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25/06/2008 | FRANCE | N°06DA01131

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 5 (bis), 25 juin 2008, 06DA01131


Vu, I, sous le n° 06DA01131, la requête, enregistrée le 14 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée GUILBERT FRANCE, dont le siège est 126 avenue du Poteau à Senlis (60300), par Me Cortez ; la société GUILBERT FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301485 du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 070 543,32 euros, assortie des intérêts moratoires, augmentée des intérêts capitalisé

s, en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite de la mise en ...

Vu, I, sous le n° 06DA01131, la requête, enregistrée le 14 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée GUILBERT FRANCE, dont le siège est 126 avenue du Poteau à Senlis (60300), par Me Cortez ; la société GUILBERT FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301485 du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 070 543,32 euros, assortie des intérêts moratoires, augmentée des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite de la mise en oeuvre des modalités de suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de condamner l'Etat au versement de cette somme avec le paiement des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2002 et de prononcer la capitalisation desdits intérêts à compter de la même date ;

3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, II, sous le n° 06DA01132, la requête, enregistrée le 14 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée GUILBERT FRANCE, venant aux droits de la société Groupe Guilbert, dont le siège est 126 avenue du Poteau à Senlis (60300), par Me Cortez ; la société GUILBERT FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301486 du 18 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui payer une somme de

807 165,47 euros, assortie des intérêts moratoires, augmentée des intérêts légaux, en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite de la mise en oeuvre des modalités de suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de condamner l'Etat au versement de cette somme avec le paiement des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2002 et de prononcer la capitalisation desdits intérêts à compter de la même date ;

3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le dispositif de suppression de la règle du décalage d'un mois n'est pas conforme à la sixième directive ; qu'en effet ce dispositif n'accorde pas à l'assujetti un paiement de sa créance de taxe sur la valeur ajoutée en liquidités ou de manière équivalente dans un délai raisonnable, qu'il ne permet pas à l'assujetti de couvrir le risque lié à la dépréciation de sa créance, qu'il ne prévoit pas une rémunération de la créance permettant de neutraliser les effets de ce retard compte tenu du faible niveau des intérêts dont elle est assortie ; qu'il prévoit des mesures discriminatoires entre les titulaires de créances sur le Trésor ; qu'il n'est pas conforme aux principes de sécurité légitime et de confiance légitime ; qu'à titre subsidiaire, elle demande de saisir d'une question préjudicielle la Cour de justice des Communautés européennes ; que le non-respect par l'Etat de ses obligations résultant du droit communautaire est constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cette faute a entraîné une perte financière constitutive d'un préjudice correspondant, outre l'immobilisation de la créance, à la différence entre le montant des intérêts effectivement versés et le montant des intérêts calculés sur la base du taux du marché ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés le 29 décembre 2006, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet des requêtes et à la condamnation de la société au paiement à l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour chacune des requêtes ; il soutient que les mesures transitoires en cause ont eu pour objet de définir les modalités selon lesquelles la France a décidé unilatéralement de renoncer à un dispositif dérogatoire dûment autorisé et financièrement avantageux pour l'Etat ; qu'elles ne sont pas incompatibles avec le droit communautaire car elles ont eu pour objet de permettre le rapprochement de la législation française avec le régime général de la déduction prévu à l'article 17 paragraphe 2 de la sixième directive ; que ces mesures ne méconnaissent pas le principe de protection de la confiance légitime ; qu'à titre subsidiaire, la demande était prescrite en ce qu'elle porte sur les années 1993 à 1997, en application de la règle de prescription quadriennale des créances sur l'Etat ;

Vu les ordonnances du 24 janvier 2008 portant clôture de l'instruction au

25 février 2008 ;

Vu les mémoires, enregistrés par télécopie le 25 février 2008 et régularisés par la production de l'original le 29 février 2008, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu les ordonnances du 28 février 2008 portant report de la clôture de l'instruction au

27 mars 2008 ;

Vu les mémoires, enregistrés par télécopie le 21 mars 2008 et régularisés par la production de l'original le 25 mars 2008, présentés pour la société GUILBERT FRANCE qui ajoute que le dispositif mis en place est discriminatoire dès lors que le droit à déduction a été gelé à hauteur de la déduction de référence ; qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété méconnaissant l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son protocole additionnel en raison de l'absence de rémunération réelle de la créance sur l'Etat ; qu'il n'y a pas de rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que cette situation entraîne une discrimination tant entre les entreprises visées par le dispositif qu'entre les créanciers de l'Etat ;

Vu les ordonnances du 27 mars 2008 portant report de la clôture de l'instruction au

18 avril 2008 ;

