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08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01186

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 avril 2008, 07DA01186


Vu, I, sous le n° 07DA01186, la requête enregistrée le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée TURBO'S X - TRUCK CENTER, dont le siège est ..., par Me Legrand ; la société TURBO'S X - TRUCK CENTER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505183 du 26 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de janvier 1997 à janvier

2000, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a assignée en application des dis...

Vu, I, sous le n° 07DA01186, la requête enregistrée le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée TURBO'S X - TRUCK CENTER, dont le siège est ..., par Me Legrand ; la société TURBO'S X - TRUCK CENTER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505183 du 26 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de janvier 1997 à janvier 2000, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a assignée en application des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le vérificateur, en méconnaissance de l'indépendance des procédures pénale et administrative, s'est exclusivement fondé sur les éléments recueillis auprès de l'autorité judiciaire pour asseoir ses redressements ; que la présomption d'innocence de son dirigeant a été méconnue ; que le Parquet n'a pas donné son aval à la communication des éléments transmis par le juge d'instruction, en méconnaissance de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales qui a été seul mis en oeuvre et des articles 11 et R. 155-2 du code de procédure pénale ; que l'instruction N° 13 K-2-89 du 21 août 1989 et le paragraphe n° 3 de la documentation administrative n° 13 K-151 à jour au 1er juin 2001 vont dans ce sens ; que l'irrégularité d'une telle communication, qui n'est qu'une simple faculté pour l'autorité judiciaire même dans le cadre de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, caractérise un détournement de procédure ; que le recours à l'assistance administrative internationale est également vicié dès lors que l'administration ne lui a pas soumis les termes de la réponse donnée par les autorités fiscales belges ; qu'elle a été privée du droit de s'adresser valablement au supérieur hiérarchique prévu par la charte du contribuable vérifié et les paragraphes nos 10 à 16 de la documentation administrative n° 13 L-1311 ; que l'administration n'apporte pas la preuve du caractère fictif des opérations ayant permis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en litige et, en particulier la preuve de l'absence de livraison des véhicules par ses fournisseurs ; que la réalité des transactions qu'elle a réalisées est au contraire largement justifiée par les pièces produites et les fiches retraçant les circuits de commercialisation de chaque camion, tant pour l'application de la loi fiscale relative à l'exercice des droits à déduction qu'au sens de l'instruction n° 3 CA-92 n° 301 et l'instruction 3 A-3-97 du 28 mars 1997 ; que certaines distorsions chronologiques liées à l'établissement des factures de revente et l'absence de pièces justificatives telles que des certificats d'immatriculation s'expliquent par les particularités du négoce de véhicules au niveau communautaire, qui se caractérise par un marché parallèle de fournisseurs de véhicules neufs, hors réseau des concessionnaires de constructeurs ; que les prix pratiqués ne démontrent pas davantage que les opérations étaient fictives ; qu'en tout état de cause, l'administration n'établit pas qu'elle a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance qu'elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle a simplement cherché à se développer en étant contrainte de s'adresser à des fournisseurs extérieurs au réseau de concessionnaires ; qu'il est demandé à la Cour d'interroger la Cour de justice des Communautés européennes pour obtenir, par la voie d'une question préjudicielle, des précisions sur la notion de mesures pouvant être raisonnablement exigées d'un opérateur pour déjouer une participation à une chaîne de fraude au carrousel ; que l'amende infligée sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts n'est pas fondée ; qu'elle est au surplus contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la loi ne confère pas au juge une plénitude de juridiction pour apprécier le comportement de la personne poursuivie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que, eu égard à l'indépendance des procédures administrative et pénale, rien ne s'oppose à ce que l'administration établisse les redressements en obtenant des renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire ; que la présomption d'innocence, qui n'est au demeurant pas invocable, a été respectée ; que le droit de communication a été exercé en conformité avec les articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales dès lors que la société, informée de l'exercice de ce droit, était représentée le jour où les documents saisis ont été examinés dans le bureau du juge et qu'un exemplaire des documents a été remis à la contribuable ; qu'elle a, dans la notification de redressement, indiqué avec suffisamment de précision la nature et la teneur des documents recueillis dans le cadre de l'assistance administrative internationale pour permettre un débat contradictoire en temps utile ; que la société n'a pas sollicité la transmission de ces documents qui n'avaient pas à être communiqués spontanément à la contribuable ; que la société a bénéficié du recours hiérarchique prévu par la charte du contribuable vérifié ; qu'au fond, les opérations de contrôle ont permis de rassembler suffisamment d'éléments pour établir que les factures d'achat et de vente des camions avaient pour seul objet d'engendrer des droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'étude des documents produits par la société, qui ne retracent que les opérations de négoce intervenant en aval des transactions, ne permet pas de remettre en cause le caractère fictif des transactions en cause ; qu'une analyse de l'activité de la société et de ses relations avec ses fournisseurs montre qu'elle n'ignorait rien de sa participation au circuit frauduleux ; que la seule détention de factures, même payées, ne suffit pas à consacrer le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée y afférente dès lors que les auteurs de ces factures, qui n'ont procuré aucune prestation ni livré aucun bien, ne peuvent être regardés comme des assujettis ; que le caractère fictif des factures justifie l'amende ; que celle-ci n'est pas contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le juge administratif exerce un contrôle entier sur les faits et leur qualification juridique ;

