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08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01248

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 avril 2008, 07DA01248


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Oumou X, élisant domicile ..., par le Cabinet Mattei ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602553 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 août 2006 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

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°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale ...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Oumou X, élisant domicile ..., par le Cabinet Mattei ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602553 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 août 2006 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en ignorant sa situation familiale, alors qu'elle est mère célibataire de deux enfants mineurs nés en France, et en estimant qu'elle pouvait rentrer en Côte d'Ivoire en laissant ses enfants en France, le préfet de l'Oise a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision attaquée porte au respect d'une vie familiale normale une atteinte grave au sens des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ses attaches familiales les plus fortes, à savoir ses enfants dont l'un d'eux est scolarisé, se trouvent désormais en France ; que ses enfants, nés en France en 2001 et 2004, parlant français et ayant vocation à obtenir la nationalité française à leur majorité, sont fondés à résider avec leur père, titulaire d'un titre de séjour de dix ans ; que cette situation méconnaît le droit, pour une mère étrangère séjournant en France, de vivre avec ses enfants qui, eux, ont le droit de rester avec leur père ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 8 août 2007 fixant la clôture de l'instruction au

15 octobre 2007 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 août 2007, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet soutient qu'il est constant que Mme X vivait en polygamie au moment où il a instruit la demande, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y sont mariés depuis janvier 1985 ; que Mme X est arrivée à leur domicile en 2000 ; qu'elle y a été hébergée pendant 6 ans et qu'elle a eu deux enfants de M. Y ; qu'ainsi, ils vivaient donc à onze dans un logement comprenant trois chambres, en état de polygamie manifeste ; qu'ainsi, aucune atteinte disproportionnée n'a été portée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2007 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 19 septembre 2007, présenté pour Mme X ; elle soutient que, contrairement à ce que soutient le préfet, il ne ressort pas clairement des pièces du dossier que Mme X et M. Y vivaient, à la date de la décision attaquée, en état de polygamie ; que Mme X ne vit plus depuis plus de deux ans chez M. Y puisqu'elle habite désormais chez une tante, même si elle reste officiellement chez lui pour pouvoir réceptionner son courrier, sa tante craignant d'être poursuivie pour aide à un étranger en situation irrégulière ; qu'en outre, les enfants ont été conçus plus de trois ans avant la décision querellée, ce qui laisse largement le temps aux parents de se séparer ; que l'argument du préfet relatif aux conditions de logement n'est plus d'actualité puisqu'elle est partie vivre chez sa tante avec son plus jeune fils, l'aîné restant avec son père avec visites de la mère le week-end ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2007, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet soutient que, dès lors que Mme X n'établit par aucun document probant avoir vécu chez sa tante, elle doit être regardée comme ayant, à l'époque de la décision contestée, résidé à son adresse officielle déclarée en préfecture, c'est-à-dire chez son concubin polygame ; que, si la Cour accueille sans preuve cette allégation, cela signifie que la requête de l'intéressée, qui aurait alors fait de fausses déclarations en préfecture sur sa domiciliation, est mal fondée puisque le préfet de l'Oise n'était alors pas l'autorité compétente pour se prononcer sur le dossier qui dépendait dans ce cas de la préfecture de police de Paris ; qu'en outre, l'état de polygamie, s'il n'est pas évoqué explicitement dans la décision contestée, a toutefois été constaté à l'occasion de l'examen de situation de l'intéressée réalisée en sa présence le 18 juillet 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Antoine Mendras, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, ressortissante ivoirienne, qui est entrée en France le 2 juin 2000 à l'âge de 19 ans au moyen d'un visa de court séjour valable trente jours, fait appel du jugement en date du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de l'Oise du 29 août 2006 refusant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'invitant à quitter le territoire français ;

Considérant, d'une part, que saisi par Mme X d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a, pour lui refuser la délivrance du titre de séjour « vie privée et familiale » qu'elle sollicitait, relevé dans sa décision qu'elle avait conservé des liens forts avec son pays d'origine où demeurent les membres de sa famille ; qu'ainsi et alors même que le préfet n'a pas fait référence aux enfants qu'elle a eus avec M. Y, ni à la situation de polygamie qui lui a été, par ailleurs, opposée par l'administration devant le Tribunal puis devant la Cour, la décision attaquée, qui comporte l'énonciation des considérations de fait et de droit qui en constituent son fondement, est régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle est mère de deux enfants nés en 2001 et 2004 sur le sol français, dont l'un est scolarisé, et dont le père, M. Y, est titulaire d'une carte de résident valable dix ans, il est toutefois constant que ce dernier est lui-même marié depuis le 24 janvier 1985 à Mme Aissata Y qui est venue le rejoindre en France en 1986 et avec laquelle il a eu quatre autres enfants nés sur le sol français ; que Mme X, qui admet elle-même ne plus vivre avec M. Y depuis deux ans, n'apporte aucun élément de nature à justifier son allégation selon laquelle ce dernier s'opposant au départ de leurs enfants, elle ne pourrait pas reconstituer dans son pays d'origine la cellule familiale, alors, au surplus, qu'elle ne démontre pas qu'elle vit effectivement avec lesdits enfants ; que Mme X n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision du préfet refusant son admission au séjour en France porte à son droit à mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 août 2006 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être également rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Oumou X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

N°07DA01248 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01248
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Antoine Mendras
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CABINET MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01248 ?
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