accueilli à tort le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, dans ces mêmes circonstances, ledit arrêté n'a pas davantage porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 6 décembre 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

21 janvier 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 21 janvier 2008 et confirmé par courrier original le 22 janvier 2008, présenté pour M. Miguel X, demeurant ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut au rejet de la requête, en tout état de cause, à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au PREFET DE LA SEINE-MARITIME de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X soutient que le premier juge a estimé à juste titre, au vu des circonstances particulières de l'espèce, que l'arrêté attaqué était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; qu'il justifie, en effet, d'une durée de séjour en France de neuf ans, étant entré en France en 1999 ; qu'à tout le moins, son séjour en France doit être regardé comme établi à compter de l'année 2001 ; qu'il dispose de liens familiaux forts sur le territoire national, en la personne de son frère, en situation régulière et dont il est proche ; qu'il justifie, en outre, de sa vie maritale avec une ressortissante portugaise, en séjour régulier, qui était enceinte de ses oeuvres depuis six mois à la date à laquelle le jugement attaqué a été prononcé ; que, depuis lors, cet enfant est né, le 3 janvier 2008 ; qu'il a la volonté et la capacité de s'insérer socialement, par l'apprentissage du français et l'exercice d'une activité professionnelle, ayant d'ailleurs obtenu une promesse d'embauche ; que, par ailleurs, les éléments susmentionnés établissent que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par un jugement en date du 19 octobre 2007, l'arrêté du

15 octobre 2007 du PREFET DE LA SEINE-MARITIME décidant la reconduite à la frontière de

M. X, ressortissant capverdien, né le 6 août 1968, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que cet arrêté était entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel de ce jugement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a déclaré être arrivé en France dans le courant du mois d'août 1999, n'a toutefois pas été en mesure de l'établir ni de justifier d'une entrée régulière ; que les pièces qu'il a produites devant le premier juge ne permettent pas de justifier de sa présence sur le territoire français antérieurement au mois de

janvier 2001, ni, en tout état de cause, du caractère continu de son séjour depuis cette date ; que, par ailleurs, si M. X fait valoir qu'il vit avec une ressortissante portugaise, entrée en France au cours de l'année 2000 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2010, aucune des pièces qu'il verse au dossier, pas même celles produites en dernier lieu devant la Cour, ne sont de nature à établir la réalité de cette vie commune, alors au surplus que plusieurs erreurs et incohérences entachent les déclarations faites par l'intéressé quant à cette relation lors de son audition à la suite de son interpellation ; qu'à supposer même cette vie commune établie, celle-ci présenterait un caractère récent, puisque ne datant, aux dires mêmes de l'intéressé, que de deux ans ; que si M. X fait valoir que la personne qu'il présente comme sa compagne a donné naissance le 3 janvier 2008 à un enfant et fait état de ce qu'il avait reconnu par anticipation la paternité de celui-ci le 18 octobre 2007, ces circonstances sont postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris et s'avèrent, par suite, sans incidence sur sa légalité ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. X est célibataire et qu'il a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, où demeurent notamment ses deux enfants mineurs avec lesquels il n'établit pas avoir rompu tout lien ; que, dans ces conditions, malgré la présence régulière en France d'un frère et nonobstant la volonté et la capacité d'insertion, notamment professionnelle, qui seraient les siennes et dont témoignerait la promesse d'embauche dont il a bénéficié, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif ledit arrêté, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de l'intéressé après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par M. X devant la Cour ;

Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a déclaré être arrivé en France au cours du mois d'août 1999 sous couvert d'un visa « Schengen » d'une durée de validité de trois mois, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée à cette date et dans des conditions régulières ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées autorisant le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, enfin, qu'eu égard à ce qui a été dit quant à la situation privée et familiale de

M. X et notamment aux circonstances que la réalité de la vie commune dont il se prévaut n'est pas établie et qu'il a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, en la personne de deux enfants mineurs, et compte tenu, en outre, des conditions de son séjour et de ce que la durée alléguée de celui-ci n'est pas établie, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 15 octobre 2007 par lequel le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME a décidé sa reconduite à la frontière ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte qu'il présente ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702704, en date du 19 octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions présentées par M. X, tant devant le Tribunal administratif de Rouen que devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à M. Miguel X.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01752 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 19/03/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01752
Numéro NOR : CETATEXT000019590018 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-03-19;07da01752 ?
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