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14/05/2008 | FRANCE | N°07DA01425

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 mai 2008, 07DA01425


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Claude X, demeurant ..., par la SCP Leleu, Demont, Hareng ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604423 du 20 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 e

uros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutie...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Claude X, demeurant ..., par la SCP Leleu, Demont, Hareng ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604423 du 20 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, alors même qu'elle contestait expressément le caractère viager du contrat, le tribunal a repris cette qualification telle quelle en se contentant d'une référence au principe général de l'article 12 du code général des impôts ; qu'en tout état de cause, la motivation du Tribunal qui a fait siens les arguments de l'administration fiscale dénote une lecture parcellaire des contrats signés par l'exposante ; que s'agissant des contrats en cause, les termes utilisés par le rédacteur de l'acte ne laissent planer aucun doute sur la nature du prêt de l'engagement souscrit par l'exposante ; que la direction des services fiscaux, confirmée par la réponse ministérielle Roustan, indique que ces contrats s'analysent comme des prêts en capital ; que cette analyse est confirmée par une lettre du ministère de l'économie aux Charbonnages de France en date du 6 janvier 1989 ; que, contrairement à ce qui est prétendu, les contrats signés ne sont pas clairs et explicites en ce qui concerne l'aspect viager ; qu'ils n'ont aucune nature viagère ; qu'en l'espèce, si le caractère viager était reconnu à la convention souscrite par l'exposante, il en résulterait que l'aléa serait constitué par son propre décès qui seul éteindrait son obligation vis à vis de l'Union régionale des sociétés de secours minières (URSSM) du Nord ; que le caractère viager n'est pas plus compatible avec la rente constituée au perpétuel des articles 1910 et 1911 du code civil dans la mesure où les contrats en cause ne comportent aucune faculté de rachat ; ; que l'indemnité constitue en fait une sorte de salaire différé ; que l'exposante a parfaitement respecté ses obligations en remboursant l'intégralité du capital versé au titre des deux prêts ; que les retenues effectuées par l'URSSM du Nord sont donc totalement dépourvues de contreparties ; que, s'agissant de l'indisponibilité des indemnités de chauffage et de logement, le Tribunal n'a pas répondu à cette objection ; que, selon la jurisprudence, un revenu est considéré comme disponible lorsqu'il est versé au contribuable ; que la charge de la preuve incombe à l'administration ; que le service n'a pas rapporté cette preuve et que le Tribunal a ignoré cette question ; que l'exposante ne conteste pas le caractère imposable en tant que revenus des indemnités qu'elle a perçues, mais elle conteste les impositions des sommes qui n'ont pas été mises à sa disposition ; que si les bulletins de pension mentionnent des indemnités de logement et de chauffage, il ne s'agit que d'un jeu d'écritures permettant de faire apparaître le rachat au titre des prêts alors que ces derniers sont d'ores et déjà amortis ; que l'exposante n'a perçu aucune indemnité de chauffage et de logement depuis 2001 et que ces sommes n'auraient donc pas dû être prises en compte dans le calcul de son revenu imposable des années 2003 à 2005 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la réclamation préalable présentée par la requérante le 19 décembre 2005 ne pouvait valablement concerner l'imposition de l'année 2005 établie le 31 juillet 2006 ; que la saisine du Tribunal était donc prématurée et irrecevable en la forme ; que le fait que les contrats soient peu clairs et explicites en ce qui concerne l'aspect viager relève de la juridiction civile et ne saurait être regardé comme opposable à l'administration ; qu'il n'appartient ni à l'administration, ni à la juridiction administrative de se prononcer sur les termes desdits contrats ; que, s'agissant de l'indisponibilité des indemnités de chauffage et de logement, c'est bien aux termes d'un contrat passé entre l'URSSM du Nord et la requérante qu'un capital lui a été versé moyennant l'engagement de le rembourser sa vie durant au moyen des sommes trimestrielles égales au montant de ces indemnités versées en application des dispositions du statut du mineur ; que ce contrat ne prévoyant pas de durée de remboursement limitée dans le temps, la retraitée doit donc continuer à rembourser l'URSSM du Nord sur une période qui peut excéder celle du remboursement théorique du prêt ; que lesdites indemnités conservent néanmoins leur nature de revenu en dépit de cette circonstance ; qu'en application des dispositions de l'article 79 du code général des impôts, les indemnités de logement et de chauffage sont imposables dans la catégorie des pensions et retraites ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 6 mars 2008 et confirmé par l'envoi de l'original le 7 mars 2008, présenté par Mlle X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'il est manifeste, à la lecture de l'article 4 de chacun des contrats, que son engagement n'était que de s'acquitter de sa dette ; que les indemnités en cause n'ayant pas été inscrites sur un compte sur lequel elle pouvait opérer un prélèvement, elles ne pouvaient être considérées comme ayant été mises à sa disposition ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 17 mars 2008 et confirmé par l'envoi de l'original le 20 mars 2008, présenté par Mlle X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré par télécopie le 21 mars 2008 et confirmé par l'envoi de l'original le 25 mars 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre que ce n'est que par l'effet de la compensation que Mlle X ne percevait pas directement les sommes correspondant aux prestations de logement et de chauffage qui lui étaient dues ; que si l'URSSM, en sa qualité de gestionnaire des droits, avait versé directement les indemnités à Mlle X, cette dernière aurait dû les reverser aussitôt pour respecter les termes du contrat ; que la circonstance que le montant cumulé des indemnités retenues atteigne ou dépasse le montant du capital emprunté ne modifie ni leur nature, ni leur caractère imposable, mais n'est que la conséquence du caractère aléatoire du prêt consenti aux intéressés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'administration en ce qui concerne l'année 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : « Le redevable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit adresser une réclamation au service territorial de l'administration des impôts dont dépend le lieu de l'imposition (...) » ;