Vu les mémoires, enregistrés par télécopie le 18 avril 2008 et régularisés par la production de l'original le 22 avril 2008, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il ajoute que les moyens nouveaux tirés du défaut de compatibilité des modalités de rémunération de la créance sur le Trésor avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales équivalent à une nouvelle demande et sont donc irrecevables ; que le dispositif de suppression étant globalement avantageux, la requérante ne peut se plaindre d'une atteinte à ses biens dès lors que la différence de traitement a une justification objective et raisonnable ; qu'elle ne peut se prévaloir d'une discrimination avec les autres créanciers de l'Etat qui ne sont pas placés dans une situation analogue ;

Vu les ordonnances du 22 avril 2008 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les réclamations préalables du 23 décembre 2002 et les décisions implicites de rejet desdites réclamations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu la loi de finances rectificative n° 93-859 du 22 juin 1993 ;

Vu le décret n° 93-1078 du 14 septembre 1993 ;

Vu le décret n° 94-296 du 6 avril 1994 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Jean-Claude Stortz, président de chambre,

Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur, M. Alain de Pontonx et

Mme Agnès Eliot, premiers conseillers :

- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société GUILBERT FRANCE a demandé à l'Etat de lui verser une indemnité de 1 070 543,32 euros, majorée des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du 1er septembre 1993 au 31 décembre 2002, à la suite de la mise en oeuvre des modalités de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de déduction de taxe sur la valeur ajoutée ; que pour les mêmes motifs et la même période, elle a demandé à l'Etat de lui verser une indemnité de 807 165,47 euros, majorée des intérêts capitalisés, en tant qu'elle vient aux droits de la société Groupe Guilbert ; qu'elle relève appel des jugements du 18 mai 2006 et du 1er juin 2006 du Tribunal administratif d'Amiens qui ont rejeté ses demandes ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions indemnitaires et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre :

Considérant, d'une part, que l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil, alors applicable, dispose : « le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible » ; qu'aux termes de l'article 18 de la même directive : « (...) 2. La déduction est opérée globalement par l'assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période (...) 4. Quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu'ils fixent (...) » ; que selon l'article 28, paragraphe 3, sous d), de la même directive, les États membres peuvent, au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4 du même article, « continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue à l'article 18 paragraphe 2 premier alinéa » ; qu'aux termes de l'article 28, paragraphe 4 : « La période transitoire est initialement fixée à une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1978. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, et ultérieurement en tant que de besoin, le Conseil, sur la base d'un rapport de la Commission, réexaminera la situation en ce qui concerne les dérogations énumérées au paragraphe 3 et statuera à l'unanimité, sur proposition de la Commission, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces dérogations » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative n° 93-859 du 22 juin 1993 : « (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. » ; qu'aux termes de l'article 271 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la même loi : « 1. Les redevables qui ont commencé leur activité avant le 1er juillet 1993 soustraient une déduction de référence du montant de la taxe déductible au titre des biens ne constituant pas des immobilisations et des services mentionnée sur la déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires souscrite au titre du mois ou du trimestre au cours duquel ils exercent pour la première fois leurs droits à déduction dans les conditions fixées au 3 du I de l'article 271. Cette déduction de référence est égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction afférents aux biens ne constituant pas des immobilisations et aux services qui ont pris naissance au cours du mois de juillet 1993 et des onze mois qui précèdent. Pour ceux des redevables qui ont commencé leur activité après le 31 juillet 1992, la déduction de référence est calculée sur la base du nombre de mois d'activité. Pour la détermination de la déduction de référence, il est fait abstraction de la taxe déductible afférente aux biens et services qui pouvait, avant le 1er juillet 1993, être déduite au titre du mois de naissance du droit à déduction correspondant en application des dispositions prévues aux articles 273 sexies, 273 septies, 273 octies et au 3° du 4 de l'article 298. 2. Lorsque la déduction de référence n'a pu être entièrement soustraite du montant de la taxe déductible dans les conditions fixées au 1, l'excédent non soustrait est autant que de besoin porté en diminution du montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre des biens ne constituant pas des immobilisations et des services des mois suivants. Si le montant de la taxe déductible au titre des biens ne constituant pas des immobilisations et des services obtenu après soustraction de tout ou partie de la déduction de référence est inférieur à celui de la taxe déductible sur les biens ne constituant pas des immobilisations et des services ayant pris naissance au titre du mois précédent, l'excédent de déduction de référence est reporté sur les déclarations suivantes. 3. Le montant des droits à déduction que le redevable n'a pas exercés par l'effet des règles définies au 1, compte tenu, le cas échéant, des règles définies au 2, constitue une créance du redevable sur le Trésor ; cette créance est convertie en titres inscrits en compte d'un égal montant. Elle naît lors du dépôt de la dernière déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires sur laquelle est soustraite la déduction de référence. Cette créance n'est ni cessible ni négociable ; elle peut toutefois être donnée en nantissement ou cédée à titre de garantie dans les conditions prévues par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, modifiée par la loi n° 84-46 du