Vu, II, sous le n° 07DA01231, la requête enregistrée le 30 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Alfred X, élisant domicile ... par Me Legrand ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505183 du 26 avril 2007 susmentionné par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté son intervention tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société Turbo's X - Truck Center au titre de la période de janvier 1997 à janvier 2000, ainsi que de l'amende fiscale prononcée en application des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts ;

2°) d'admettre son intervention ;

Il soutient que les conditions pour déclarer recevable son intervention à l'instance opposant la société Turbo's X - Truck Center à l'administration fiscale sont remplies dès lors qu'il existe une requête principale et qu'il dispose d'un intérêt à intervenir ; qu'en effet, les faits qui se présentent à juger devant la juridiction administrative saisie d'une demande de décharge des droits et pénalités incombant à cette société, dont il est le dirigeant, sont les mêmes que ceux qui forment l'objet de la procédure pénale diligentée contre lui à titre personnel ; que son droit d'intervention est garanti, non seulement par l'article R. 632-1 du code de justice administrative, mais également par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que les articles 54 à 58 de la convention d'application des accords de Schengen, relatifs à l'application du principe « non bis in idem » entre Etats signataires, sont applicables dès lors qu'il a été, à titre personnel, acquitté par la justice belge à raison de faits qui procèdent de la même intention de les commettre que ceux qui ont été soumis au tribunal administratif ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'intervention est subordonnée à l'existence d'un droit propre auquel la décision est susceptible de préjudicier ; que la simple existence d'un intérêt n'est pas suffisante pour admettre l'intervention demandée ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 mai 1950 ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu la convention franco-belge signée le 10 mars 1964 ;

Vu la directive n° 77/383/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée ;

Vu le code civil ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Connaissance prise des notes en délibéré présentées le 1er avril 2008 par Me Legrand pour la société TURBO'S X - TRUCK CENTER et M. X ;

Considérant que la requête de la société TURBO'S X - TRUCK CENTER, enregistrée sous le n° 07DA01186, et la requête de M. X, enregistrée sous le n° 07DA01231, sont dirigées contre le même jugement du Tribunal administratif de Lille n'admettant pas l'intervention de ce dernier et rejetant la demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à ladite société au titre de la période de janvier 1997 à janvier 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 07DA01231 de M. Alfred X :

Considérant que, dans les litiges de plein contentieux portés devant le juge administratif, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ;

