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14/05/2008 | FRANCE | N°06DA01189

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 14 mai 2008, 06DA01189


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 août 2006 et régularisée par la production de l'original le 29 août 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société DRAKA PARICABLE, dont le siège social est Route nationale 1 à Sainte-Geneviève (60730), représentée par son directeur en exercice, par la SELARL Premare associés ; la société DRAKA PARICABLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300381 du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 31 décembre 2002 par laquelle l

'inspectrice du travail lui a accordé l'autorisation de licencier, pour inaptit...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 août 2006 et régularisée par la production de l'original le 29 août 2006, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société DRAKA PARICABLE, dont le siège social est Route nationale 1 à Sainte-Geneviève (60730), représentée par son directeur en exercice, par la SELARL Premare associés ; la société DRAKA PARICABLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300381 du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 31 décembre 2002 par laquelle l'inspectrice du travail lui a accordé l'autorisation de licencier, pour inaptitude physique, M. André X, salarié protégé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

3°) de condamner M. X à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les premiers juges ont fait une inexacte application des dispositions relatives à l'obligation de reclassement d'un salarié protégé licencié pour inaptitude physique ; qu'il a été fait application de la jurisprudence relative au licenciement économique pour estimer que la société avait manqué à son obligation en matière de reclassement ;

- qu'en tout état de cause, le périmètre de reclassement ne s'étendait pas aux entités du groupe Draka Holding situées hors de France ; qu'aucune permutation n'était possible pour

M. X, inapte aux fonctions de câbleur, en l'absence de possibilité d'exercer des fonctions comparables et de l'éloignement géographique ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance du 11 septembre 2006 portant clôture de l'instruction au 8 décembre 2006 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2006, présenté pour M. André X, demeurant ..., par la SCP Hubert-Lemaître ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société DRAKA PARICABLE à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient :

- que la société DRAKA PARICABLE, qui appartient à un groupe de dimension internationale, Draka Holding, devait faire porter son examen sur les possibilités de reclassement au sein de ce groupe, et non simplement au regard de la seule entreprise située en France ;

- que la société aurait dû lui demander sa position de principe pour un reclassement à l'étranger, ce qu'elle n'a pas fait ; que le caractère incomplet des efforts de reclassement est établi et qu'ainsi, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en estimant que la société avait satisfait à son obligation de reclassement ; que la société ne démontre pas que la permutabilité entre les salariés du groupe Draka Holding aurait été irréalisable, notamment, en ce qui le concerne ;

Vu l'ordonnance du 19 décembre 2006 portant report de la clôture de l'instruction au

31 janvier 2007 ;

Vu l'ordonnance du 5 février 2007 portant report de la clôture de l'instruction au

5 avril 2007 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 février 2007, présenté pour la société DRAKA PARICABLE, par lequel elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle précise, en outre, que M. X ne maîtrise pas les langues étrangères et, qu'ainsi, sa mutation à l'étranger ne pouvait être envisagée ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2007, présenté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; il conclut à l'annulation du jugement ; il soutient :

- que la société DRAKA PARICABLE a rempli son obligation en matière de reclassement en ce qui concerne M. X, eu égard aux restrictions apportées par le médecin du travail et au fait que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour travailler dans une société du groupe située à l'étranger ; que M. X ne parle pas de langue étrangère alors que l'une des conditions pour travailler dans l'une des sociétés du groupe à l'étranger est de maîtriser, au minimum, l'anglais ; qu'en outre, les postes proposés dans les sociétés du groupe sont des postes ayant des niveaux de qualification supérieure ; qu'ainsi, aucune permutation n'était possible ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2007, présenté pour M. André X, par lequel il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 à laquelle

siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;

- les observations de Me De Prémaré, pour la société DRAKA PARICABLE ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. André X, employé par la société DRAKA PARICABLE en qualité de câbleur et ancien délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise, a été victime d'un accident du travail le 10 juillet 2001 et placé en arrêt de travail jusqu'au 21 avril 2002 ; qu'à l'issue de deux examens médicaux effectués les 23 avril et 7 mai 2002, le médecin du travail a déclaré l'intéressé inapte aux postes antérieurement occupés, mais apte à exercer des fonctions sur d'autres postes de travail ; que, par une décision du 31 décembre 2002, l'inspecteur du travail a accordé à la société DRAKA PARICABLE l'autorisation de le licencier, pour inaptitude physique ; que la société DRAKA PARICABLE relève appel du jugement du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé ladite décision du 31 décembre 2002 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise selon les modalités et conditions définies par l'article

L. 122-32-5 du code du travail ;

Considérant que pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement et qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à sa demande leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;

Considérant que la société DRAKA PARICABLE appartient au groupe Draka France, qui est une filiale du groupe international Draka Holding ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société établit avoir effectué une recherche de poste compatible avec l'inaptitude physique de M. X tant au sein de l'entreprise, suite à la deuxième visite médicale de reprise, le 7 mai 2002, qu'auprès des autres sociétés du groupe Draka France dont les activités et l'organisation étaient susceptibles d'offrir au salarié la possibilité d'exercer des fonctions ayant la même compatibilité ; que, toutefois, la société DRAKA PARICABLE n'établit pas avoir demandé à M. X s'il marquait un intérêt de principe pour un reclassement au sein des sociétés du groupe Draka Holding ayant leur siège à l'étranger ; qu'elle ne peut, dans ces conditions, utilement faire valoir que ce dernier reclassement aurait imposé une mobilité géographique de ce dernier ainsi que la maîtrise d'une langue étrangère ; que, par suite, la société DRAKA PARICABLE ne peut être regardée comme s'étant acquittée de son obligation en matière de reclassement vis-à-vis de M. X ; que l'autorisation de licenciement, accordée par l'inspecteur du travail, est, ainsi, entachée d'une illégalité de nature à en entraîner l'annulation, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, qui n'ont pas fait une inexacte application des dispositions applicables en matière de licenciement pour inaptitude physique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DRAKA PARICABLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 31 décembre 2002 en litige ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la société DRAKA PARICABLE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société DRAKA PARICABLE, partie perdante dans la présente instance, à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société DRAKA PARICABLE est rejetée.

Article 2 : La société DRAKA PARICABLE versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DRAKA PARICABLE, à

M. André X et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

N°06DA01189 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01189
Date de la décision : 14/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Stortz
Rapporteur ?: Mme Marie-Christine Mehl-Schouder
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : SELARL PREMARE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-05-14;06da01189 ?
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