24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. Elle est transférée en cas de fusion, scission, cession d'entreprise ou apport partiel d'actif. Toute dépréciation ou moins-value de cette créance éventuellement constatée demeure sans incidence pour la détermination du résultat imposable. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions et modalités de remboursement, de gestion, de transfert et de nantissement des titres. Le remboursement des titres intervient à hauteur de 5 % par an au minimum du montant de la créance constatée pour l'ensemble des redevables et dans un délai maximal de vingt ans, et en cas de cessation définitive d'activité. La créance porte intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre du budget sans que ce taux puisse excéder 4,5 %. Les modalités de paiement de ces intérêts sont fixées par arrêté conjoint des ministres de l'économie et du budget. 4. Les redevables adressent au service des impôts dont ils relèvent un document conforme au modèle prescrit par l'administration et mentionnant le calcul et le montant de leur déduction de référence ainsi que les modalités d'imputation de leurs droits à déduction dans les conditions fixées aux 1 et 2. Ce document est joint à la dernière déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires sur laquelle est soustraite la déduction de référence. Les redevables qui n'ont pas déposé leurs déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires au titre de la période de référence ou qui n'ont pas déposé le document prévu à l'alinéa précédent ne peuvent bénéficier de la créance prévue au 3 qu'après que leur situation a été régularisée. 5. Lorsque le montant de la déduction de référence n'excède pas 10 000 francs, les redevables qui sont placés sous le régime réel normal d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas tenus de soustraire cette déduction de référence dans les conditions prévues au 1. Ces redevables adressent cependant au service des impôts dont ils relèvent le document prévu au 4. 6. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas aux redevables qui sont placés sous le régime d'imposition du forfait. Le forfait de la taxe sur la valeur ajoutée fixé au titre de 1993 tient compte d'un complément de taxe déductible égal à un douzième de la taxe grevant les services et les biens ne constituant pas des immobilisations acquis au cours de cette année. 7. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas non plus aux redevables qui relèvent du régime simplifié d'imposition. Le complément de taxe déductible résultant des dispositions du 3 du I de l'article 271 est porté sur la première déclaration de régularisation de taxes sur le chiffre d'affaires qui comprend les droits à déduction nés en juillet 1993. Ce complément de taxe est égal au montant de la taxe déductible au titre des biens ne constituant pas des immobilisations et des services du dernier mois de la période couverte par la déclaration de régularisation. Toutefois, lorsque ce complément de taxe déductible ne peut pas être porté sur une déclaration de régularisation déposée en 1993, un des acomptes versés en 1993 est minoré du montant de la taxe déductible au titre des biens autres qu'immobilisations et des services du dernier mois de la période au titre de laquelle l'acompte est versé. Ces compléments de taxe déductible sont limités à 90 % de leur montant lorsque les redevables ont bénéficié des dispositions de l'article 3 du décret n° 93-117 du 28 janvier 1993. 8. Pour les redevables qui relèvent du régime simplifié d'imposition et qui ont renoncé aux modalités simplifiées de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires, le montant de la taxe déductible résultant des dispositions du 3 du I de l'article 271 est porté sur la première déclaration qui comprend les opérations du mois au titre duquel ils appliquent ces dispositions. 9. Les rappels ou dégrèvements consécutifs à des contrôles ou à des réclamations portent sur la taxe déductible, déterminée après soustraction de la déduction de référence, sans modifier le montant de la créance prévue au 3-1. Lorsque le montant de la déduction de référence soustraite de la taxe déductible par le redevable est inférieur au montant qu'il aurait dû retenir, les rappels, assortis des pénalités prévues à l'article 1729, sont de montant égal à l'insuffisance constatée. Une pénalité supplémentaire s'élevant à 40 % de cette minoration est appliquée. « Aucune pénalité n'est encourue lorsque l'insuffisance résulte d'une rectification, opérée à l'initiative de l'administration, du montant de la taxe déductible de la période de référence. 2° Lorsque le montant de la déduction de référence soustraite est supérieur au montant qui aurait dû être retenu, un dégrèvement d'un montant égal à la différence constatée est prononcé. 3° En cas de taxation d'office de la déduction de référence, les pénalités prévues à l'article 1728 s'appliquent sur son montant. 4° Lorsque la créance est supérieure à la déduction de référence qui doit être soustraite de la taxe déductible, le rappel est égal à l'excédent constaté. Les pénalités prévues à l'article 1729 sont applicables, sauf dans le cas où le rappel résulte de la rectification, opérée à l'initiative de l'administration, du montant de la taxe déductible de la période de référence. 5° Lorsque la créance est inférieure à la déduction de référence qui doit être soustraite de la taxe déductible, le dégrèvement de l'insuffisance constatée qui en résulte prend effet à la date de l'échéance du titre ou de la cessation définitive d'activité. 6° Les rappels ou dégrèvements prévus aux 1°, 2°, 4° et 5° ne sont pas effectués lorsqu'ils résultent d'inexactitudes de la taxe déductible afférente à la période de référence n'ayant fait l'objet d'aucune régularisation et qui ne peuvent être rectifiées du fait de la prescription. 10. Les dispositions du 3 du I de l'article 271 et du présent article s'appliquent aux achats, acquisitions intracommunautaires, importations, livraisons de biens et services pour lesquels le droit à déduction a pris naissance après le 30 juin 1993 » ;