Considérant qu'il est constant qu'aucune des impositions et pénalités que conteste la société TURBO'S X - TRUCK CENTER n'a été mise à la charge de son dirigeant M. Alfred X, ni ne lui a été réclamée ; que si ce dernier fait valoir qu'il fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits identiques à ceux qui sont à l'origine des redressements que conteste la société, il ne justifie pas par cette circonstance, eu égard notamment à l'indépendance des procédures pénale et fiscale, d'un droit à intervenir dans le recours intenté devant le juge administratif par la société en vue d'obtenir décharge de ces redressements ; que, pour le même motif tiré de ce que le présent litige soumis à la Cour n'oppose que la société TURBO'S X - TRUCK CENTER, seule contribuable vérifiée et redevable des taxes et pénalités en litige, à l'administration fiscale, M. X ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour revendiquer, selon ses propres termes, le « droit de prendre part à son propre procès » ; que dès lors que M. X n'est pas placé dans une situation semblable à celle de la société requérante, il n'entre pas davantage dans le champ d'application des stipulations de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lesquelles toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi ; que les articles 54 à 58 de la convention d'application des accords de Schengen, relatifs à l'application du principe « non bis in idem » entre Etats signataires ne peuvent être utilement invoqués par M. X dès lors qu'il indique lui-même que les faits pour lesquels il a été poursuivi mais finalement acquitté par la Cour d'appel d'Anvers sont différents de ceux pour lesquels il est poursuivi en France ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas admis son intervention à l'instance opposant la société TURBO'S X - TRUCK CENTER à l'administration fiscale ;

Sur la requête n° 07DA01186 de la société TURBO'S X - TRUCK CENTER :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne s'oppose à ce que l'administration fiscale exploite les renseignements recueillis par elle auprès de l'autorité judiciaire pour fonder, sous le contrôle du juge de l'impôt, ses redressements ; qu'au surplus et contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur ne s'est pas borné à fonder les redressements sur des éléments recueillis dans le cadre d'une procédure pénale mais a également exploité des informations communiquées par les autorités belges en application de l'assistance administrative internationale ; que, par suite, et en tout état de cause, la société TURBO'S X - TRUCK CENTER n'est pas fondée à soutenir qu'un principe « de l'indépendance des procédures administrative et judiciaire » aurait été méconnu ;

Considérant, en deuxième lieu, que la notification de redressements du 19 décembre 2001 se borne à indiquer que dans le cadre de la procédure judiciaire en cours, la société, à travers son représentant légal, M. Alfred X, mis en examen pour escroquerie en bande organisée, a, à l'aide de manoeuvres frauduleuses et en bande organisée, créé des droits fictifs de déduction de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à supposer que la méconnaissance du droit au respect de la présomption d'innocence d'un dirigeant garanti par les dispositions de l'article 9-1 du code civil ait une incidence sur la procédure d'imposition suivie à l'égard de la société vérifiée, juridiquement distincte, cette méconnaissance n'est en l'espèce pas établie par la seule mention du rappel de la mise en examen de M. X, qui n'a eu ni pour objet ni pour effet de présenter publiquement ce dernier comme coupable avant toute condamnation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : « L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de la première intervention dans les locaux de la société vérifiée le 19 juillet 2000, l'administration a été informée de ce qu'une part importante de la comptabilité et des pièces justificatives d'opérations passées avec deux fournisseurs de l'entreprise avait été saisie par les services de police judiciaire ; que, par lettre du 13 novembre 2001, le vérificateur a demandé au juge d'instruction en possession desdites pièces saisies, le droit de les consulter ; que l'autorisation a été accordée par ce magistrat le 14 novembre 2001 ; que si ladite lettre du 13 novembre 2001 se fondait à tort sur l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales relatif à la faculté donnée au ministère public de communiquer à l'administration les dossiers de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, la même demande adressée au juge se fondait également et expressément sur l'article L. 101 du même livre ; que l'exercice du droit de communication prévu par ce dernier texte n'est soumis à aucune formalité particulière ; que, par suite, les documents en litige, communiqués à l'administration en application de l'article L. 101 et non de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, pouvaient être transmis par le juge d'instruction sans que le ministère public n'eût à donner son aval à cette communication ;

