La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2008 | FRANCE | N°07DA01751

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 19 juin 2008, 07DA01751


Vu, I, sous le n° 07DA01751, la requête, enregistrée le 21 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702620, en date du 17 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 août 2007 par lequel le PREFET DE L'EURE a refusé de délivrer à Mme Sandra un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé l'Angola comme pays de destination ;
<

br>2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif d...

Vu, I, sous le n° 07DA01751, la requête, enregistrée le 21 novembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702620, en date du 17 octobre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 août 2007 par lequel le PREFET DE L'EURE a refusé de délivrer à Mme Sandra un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé l'Angola comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que Mme est arrivée sur le territoire français le 11 juin 2006 ; qu'elle a épousé six mois plus tard, le 23 décembre 2006, M. alors qu'aucun élément n'indique qu'ils avaient une communauté de vie avant leur union ; que l'enfant, né le 2 janvier 2007, ne peut être l'enfant biologique de son époux ; que la requérante n'apporte aucune preuve de la participation de son époux à l'éducation ou à l'entretien de cet enfant ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté du 23 août 2007 méconnaissait les conséquences de l'obligation de quitter le territoire sur la situation personnelle de l'intéressée ; que les moyens invoqués par Mme devant le premier juge à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire ne peuvent, eux-mêmes, qu'être écartés ; que la communauté de vie avec son époux est peu crédible, le mariage, prononcé dix jours avant la naissance de l'enfant, semblant précipité, l'acte de mariage indiquant une adresse séparée et l'intéressée étant seule avec son enfant dans son logement lors de son interpellation, de plus, M. est coutumier des fausses déclarations, ayant déjà été condamné notamment pour faux et usages de faux ; que le fait que son époux ait à charge un enfant d'une précédente union est sans incidence sur la décision préfectorale ; que la paternité contestée de M. de l'enfant né le 2 janvier 2007 et l'absence d'élément indiquant qu'il participe à son éducation ou à son entretien, ainsi que la décision préfectorale ne contrevenaient pas aux droits de l'enfants ; par ailleurs, Mme , de retour dans son pays d'origine aura la faculté de solliciter une procédure de regroupement familial ; que le moyen invoqué par Mme devant le Tribunal administratif de Rouen à l'encontre de la décision fixant le pays de destination est infondé, l'intéressée n'apportant aucun élément nouveau sur les risques encourus en cas de retour en Angola ;

Vu l'ordonnance en date du 6 décembre 2007 portant clôture de l'instruction au 21 janvier 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 16 janvier 2008 et régularisé par la production de l'original le 21 janvier 2008, présenté pour Mme , demeurant ..., par Me Rodrigue, elle conclut, à titre principal, au rejet des requêtes et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2007, à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'EURE de lui délivrer une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le Tribunal administratif de Rouen a fait une bonne interprétation des faits et que sa décision est conforme au droit ; que les moyens invoqués devant les premiers juges à l'encontre du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire sont fondés ; que la décision est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 3-1 et 9 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car le centre de ses intérêts affectifs et familiaux sont désormais en France ; que les moyens invoqués devant les premiers juges à l'encontre du pays de destination doivent être retenus ; que la décision fixant l'Angola comme pays de destination méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard aux risques encourus dans son pays d'origine ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2008 portant réouverture de l'instruction ;

Vu, II, sous le n° 08DA00074, la requête, enregistrée le 15 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 0702620-2, en date du 18 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 23 août 2007 par lequel le PREFET DE L'EURE a refusé de délivrer à Mme Sandra Kunoka épouse Kiala Garcia un titre de séjour, a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Angola comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Kunoka épouse Kiala Garcia devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il se prévaut des mêmes moyens que ceux analysés sous le précédent numéro ;

Vu les jugements et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, sous chaque numéro, enregistré le 30 janvier 2008, présenté par le PREFET DE L'EURE, par lequel il conclut aux mêmes fins que ses requêtes, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président assesseur et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes présentées sous les nos 07DA01751 et 08DA00074 concernent le même arrêté préfectoral et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de statuer par un même arrêt ;

