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24/04/2008 | FRANCE | N°07DA01366

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 24 avril 2008, 07DA01366


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et confirmée par la production de l'original le 30 août 2007, présentée pour

M. Mikhaïl X, domicilié ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702930, en date du 19 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant : 1) à l'annulation de la décision du 29 mars 2007 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, prononçant à son encontre une obligation de quitter

le territoire français et fixant le pays de destination ; 2) à ce que le Tribunal...

Vu la requête, enregistrée le 27 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et confirmée par la production de l'original le 30 août 2007, présentée pour

M. Mikhaïl X, domicilié ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702930, en date du 19 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant : 1) à l'annulation de la décision du 29 mars 2007 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; 2) à ce que le Tribunal enjoigne audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3) à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 600 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision du 29 mars 2007 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale », dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de l'admettre provisoirement et de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et, au cas où l'aide juridictionnelle serait accordée à

M. X, de verser à son avocat, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article

L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est atteint d'une maladie qui nécessite des soins nombreux et spécialisés dont il ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine ; que la décision de refus de séjour est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit en France avec son épouse depuis le 27 septembre 2001 et que leur vie privée et familiale se trouve désormais en France ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée en fait et en droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la pathologie dont il souffre ne pouvant pas être traitée dans son pays d'origine ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français est également contraire aux dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'intensité de ses attaches privées et de l'ancienneté de son établissement en France où il réside avec son épouse depuis septembre 2001 ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il risque d'être arrêté et emprisonné dans son pays d'origine ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 5 septembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2007 portant clôture de l'instruction au

12 novembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2007, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête de M. X ; il soutient que la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il résulte de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. X et son épouse n'ont pas d'enfant et ne sont pas isolés dans leur pays d'origine, où réside une partie de leur famille ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité compétente, est suffisamment motivée en fait et en droit et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. X ne démontre pas qu'il serait soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Albert Lequien, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. X, né le 2 juillet 1965, de nationalité russe, entré en France le 18 décembre 2000, est dirigée contre le jugement du 19 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2007 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle refuse la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision attaquée, en tant qu'elle refuse de lui délivrer un titre de séjour, M. X invoque en appel les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il y a lieu d'écarter ces moyens ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord du 29 mars 2007 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire et en tant qu'elle fixe le pays de destination et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, c'est toutefois à la condition que le préfet ait visé dans sa décision l'article L. 511-1 du même code, qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en se bornant, en l'espèce, à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord a méconnu cette exigence ; que la décision par laquelle il a fait obligation à M. X de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination doit, en conséquence, être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement. Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique qu'il soit mis fin au placement en rétention administrative de l'intéressé et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ; qu'en dehors de cette mesure, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, lorsqu'elle n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution particulière ;

Considérant qu'au cas d'espèce, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. X n'est pas la conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; que, par suite, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle annulation implique que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son droit au séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat à verser à

Me Berthe, avocat de M. X, lequel a été admis à l'aide juridictionnelle totale, une somme de 1 000 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702930, en date du 19 juillet 2007, du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X dirigées contre les décisions du 29 mars 2007 par lesquelles le préfet du Nord a fait obligation à M. X de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; ces deux décisions sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord ou à l'autorité administrative compétente de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 000 euros à Me Berthe, avocat de M. X, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présenté par M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mikhaïl X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

N°07DA01366 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01366
Date de la décision : 24/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-24;07da01366 ?
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