Considérant, en quatrième lieu, que, par une lettre du 7 novembre 2001 préalable à la demande faite au juge d'instruction, le vérificateur a informé la société qu'elle envisageait d'exercer son droit de communication en se référant aux seuls articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales alors qu'elle l'a effectivement exercé sur le fondement de l'article L. 101 du même livre, ainsi qu'il est dit ci-dessus ; que, toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition et, contrairement à ce que soutient la société vérifiée, ne révèle aucune substitution du texte fondant l'exercice du droit de communication, l'administration étant en droit d'exercer son droit de communication sur les divers fondements susévoqués sans avoir à les préciser à l'avance ; qu'au demeurant, la lettre du 7 novembre 2001 en litige doit être regardée comme ayant eu pour seul objet, dans le respect du caractère oral et contradictoire de la vérification de comptabilité suivie, d'informer la société que le vérificateur poursuivait, par l'examen de ces pièces saisies, dans les locaux du magistrat instructeur, la vérification de comptabilité entreprise ; que, par suite, le détournement de procédure invoqué n'est pas établi ; que le droit de communication ayant été exercé en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, la société TURBO'S X - TRUCK CENTER n'est pas fondée à soutenir que l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'instruction, qui prévoit d'ailleurs qu'il s'applique sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, a été méconnu ; que, ce même droit de communication ayant été régulièrement exercé, l'éventuelle méconnaissance de l'article 155 du code de procédure pénale relatif aux commissions rogatoires des juges d'instruction est inopérante ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 20 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative en matière d'impôts sur le revenu : « a) Les autorités compétentes des deux Etats contractants échangeront, sous condition de réciprocité, les renseignements qui sont susceptibles d'être obtenus, conformément à leurs lois fiscales respectives, pour la détermination des revenus imposables des contribuables visés à l'article 1er de la présente convention et qui seront nécessaires, dans le domaine des impôts faisant l'objet de ladite convention, soit pour en exécuter les dispositions, soit pour assurer l'exacte perception de ces impôts ou appliquer les dispositions légales tendant à éviter l'évasion fiscale. b) Les renseignements obtenus en exécution du paragraphe 1 seront considérés comme secrets ; ils ne seront révélés, en dehors du contribuable ou de son mandataire, à aucune personne autre que celles qui s'occupent de l'établissement et du recouvrement des impôts (...) » ; qu'il incombe à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin qu'il ait la faculté de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents soient mis à sa disposition ;

Considérant que, dans le cadre de l'assistance administrative prévue par les stipulations précitées de la convention fiscale signée le 10 mars 1964, les autorités belges ont communiqué le 18 juin 2001 à l'administration fiscale française, sur demande de celle-ci du 25 juillet 2000, diverses informations relatives à des facturations de ventes entre les sociétés de droit français membres du groupe Turbo'X, dont la société requérante, et la société Turbo's X Gits, située en Belgique ; que la notification de redressements du 19 décembre 2001 mentionne avec une précision suffisante l'origine et la teneur des informations ainsi communiquées par les autorités belges, que l'administration a utilisées pour fonder ses redressements et dont les stipulations de la convention fiscale n'interdisait pas la divulgation à la contribuable ou à son mandataire ; que la société TURBO'S X - TRUCK CENTER n'a pas demandé à être informée de la teneur de ces renseignements avant la mise en recouvrement des impositions en litige alors qu'elle avait été mise à même de le faire utilement ; que, par suite, et dès lors qu'il n'incombe pas à l'administration de procéder spontanément à cette information du contribuable, le moyen tiré de ce que la société requérante a été privée du droit de discuter contradictoirement des éléments recueillis par l'administration en vertu de l'assistance administrative doit être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, que si les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposables en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points où persiste un désaccord avec ce dernier, l'utilité d'un tel débat n'est pas affectée par la circonstance que ledit supérieur hiérarchique a, comme en l'espèce, visé la notification de redressement du 19 décembre 2001 puis la lettre du 8 juillet 2003 de réponse aux observations de la contribuable ; que la circonstance que les deux supérieurs hiérarchiques désignés dans l'avis de vérification du 30 juin 2000 adressé à la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ont été remplacés au cours de la procédure administrative par d'autres agents dont le grade n'est pas remis en cause, n'a porté aucune atteinte au droit de ladite société de faire appel au supérieur hiérarchique du vérificateur, droit qu'elle a d'ailleurs exercé en rencontrant l'interlocuteur départemental le 18 novembre 2004 ;

