La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01927

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 08 avril 2008, 07DA01927


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 20 décembre 2007, présentée pour M. Koundenecoun X, demeurant ..., par Me Pierrot ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706221, en date du 1er octobre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 26 septembre 2007 décidant sa reconduite à la frontière et désigna

nt le Mali comme pays de destination de cette mesure et à ce qu'il soit enjo...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 20 décembre 2007, présentée pour M. Koundenecoun X, demeurant ..., par Me Pierrot ; M. X demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0706221, en date du 1er octobre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 26 septembre 2007 décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. X soutient que le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que l'exposant n'a pas été averti du jour de l'audience ; que, s'agissant de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son égard, ledit arrêté, qui est constitué d'un formulaire pré-imprimé ne comportant aucune précision quant à sa situation personnelle, est insuffisamment motivé ; que la motivation ainsi utilisée ne permet pas de s'assurer de ce que sa situation particulière a été prise en compte ; qu'au fond, le premier juge a estimé à tort que cet arrêté ne portait pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'en effet, l'exposant établit résider en France de manière ininterrompue depuis 1989 ; qu'il a construit sa vie privée en France, où il a tissé de forts liens personnels ; que l'arrêté a, dès lors, été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté est, par ailleurs, entaché, dans ces conditions et compte tenu de la pathologie nécessitant une prise en charge médicale non disponible au Mali et dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; que cette pathologie a d'ailleurs motivé une admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 2008 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 18 février 2008 ;

Vu la décision en date du 4 février 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et qu'il s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'il n'est pas contesté que M. X se trouvait dans l'une des situations visées à l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière ; que l'intéressé ne peut se prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France, laquelle ne lui ouvre par elle-même aucun droit au séjour ; que cette ancienneté, à la supposer établie par les pièces versées au dossier, alors que M. X a par ailleurs déclaré être entré en France en dernier lieu en 2002, voit sa portée grandement relativisée par le fait que l'intéressé a conservé de fortes attaches familiales au Mali, où demeurent son épouse et leurs quatre enfants ; que M. X ne justifie d'aucune situation établie en France, tant sur le plan personnel que professionnel ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. X ne remplit aucune des conditions requises pour prétendre à une admission de plein droit au séjour et n'entre, par ailleurs, dans aucun des cas prévus à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et faisant obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prononcée ; qu'il ne justifie pas, en particulier, de ce que son état de santé nécessiterait, comme il le soutient, des soins non disponibles au Mali et dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'enfin, la désignation du pays de renvoi, qui n'est au demeurant pas contestée, n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

Vu l'ordonnance en date du 14 février 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 26 septembre 2007, le préfet de l'Oise a décidé de reconduire M. X, ressortissant malien, né en 1967, à la frontière en se fondant sur les dispositions des 1° et 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. X forme appel du jugement, en date du 1er octobre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté et conteste tant la régularité de ce jugement que la légalité dudit arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a formé un recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience ;

Considérant que ni les pièces du dossier, ni les seules mentions du jugement attaqué ne permettent de tenir pour établi que M. X ait été régulièrement convoqué à l'audience du 1er octobre 2007 par le Tribunal administratif de Lille ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été pris à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'il doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Lille ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, au préalable, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en rigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a déclaré être arrivé en France le 5 mai 1989, sous couvert d'un visa de court séjour, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de l'Oise de décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Isabelle Y, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière, laquelle délégation lui avait été donnée par un arrêté du préfet de l'Oise, en date du 28 juillet 2007, régulièrement publié le 13 août 2007 au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ; que la circonstance, à la supposer même établie, que le signataire de l'ampliation remise à M. X n'aurait pas été régulièrement habilité, est sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué, que ceux-ci mentionnent, sous le visa du 1° et du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et, qu'en admettant qu'il puisse être regardé comme étant entré régulièrement sur le territoire français, il devrait être considéré comme s'y étant maintenu au-delà d'un délai de trois mois à compter de son entrée sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; que, par suite, et alors même que ceux-ci ne comportent pas de précision quant à la vie privée et familiale de l'intéressé et nonobstant la circonstance que certaines mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; qu'il ne ressort pas, dans ces conditions, des pièces du dossier que le préfet de l'Oise ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. X ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que si M. X fait état de ce qu'il résiderait habituellement en France depuis son entrée sur le territoire le 5 mai 1989, les pièces qu'il verse au dossier, qui notamment ne couvrent pas l'intégralité de la période de séjour alléguée, ne sont pas de nature à justifier d'un séjour continu sur le territoire français depuis cette date ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. X a conservé des attaches familiales fortes au Mali, où résident, selon les propres déclarations de l'intéressé à l'administration, son épouse et leurs quatre enfants ; que, dans ces circonstances, eu égard aux conditions du séjour de M. X et malgré les liens qu'il aurait tissés en France, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, M. X ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, d'un séjour continu sur le territoire français depuis l'année 1989, comme il le soutient, et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que s'il fait état, par ailleurs, de ce qu'il est atteint d'une pathologie qui avait précédemment justifié son admission au séjour, il n'établit pas, par les seules pièces qu'il produit, que son état de santé nécessiterait, comme il se borne à l'alléguer, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors d'ailleurs que le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été précédemment délivré en raison de son état de santé lui a été refusé le

25 novembre 2004, ni qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Mali ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Lille doit être rejetée ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction qu'il présente doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0706221, en date du 1er octobre 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Koundenecoun X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°07DA01927 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 08/04/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01927
Numéro NOR : CETATEXT000019649226 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01927 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award