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14/05/2008 | FRANCE | N°07DA01604

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 14 mai 2008, 07DA01604


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

23 octobre 2007, présentée pour M. Ferdin X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701689, en date du 3 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 12 juin 2007, par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette mesure d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'u

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

23 octobre 2007, présentée pour M. Ferdin X, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701689, en date du 3 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision, en date du 12 juin 2007, par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette mesure d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le Congo comme pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet, sous astreinte de 25 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

Il soutient qu'il apporte la preuve de l'existence de risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine et, en tout état de cause, du risque de subir de nouveau des traitements particulièrement dégradants eu égard à la dignité humaine ; que, par suite, la décision désignant le Congo comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée ; que la mesure contestée a, sur sa situation personnelle et familiale, des conséquences d'une exceptionnelle gravité dans la mesure où elle implique de le séparer de sa mère qu'il a retrouvée après en avoir été séparé à son insu tout en le renvoyant dans un pays où il a perdu toute sa famille depuis la guerre civile de 2004, y compris son père, son épouse, ses enfants, et ses frères, rendant son isolement au Congo encore flagrant ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 6 novembre 2007 portant clôture de l'instruction au

7 janvier 2008 à 16 h 30 ;

Vu la décision du 8 novembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre et 14 décembre 2007, présentés par le préfet de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la décision attaquée est signée par une autorité parfaitement habilitée à le faire et est suffisamment motivée ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté sa demande d'asile, laquelle décision ayant été confirmée par la Commission des recours des réfugiés, M. X ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour réservé à l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ; que l'intéressé ne pouvait non plus voir son récépissé de demande de titre de séjour renouvelé ; que la décision attaquée n'est, par ailleurs, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. X est célibataire et sans enfant ; qu'il ne justifie ni être isolé dans son pays d'origine, ni d'une intégration républicaine digne d'intérêt ; que l'intéressé est de nationalité congolaise et ne justifie pas être admissible dans un autre pays ; que M. X n'établit pas, notamment par les pièces qu'il produit, que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine ou qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si le médecin inspecteur de la santé publique mentionne que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale, le défaut de soins n'entraînerait aucune conséquence d'une exceptionnelle gravité ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'un rapport du médecin psychiatre agréé a réalisé à la demande du médecin inspecteur de la santé publique un examen clinique permettant de conclure qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique grave et qu'il a besoin de soins spécialisés ; que ce symptôme est directement lié aux graves sévices subis au Congo ; que l'absence de prise en compte de ces éléments est caractéristique d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet ;

Vu l'ordonnance du 29 janvier 2008 prononçant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; il requiert le rejet de la requête de M. X ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2008, présenté pour M. X ; il confirme ses précédentes écritures et informe la Cour que des examens complémentaires ont permis de lui découvrir, en plus de ses pathologies déjà déclarées, une hépatite B ; qu'il convient de procéder à un suivi de l'évolution de cette maladie, suivi impossible à assurer au Congo ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; il confirme ses précédentes écritures et précise que la nouvelle situation médicale déclarée récemment de

M. X est sans influence sur la légalité d'une décision prise il y a 9 mois ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, premier conseiller :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant congolais, relève appel du jugement en date du 3 octobre 2007 du Tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 12 juin 2007, par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette mesure d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le Congo comme pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai ;

Sur la demande à fin d'annulation :

Sur la décision refusant l'admission de M. X au séjour :

Considérant que, pour contester la décision attaquée, M. X, qui déclare être entré en France en novembre 2004 à l'âge de 25 ans, soutient que sa mère et ses demi-soeurs et frères séjournent régulièrement en France de longue date ; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France et de ce que l'intéressé n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales au Congo, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle, qu'il a examinée, de M. X ;

Sur la décision obligeant M. X à quitter le territoire français et fixant le Congo comme pays de destination :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que M. X souffre, selon les certificats médicaux produits, de séquelles psychologiques à la suite des sévices et violences qu'il a subis au Congo ; qu'il résulte des pièces du dossier qu'une prise en charge thérapeutique en France de l'intéressé est nécessaire et qu'un retour prématuré dans son pays d'origine, compte tenu de son vécu traumatique, lui serait fortement dommageable ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, en assortissant le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et en fixant le Congo comme pays de renvoi, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation de la décision, en date du 12 juin 2007, par laquelle le préfet de l'Oise lui a ordonné de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le Congo comme pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » et qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que le présent arrêt prononce seulement l'annulation pour excès de pouvoir de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le Congo comme pays de renvoi ; que, dès lors, le présent arrêt n'implique pas, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu, par application des dispositions précitées de l'article

L. 512-1, d'enjoindre au préfet de l'Oise, ressaisi de plein droit de la demande de titre de séjour de

M. X, de délivrer à ce dernier une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué à nouveau sur sa situation ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701689, en date du 3 octobre 2007, du Tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision, en date du 12 juin 2007, du préfet de l'Oise lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant comme pays de renvoi le Congo. Ces décisions sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa situation.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ferdin X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01604
Date de la décision : 14/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SCP CARON - DAQUO - AMOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-05-14;07da01604 ?
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