Considérant, en dernier lieu, que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales excluent du champ d'application de la garantie qu'elles prévoient les prises de position de l'administration en matière de procédure d'imposition ; que, par suite, la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ne peut utilement se prévaloir de la réponse ministérielle à M. Herment, sénateur, publiée le 25 août 1988 sous le n° 987, ni de l'instruction du 21 août 1989 publiée sous le n° 13 K-2-89 reprise à la documentation administrative n° 13 K-151 à jour au 1er juin 2001, ni des paragraphes nos 10 à 16 de la documentation administrative n° 13- L-1311 ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) » ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : « Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. » ; qu'aux termes, enfin, du 2 de l'article 272 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu » ;

Considérant que l'administration a remis en cause les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée exercés par la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ; que ces droits sont afférents à l'acquisition , par la requérante, entre juin 1998 et mars 1999, de 76 poids lourds auprès des sociétés Altus Trading et Orca International situées comme elle en France et qu'elle aurait revendus sous le régime d'exonération des livraisons intra-communautaires ; que les deux sociétés fournisseurs auraient elles-mêmes acquis les camions auprès d'autres fournisseurs situés dans d'autres pays de l'Union européenne et, en particulier, en Belgique ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que la société Altus Trading, créée en septembre 1998 et placée en liquidation judiciaire dès le premier semestre 1999 ne disposait que d'une adresse de domiciliation à Paris et était dépourvue de moyens d'exploitation financiers, matériels et en personnel à l'exception d'un gérant et d'un directeur comptable et financier commun avec d'autres sociétés jouant comme elle un rôle d'intermédiaire ; que la société Orca International, créée en mars 1997 et placée en liquidation judiciaire en juin 1999, dont l'objet était la vente, l'importation et l'exportation de tous objets publicitaires, ne disposait pas davantage de moyens d'exploitation, son chargé de comptabilité exerçant au demeurant les fonctions de directeur comptable et financier de la société Altus Trading susmentionnée ; qu'il n'est pas plus sérieusement contesté que les acquisitions intracommunautaires de véhicules faites par ces deux sociétés, réalisées toutes taxes comprises, n'ont donné lieu à aucune déclaration ni à aucun versement au Trésor de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit de considérer qu'en ayant à son tour fait l'acquisition des poids-lourds en litige auprès des fournisseurs Altus Trading et Orca International moyennant un prix facturé toutes taxes comprises, et en demandant le remboursement de ladite taxe à l'occasion de la revente des véhicules sous le régime d'exonération des livraisons intra-communautaires, la société TURBO'S X - TRUCK CENTER, par ses acquisitions, était impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, toutefois, que la société requérante soutient que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle participait sciemment à ce circuit de fraude ; que le service fait valoir que la société TURBO'S X - TRUCK CENTER, dont l'objet social n'incluait pas le négoce de véhicules neufs, a développé cette activité spécifique à compter de juin 1998 jusqu'en mars 1999, période concomitante à la durée d'existence de ses deux fournisseurs français ; qu'alors que cette nouvelle activité s'est traduite par une augmentation très sensible de son chiffre d'affaires à compter de 1998, supérieur de près de cinq fois à l'ensemble de ses recettes de l'exercice 1997 immédiatement précédent, la société requérante n'apporte aucune explication à son interruption dès le printemps 1999 ; que le service relève qu'outre l'inexistence de tous moyens d'exploitation leur permettant d'assurer la réception et la livraison de poids-lourds, les sociétés Altus Trading et Orca International ne produisaient pas de document relatif à l'origine ou au transport des véhicules à l'appui de leur revente à la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ; que celle-ci ne produit d'ailleurs pas la justification des livraisons qui auraient été effectivement réalisées en France en se bornant à verser au débat une série de fiches récapitulatives des transactions extraites de ses livres de police dépourvues de tout document retraçant l'origine et le trajet des poids-lourds et qu'elle présente elle-même comme l'illustration des seuls « itinéraires économiques » des transactions relatives à chaque véhicule en cause ; qu'elle ne justifie pas non plus l'absence quasi-systématique des certificats d'origine des véhicules en invoquant les particularités du marché européen des véhicules qui sont sans incidence sur les obligations administratives incombant aux fournisseurs de ces véhicules et qu'une société spécialisée et d'une dimension importante comme la contribuable ne pouvait ignorer ; que l'administration fait encore valoir qu'outre le délai très rapproché séparant les achats et les reventes des biens, plusieurs transactions ont été opérées suivant une chronologie qui ne coïncidait pas avec la réalité matérielle d'un négoce de biens dès lors que, à titre d'exemple, la société requérante a revendu un véhicule de marque Man six jours avant de l'avoir acheté à la société Orca International ; qu'à de tels décalages chronologiques, dont il n'est pas établi qu'ils se justifieraient par les particularités susévoquées du commerce de véhicules de dimension communautaire, s'ajoute le fait non contesté que la société TURBO'S X - TRUCK CENTER connaissait non seulement les sociétés Altus Trading et Orca International mais également les fournisseurs belges de ces derniers ainsi que le fait valoir le service en se fondant sur des échanges de correspondances qu'il a examinés au cours du contrôle ; que la contribuable ne peut sérieusement soutenir qu'en étant destinataire de factures régulièrement émises par ses fournisseurs, lesquelles mentionnaient notamment leur numéro d'identification intra-communautaire à la taxe, elle doit être regardée comme ayant accompli les diligences auxquelles un opérateur économique est normalement tenu ; que les mentions portées sur les factures n'emportent en effet qu'une présomption de régularité que l'administration peut, comme en l'espèce, renverser en démontrant le caractère fictif desdites factures ; qu'en apportant les éléments objectifs susanalysés, l'administration établit que la société vérifiée savait ou aurait dû savoir que, par les acquisitions de véhicules qu'elle revendait ensuite sous le régime des livraisons intra-communautaires, elle participait à une opération de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le service était en droit, sur le fondement des dispositions combinées des articles 256, 272 et 283 précités du code général des impôts, de remettre en cause les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en litige exercés par la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ;