Considérant si l'administration fait valoir que la réclamation de Mlle X présentée le 19 décembre 2005 était prématurée pour ce qui concerne la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle a été assujettie Mlle X au titre de l'année 2005, la mise en recouvrement de cette imposition le 31 juillet 2006, après la saisine du tribunal mais avant l'intervention du jugement attaqué a eu pour effet de régulariser ladite réclamation ; que l'administration n'est par suite pas fondée à invoquer l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle porte sur l'imposition établie au titre de l'année 2005 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts: « L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. » ;

Considérant que Mlle X qui était salariée de l'Union Régionale des Sociétés de Secours Minières (URSSM) du Nord, a, lors de son départ en retraite en 1988, accepté la proposition de son employeur de conclure deux contrats dénommés «contrat capital viager logement » et « contrat capital viager chauffage », en vertu desquels l'URSSM du Nord lui a versé un capital d'un montant de 212 197,81 francs pour le premier contrat et 98 131,25 francs pour le second, qu'elle s'est engagée à rembourser « sa vie durant » par la retenue sur ses pensions, effectuée trimestriellement, des indemnités de logement et de chauffage dont la convention collective de la sécurité sociale minière prévoit le maintien du versement au bénéfice des retraités ; que Mlle X conteste l'imposition dans ses revenus imposables des sommes qui ont été ainsi retenues sur ses pensions au motif, d'une part, que les prélèvements ont été indûment effectués compte tenu de ce que l'intégralité du capital a été remboursé en 2001, et d'autre part, qu'elle n'en a pas eu la disposition ;

Considérant qu'il est constant que Mlle X n'a pas perçu les sommes litigieuses, lesquelles ont été prélevées par précompte sur les pensions qui lui étaient dues par l'URSSM du Nord ; que si l'administration fait valoir que la requérante a eu la possibilité soit d'opter pour le versement régulier des prestations garanties par le statut du mineur, soit de souscrire les deux contrats proposés par son employeur en vue d'obtenir le versement immédiat d'un capital, elle n'établit cependant pas, alors que le principe même de l'affectation « viagère » des indemnités de logement et de chauffage qui lui étaient dues en vertu de la convention collective de la sécurité sociale minière a été contesté par la requérante devant le Tribunal de grande instance de Béthune, auquel elle a demandé d'en ordonner à l'URSSM le versement effectif, que cette dernière peut être regardée comme ayant, par la signature de ces contrats, fait acte de disposition desdites indemnités ; que, l'administration n'est pas davantage fondée à soutenir que ce n'est que par l'effet d'une compensation que l'intéressée n'a pas directement perçu ces indemnités dès lors que Mlle X a, ainsi qu'il vient d'être rappelé, contesté devant le juge la réalité même de sa dette envers l'URSSM ; qu'il y a lieu en conséquence de donner décharge à Mlle X des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 à hauteur des sommes, en droits, de 870 euros, 885 euros et 932 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0604423 du 20 juin 2007 du Tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Mlle Claude X est déchargée des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2003, 2004 et 2005 à hauteur respectivement des sommes en droits de 870 euros, 885 euros et 932 euros.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mlle X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Claude X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°07DA01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 07DA01425
Date de la décision : 14/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SCP LELEU-DEMONT-HARENG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-05-14;07da01425 ?
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