Considérant que Mme Kunoka épouse Kiala Garcia, de nationalité angolaise, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2006 ; que la qualité de réfugiée lui a été refusée définitivement par la Commission des recours des réfugiés le 20 avril 2007 ; qu'elle s'est mariée sur le territoire français le 23 décembre 2006 avec un compatriote ; que Mme Kunoka épouse Kiala Garcia a donné naissance à un enfant le 2 janvier 2007 ; que le PREFET DE L'EURE tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile de l'intéressée a, par un arrêté du 23 août 2007, refusé l'admission au séjour de Mme Kunoka épouse Kiala Garcia, cette décision étant assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification, et fixant l'Angola comme pays de destination ; que, sur demande du PREFET DE L'EURE, l'intéressée a été interpellée à son domicile avec son enfant le 16 octobre 2007 et placée dans un centre de rétention administrative par un arrêté du PREFET DE L'EURE en date du 16 octobre 2007 ; que le PREFET DE L'EURE interjette appel des jugements rendus respectivement les 17 octobre et 18 décembre 2007 par le Tribunal administratif de Rouen annulant, d'une part, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant l'Angola comme pays de destination et, d'autre part, le refus de titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision en tant qu'elle porte refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : « A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Kunoka épouse Kiala Garcia s'est mariée le 23 décembre 2006 avec un compatriote, M. Thierry Kiala Garcia, en situation régulière sur le territoire français depuis 19 ans et, par ailleurs, ayant à charge un enfant mineur issu d'une précédente union ; que la mention de domiciles différents portée sur l'acte de mariage ne suffit pas à établir l'absence de liens entre les époux après leur union ; que les spéculations du PREFET DE L'EURE sur la paternité biologique de M. Kiala Garcia de l'enfant né le 2 janvier 2007 sont sans incidence sur la réalité des liens créés par la reconnaissance de la paternité sur le registre de l'état civil ; que la non-effectivité de la communauté de vie ne peut être attestée par la seule absence de M. Kiala Garcia à son domicile au moment de l'interpellation de son épouse et de son fils ; qu'ainsi, les éléments apportés par le PREFET DE L'EURE pour contester la communauté de vie des époux Kiala Garcia ne permettent pas de mettre en doute la réalité de la localisation en France du centre des intérêts familiaux et personnels de Mme Kunoka épouse Kiala Garcia ; que, dès lors et quand bien même son époux pourrait avoir recours à la procédure du regroupement familial, la décision du PREFET DE L'EURE porte une atteinte disproportionnée dans l'appréciation des conséquences que son refus de titre de séjour comporte sur la situation personnelle de Mme Kunoka épouse Kiala Garcia ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté prononçant le refus d'admission au séjour de Mme A Kiala Garcia et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant l'Angola comme pays de destination ;

Sur les conclusions incidentes de Mme Kunoka épouse Kiala Garcia aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative qui précisent : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Compte tenu de ce qui a été dit, du motif de cette annulation, Mme Kunoka épouse Kiala Garcia a droit à la délivrance d'un titre de séjour provisoire au titre de la vie privée et familiale suite aux conclusions qu'elle a présentées en appel à titre d'injonction ;

Sur les conclusions de Mme Kunoka épouse Kiala Garcia tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme Kunoka épouse Kiala Garcia une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du PREFET DE L'EURE sont rejetées.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE L'EURE de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à Mme Kunoka épouse Kiala Garcia dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Kunoka épouse Kiala Garcia une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Sandra Kunoka épouse Kiala Garcia.

Copie sera transmise au PREFET DE L'EURE.

Nos07DA01751,08DA00074 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Estève
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : RODRIGUE ; RODRIGUE ;

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Date de la décision : 19/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07DA01751
Numéro NOR : CETATEXT000019802013 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-19;07da01751 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award