Considérant, en second lieu, qu'en énumérant les divers modes de preuve de l'existence du transport ou de l'expédition des biens faisant l'objet de transactions intra-communautaires, le paragraphe n° 301 de l'instruction du 31 juillet 1992 publiée sous le n° 3 CA-92 et l'instruction du 28 mars 1997 publiée sous le n° 3 A-3-97 n'ajoutent pas à la loi ; que, par suite, la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1740 ter alors en vigueur du code général des impôts : « Lorsqu'il est établi qu'une personne a délivré une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la facture. » ;

Considérant, en premier lieu, que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge s'il estime que la preuve du caractère fictif de la facture n'est pas rapportée ; qu'il dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'impliquent pas, alors même que le législateur a retenu un taux unique pour l'amende en cause, que le juge puisse le moduler en substituant un taux inférieur à celui de 50 % du montant de la facture ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus que l'administration apporte la preuve qui lui incombe de ce que les factures émises par les sociétés Altus Trading et Orca International ne correspondaient à aucune acquisition de véhicules par la société requérante, celle-ci se bornant à affirmer sans apporter de précision que certains véhicules sont bien entrés dans son patrimoine avant d'être revendus à des clients ou négociants ; que dès lors, les factures délivrées à son tour par la contribuable ne peuvent correspondre à aucune livraison réelle au sens des dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que, par suite, l'amende fiscale prévue par ce texte a été appliquée à bon droit à raison des montants mentionnés sur l'ensemble des factures émises par la société TURBO'S X - TRUCK CENTER ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle relative à l'étendue des mesures prises par la contribuable pour que ses acquisitions ne soient pas regardées comme impliquées, à son insu, dans un circuit frauduleux, que la société TURBO'S X - TRUCK CENTER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société par actions simplifiée TURBO'S X - TRUCK CENTER et de M. Alfred X sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée TURBO'S X - TRUCK CENTER, à M. Alfred X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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Nos07DA01186,07DA01231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01186
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CABINET THERET et ASSOCIES ; CABINET THERET et ASSOCIES ; CABINET THERET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01186 ?
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