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19/06/2008 | FRANCE | N°08DA00361

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 19 juin 2008, 08DA00361


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 février 2008, présentée pour M. Kandé X, demeurant ..., par Me Desmazières ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704278, en date du 5 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 juillet 2007 du préfet de l'Oise décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure et à ce q

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

27 février 2008, présentée pour M. Kandé X, demeurant ..., par Me Desmazières ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704278, en date du 5 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 2 juillet 2007 du préfet de l'Oise décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de destination de cette mesure et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'ordonner à l'administration la restitution de son passeport ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, qui contient des formules stéréotypées et qui ne prend qu'imparfaitement en compte sa situation personnelle, ne faisant, en particulier, pas mention de son concubinage depuis trois ans avec une ressortissante française, est insuffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 ; que cette motivation lacunaire révèle que l'autorité préfectorale ne s'est pas livrée à un examen complet de sa situation particulière ; que la notification de cet arrêté, qui a été effectuée au moyen de documents rédigés en français, alors que l'exposant avait indiqué ne pas lire cette langue, est irrégulière ; qu'au fond et contrairement à ce qu'a retenu à tort le premier juge, les éléments versés au dossier, en particulier des témoignages de proches, confirment la réalité de sa vie commune avec sa compagne, de nationalité française, qu'il a rencontrée en octobre 2004, qu'il a d'ailleurs depuis épousée le 3 novembre 2007 et qui attend une enfant ; que cette situation n'a pas été suffisamment prise en considération par le préfet ; qu'en outre, l'exposant a fait preuve d'une bonne intégration à la société française, au sein de laquelle il a noué de nombreux liens et occupé plusieurs emplois salariés ; que son père demeure en France depuis de nombreuses années sous couvert d'une carte de résident ; qu'il n'a plus de relation avec les membres de sa famille restés dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté est, par ailleurs et pour les mêmes motifs, entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision en date du 12 décembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai refusant à M. X le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour la présente instance ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2008 par laquelle le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 30 avril 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que la requête apparaît tardive ; s'agissant de la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, que celui-ci a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'alors au demeurant que M. X a indiqué au cours de son audition comprendre et lire le français, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposait que ledit arrêté lui soit notifié dans sa langue d'origine ; s'agissant de la légalité interne dudit arrêté, que M. X pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, M. X, qui ne peut utilement se prévaloir de son mariage ou de la grossesse de son épouse, qui sont des circonstances postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, ne justifiait pas avoir constitué une vie maritale stable et ancienne en France, des incohérences étant d'ailleurs à relever dans les adresses déclarées par l'intéressé au cours de la période considérée ; que les attestations produites à cet égard, dont les termes sont contredits par les autres pièces du dossier, n'ont pas à elles seules force probante ; que l'intéressé ne justifie pas d'une particulière intégration à la société française, ayant d'ailleurs usurpé l'identité d'un tiers et travaillé irrégulièrement ; que l'ancienneté de son séjour ne lui ouvre, par elle-même, aucun droit au séjour ; qu'il n'établit pas, en outre, être isolé dans son pays d'origine où demeurent notamment sa mère et ses frères et soeurs, ni avoir rompu tout lien avec ces derniers ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de l'intéressé ; s'agissant de la légalité de la désignation du pays de renvoi, que M. X, dont la demande d'asile a été rejetée, n'invoque aucun moyen à l'encontre de ladite désignation ;

Vu l'ordonnance en date du 24 avril 2008 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2008, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté en date du 2 juillet 2007, le préfet de l'Oise a décidé de reconduire M. X, ressortissant malien, né le 24 mai 1980, à la frontière et a désigné le Mali comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que M. X, placé entre-temps en rétention administrative à Lesquin (Nord), forme appel du jugement en date du 5 juillet 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre ledit arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a successivement déclaré être arrivé en France le 4 janvier 2004 puis le 10 janvier 2002, n'a, en tout état de cause, pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées et permettant au préfet de l'Oise de décider, par l'arrêté attaqué, sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte notamment du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent notamment, sous le visa des 1°, 2° et 8° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. X ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'y maintient, depuis lors, irrégulièrement, démuni de tout titre de séjour ; que ces motifs comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'égard de M. X ; qu'eu égard à ce qui précède, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé, ne faisant en particulier pas état de son concubinage avec une ressortissante française, et nonobstant la circonstance que certaines mentions sont rédigées à l'aide de formules stéréotypées, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979, modifiée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, dans ces conditions, que le préfet de l'Oise ne se soit pas livré à un examen suffisant de la situation particulière de M. X avant de prendre l'arrêté attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que les conditions dans lesquelles un arrêté de reconduite à la frontière est notifié au ressortissant étranger à l'égard duquel il est pris sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; qu'ainsi, M. X, qui avait au demeurant clairement indiqué, au cours de l'audition qui a suivi son interpellation, parler, lire et comprendre la langue française et qui a répondu aux questions des enquêteurs, ne saurait utilement invoquer les circonstances que ledit arrêté ne lui a été notifié qu'au moyen de documents rédigés en langue française ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...)

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; que

M. X fait état de ce qu'il vivait, à la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris, depuis trois ans avec une ressortissante française et se prévaut, par ailleurs, de la circonstance que son père résidait régulièrement en France depuis de nombreuses années sous couvert d'une carte de résident ; que, toutefois, les pièces qu'il verse au dossier ne sont pas de nature à établir la réalité à cette date de la vie commune alléguée, alors que celles-ci font apparaître que l'intéressé était domicilié à une adresse différente de celle de sa compagne et que les attestations produites, par ailleurs, pour justifier de l'existence de la vie maritale alléguée ne présentent pas un caractère suffisamment probant ; qu'à en supposer même la réalité établie, cette vie maritale présentait alors un caractère récent ; que M. X ne peut utilement se prévaloir de son mariage et de la grossesse de son épouse, lesquelles circonstances sont postérieures à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris et sont, par suite, sans incidence sur la légalité de celui-ci ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. X, qui était donc, à cette date, célibataire et sans enfant à charge, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où demeurent, selon ses propres déclarations à l'administration, sa mère et ses frères et soeurs, ses allégations selon lesquelles il n'aurait plus aucun lien avec ces derniers n'étant corroborées par aucune pièce du dossier ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et eu égard aux conditions irrégulières du séjour de M. X, qui a eu recours à faux titre de séjour pour obtenir un emploi en France, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, malgré la bonne intégration à la société française dont il aurait fait montre et les relations qu'il aurait nouées sur le territoire national, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, ledit arrêté n'a méconnu ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce même arrêté n'est, pour les mêmes motifs, pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant, enfin, que si M. X présente des conclusions expressément dirigées contre la désignation du Mali comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard, il n'assortit celles-ci d'aucun moyen ; que lesdites conclusions doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée par le préfet de l'Oise, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2007 du préfet de l'Oise décidant sa reconduite à la frontière et désignant le Mali comme pays de renvoi ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration, d'une part, de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour, d'autre part et en tout état de cause, de lui restituer son passeport, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Kandé X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

N°08DA00361 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : SCM COTTIGNIES - DESMAZIERES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 19/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00361
Numéro NOR : CETATEXT000019802036 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-19;08da00361 ?
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