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19/06/2008 | FRANCE | N°08DA00602

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 19 juin 2008, 08DA00602


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 avril 2008 et confirmée par la production de l'original le 7 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800557, en date du 3 mars 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de Mme Meaza X, a annulé son arrêté du 27 février 2008 par lequel il a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Erythrée comme pays de

destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X en première ins...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 avril 2008 et confirmée par la production de l'original le 7 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800557, en date du 3 mars 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de Mme Meaza X, a annulé son arrêté du 27 février 2008 par lequel il a prononcé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Erythrée comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X en première instance ;

Il soutient que le jugement est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que s'agissant de la légalité de la décision en litige, l'intéressée a été interpellée en possession d'un passeport italien falsifié établi au nom de Caterina Y et a déclaré vouloir se rendre au Canada ; qu'elle n'a pas fait état au cours de son audition de son statut de réfugiée en Italie et qu'elle pouvait y résider en cette qualité ; que, dans la mesure où Mme X n'a justifié de sa qualité de réfugiée que postérieurement à la décision prononçant sa reconduite à la frontière, il n'était pas tenu de faire application de l'article L. 531-1 et a pu légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre l'arrêté litigieux ; qu'en tout état de cause, l'intéressée a finalement été réadmise en Italie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 21 avril 2008 fixant la clôture de l'instruction au 16 mai 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement, en date du 3 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Rouen, à la demande de Mme X, a annulé sa décision du 27 février 2008 prononçant sa reconduite à la frontière et celle du même jour fixant l'Erythrée comme pays de destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait valoir que le tribunal administratif ne lui a communiqué que tardivement les pièces produites par la requérante sans procéder à un renvoi de l'affaire et que le jugement est ainsi intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire ; qu'il ressort des pièces du dossier que les parties ont été dûment convoquées à l'audience et que si les pièces complémentaires produites par la requérante lui ont été communiquées à 12 h 09 le 3 mars 2008, soit 3 heures avant l'audience fixée à 15 h 00, il a pu néanmoins en prendre connaissance comme en atteste le fait qu'il ait lui-même produit un mémoire en défense à 15 h 00 ; qu'en outre, il n'est pas établi qu'il ait demandé un report de l'audience ; que, dans ces circonstances et eu égard notamment à l'urgence caractérisant le contentieux de la reconduite à la frontière, le principe du contradictoire a été respecté ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que pour annuler l'arrêté du 27 février 2008, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Rouen a estimé que, dans la mesure où Mme X, née le 5 mai 1981 et de nationalité érythréenne, justifiait bénéficier, à la date de l'arrêté attaqué, du statut de réfugiée en Italie, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que sa situation entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 531-1 du même code et que ce fondement ne peut être substitué aux dispositions de l'article L. 511-1 dudit code dès lors qu'une telle substitution pourrait avoir pour effet de priver l'intéressée des garanties de procédure prévues par les dispositions précitées de l'article L. 531-1 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles

L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix » ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : « Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet ne saurait légalement prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors que ce dernier entre dans les prévisions de l'article L. 531-1 du même code ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait valoir que Mme X n'a pas, au cours de son audition préalable à la décision contestée, fait mention de sa qualité de réfugiée en Italie ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites par l'intéressée en première instance, qu'elle justifiait pouvoir résider régulièrement dans ce pays en qualité de réfugiée depuis le 30 juin 2004 ; que la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle intervient, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir, alors même que la requérante n'aurait pas porté à sa connaissance la régularité de son séjour en Italie, qu'il pouvait prononcer sa reconduite à la frontière en se fondant sur les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que si le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient que Mme X a finalement été réadmise en Italie, cette circonstance est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 27 février 2008 prononçant la reconduite à la frontière de

Mme X et fixant l'Erythrée comme pays de destination ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Meaza X.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS.

N°08DA00602 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08DA00602
Date de la décision : 19/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: Le Garzic

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-19;08da00602 ?
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