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22/05/2008 | FRANCE | N°07DA01215

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 22 mai 2008, 07DA01215


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

2 août 2007 par télécopie et confirmée le 27 août 2007 par courrier original, présentée pour

M. Ousmane X, demeurant ..., par Me Attali ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704277, en date du 5 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 2 juillet 2007 décidant sa reconduite à la frontière et désignant

le Mali comme pays de destination de cette mesure, et à ce qu'il soit enjoint, sous astre...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

2 août 2007 par télécopie et confirmée le 27 août 2007 par courrier original, présentée pour

M. Ousmane X, demeurant ..., par Me Attali ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704277, en date du 5 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise du 2 juillet 2007 décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure, et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre, au besoin sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient qu'il n'est pas établi que l'arrêté attaqué ait été pris par une autorité régulièrement habilitée par une délégation de signature préalablement portée à la connaissance des administrés par une publication qui leur est opposable ; que ce même arrêté s'avère, en outre, insuffisamment motivé au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 reprise par la loi du 12 avril 2000, dès lors qu'il ne fait aucune référence aux documents que l'exposant a fournis pour justifier de sa résidence habituelle en France depuis 1996, ni à son intégration, et que les termes employés pour sa rédaction manquent de précision ; que cette motivation lacunaire révèle que le préfet ne s'est pas livré à un examen réel, sérieux et personnalisé de sa situation ; qu'elle ne lui permet pas davantage d'établir une ligne de défense pertinente au regard des motifs ayant amené l'autorité préfectorale à prendre ledit arrêté ; qu'au fond, l'exposant est en mesure d'apporter, par la production de documents nombreux et suffisamment probants au regard de la jurisprudence en la matière, la preuve de sa résidence habituelle et continue en France depuis plus de dix années ; qu'il était donc en situation, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, de prétendre de plein droit, alors que sa vie privée et familiale est établie en France, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté attaqué a donc été pris en méconnaissance de ce texte, dont les conditions ne sont pas cumulatives et, en outre, pour les mêmes raisons et alors que l'exposant n'a plus de contact avec son épouse, son fils, ni avec aucun des membres de sa famille restés au Mali et qu'il est bien intégré en France où il s'assume financièrement et remplit ses obligations, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté méconnaît l'article 3 de la même convention ; qu'il est, par ailleurs, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ; qu'enfin, l'exposant est fondé à exciper de l'illégalité de son placement en centre de rétention administrative ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 28 janvier 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 28 février 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; que cet arrêté n'avait pas à être notifié à M. X dans sa langue d'origine ; que la situation de l'intéressé a fait l'objet d'un examen particulier ; que M. X, qui n'a pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière en France, était dans la situation prévue au 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant sa reconduite à la frontière ; que l'intéressé ne peut se prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France, qui ne lui confèrerait, d'ailleurs, à la supposer établie, pas un droit au séjour et qui n'est, en elle-même, qu'un des éléments à prendre en compte dans l'appréciation de la situation de l'intéressé ; qu'il est à relever à cet égard que M. X a déclaré à l'occasion de son interpellation s'être marié au Mali en 2001 et avoir un enfant de trois ans, qui a vraisemblablement été conçu au Mali ; que cet élément de durée se trouve, en outre, grandement relativisé par le fait que M. X ne conteste pas avoir conservé des attaches fortes dans son pays d'origine, à savoir son épouse et leur enfant mineur ; qu'il n'établit pas avoir constitué des attaches familiales en France, où aucun membre de sa famille proche ne réside et où il n'a pas de domicile stable et ne dispose d'aucun revenu légal ni d'aucune autorisation de travail ; que M. X n'était donc pas en situation de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11-II-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi méconnu ni lesdites dispositions, dont il n'a pas été fait, en l'espèce, une inexacte application, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la même convention est inopérant à l'égard de la mesure de reconduite à la frontière elle-même ; que M. X ne saurait utilement exciper de l'illégalité de la décision prononçant son placement en rétention administrative, dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'est pas pris sur son fondement ; qu'enfin, la décision désignant le Mali comme pays de destination de la mesure de reconduite prise en l'espèce est légalement fondée ;

Vu l'ordonnance en date du 10 mars 2008 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 2 juillet 2007, le préfet de l'Oise a décidé de reconduire M. X, ressortissant malien, né le 20 janvier 1973, à la frontière ; que M. X, qui a ensuite été placé au centre de rétention administrative de Lesquin (Nord), forme appel du jugement, en date du 5 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre ledit arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est arrivé en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 1993, n'a toutefois pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au préfet de l'Oise de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Isabelle Y, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière, laquelle délégation lui avait été donnée par un arrêté du préfet de l'Oise en date du 13 juillet 2006 régulièrement publié le 17 juillet 2006 au recueil des actes administratifs de la préfecture, qui est une publication opposable aux administrés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué, que ceux-ci mentionnent, sous le visa du 1° et du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'y maintient depuis lors illégalement ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; que, par suite, et alors même que ces motifs ne reprennent pas de façon précise l'ensemble des éléments caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé et ne font, en particulier, pas mention de la durée de son séjour, ni de son intégration à la société française, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles des lois susvisées du 11 juillet 1979, modifiée, et du 12 avril 2000 ; que, dans ces conditions, il ne ressort d'aucun élément du dossier que le préfet de l'Oise ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé, ni que ce dernier n'aurait pas eu une connaissance suffisante des considérations justifiant la mesure d'éloignement prise à son égard pour lui permettre de la contester utilement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...)

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; que si

M. X fait état de ce qu'il résiderait de façon habituelle et continue en France depuis 1996, les pièces qu'il verse au dossier ne permettent tout au plus d'établir la réalité de ce séjour qu'à compter de l'année 2002, dès lors que celles produites au titre de chacune des années antérieures sont trop peu nombreuses pour justifier d'un séjour ininterrompu au cours desdites années et ne présentent, en outre, pas de garanties suffisantes d'authenticité ; que, d'ailleurs, les déclarations faites par l'intéressé à la suite de son interpellation font notamment état, ainsi que le relève le préfet, de son mariage au Mali en 2001 ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que M. X a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine, où résident son épouse et leur enfant mineur, l'allégation de l'intéressé selon laquelle il n'aurait plus de contact avec ceux-ci depuis de nombreuses années n'étant corroborée par aucun des éléments du dossier ; que, dans ces circonstances et eu égard aux conditions irrégulières du séjour de M. X et malgré la bonne intégration à la société française dont il aurait fait montre et les circonstances qu'il s'acquitterait de ses obligations, notamment fiscales, et qu'il s'assumerait financièrement, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été en situation de se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a, dès lors, méconnu ni ces dispositions, dont il n'a pas été fait un inexacte application, en l'espèce, par le préfet de l'Oise, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté n'est pas davantage entaché, pour les mêmes motifs, d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en dernier lieu, que M. X ne saurait utilement, au soutien des conclusions de sa requête qui sont dirigées à l'encontre seulement de la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard, se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ladite mesure ne désigne par elle-même aucun pays de renvoi, ni exciper de la légalité de la décision le plaçant en rétention administrative, dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'est pas pris sur le fondement de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2007 du préfet de l'Oise décidant sa reconduite à la frontière ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Ousmane X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

N°07DA01215 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : ATTALI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 22/05/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01215
Numéro NOR : CETATEXT000019649252 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-05-22;07da01215 ?
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