Considérant, en premier lieu, que l'article 2 paragraphe 1 de la loi de finances rectificative pour 1993 n° 93-859, codifié au 3 de l'article 271 précité du code général des impôts, a abandonné la règle dite du décalage d'un mois, selon laquelle les assujettis ne pouvaient déduire immédiatement de la taxe sur la valeur ajoutée dont ils étaient redevables la taxe payée sur les biens ne constituant pas des immobilisations et sur les services et que la déduction ne pouvait être opérée que le mois suivant ; que le paragraphe 2 du même article de la loi de finances rectificative, codifié à l'article 271 A du code général des impôts a institué des règles transitoires selon lesquelles notamment une déduction de référence est créée, donnant lieu, dans certaines conditions à une créance sur le Trésor ni cessible ni négociable et remboursable selon certaines modalités ;

Considérant que la société GUILBERT FRANCE soutient que le dispositif transitoire institué par les dispositions précitées ne lui a pas permis de bénéficier de la déduction immédiate de la taxe prévue au paragraphe 1 de l'article 17 de la sixième directive ; que les modalités de remboursement de la créance sur le Trésor sont contraires à l'article 18 paragraphe 4 de la sixième directive dès lors qu'elles n'accordent pas à l'assujetti un paiement de sa créance en liquidités ou de manière équivalente dans un délai raisonnable ; qu'elles ne permettent pas à l'assujetti de couvrir le risque lié à la dépréciation de sa créance et ne lui donnent pas une rémunération permettant de neutraliser les effets du retard de remboursement, compte tenu du faible taux d'intérêts dont elle est assortie ; qu'elle prévoit des mesures discriminatoires entre les différents titulaires de créance ;

Considérant toutefois que par le dispositif transitoire mis en oeuvre, la France a renoncé à la dérogation dont elle bénéficiait qui lui permettait d'appliquer la règle du décalage d'un mois ; qu'il n'a été recouru à cette mesure transitoire qu'à seule fin de permettre, dans des conditions acceptables pour le budget de l'Etat, la transposition d'une règle fixée par la directive, alors même que celle-ci autorisait le maintien des dispositions nationales dérogatoires ; qu'eu égard à cet objectif, le dispositif institué par l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 constitue des dispositions nationales qui, bien qu'étrangères à celles de la directive, ne sont pas incompatibles avec cette dernière, dès lors qu'elles tendent à la réalisation d'un rapprochement de la norme communautaire en ce qui concerne l'application du principe de déduction immédiate de la taxe sur la valeur ajoutée défini aux articles 17 et 18 de la sixième directive ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et que la société requérante n'allègue pas que l'application du dispositif transitoire de suppression du décalage d'un mois l'aurait placée dans une situation moins favorable que celle qui aurait été la sienne avant l'adoption de ce dispositif ; qu'au cas particulier, les mesures adoptées ont effectivement réduit à l'égard de la société GUILBERT FRANCE les effets de la disposition nationale dérogatoire que constituait la règle du décalage d'un mois ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les dispositions transitoires en litige ont eu pour but de rendre acceptable pour les finances publiques, en étalant son effet dans le temps, la suppression de la règle du décalage d'un mois qui était financièrement défavorable aux assujettis par rapport au principe de la déduction immédiate ; que, dès lors, la société GUILBERT FRANCE n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait, en adoptant les dispositions en litige, méconnu le principe de sécurité juridique et de confiance légitime ;

Considérant, dans ces conditions, que la société GUILBERT FRANCE n'est pas fondée à soutenir que la France aurait, en adoptant le dispositif codifié au 3 de l'article 271 A du code général des impôts, méconnu des obligations résultant du droit communautaire et commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société GUILBERT FRANCE soutient que les dispositions relatives à la suppression du décalage d'un mois constituent des mesures discriminatoires entre les titulaires de créances sur le Trésor et porte une atteinte disproportionnée au droit et au respect de ses biens, méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son protocole additionnel ;

Considérant que l'article 8 du décret n° 93-1078 du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement immédiat de la totalité des créances n'excédant pas 150 000 francs et, à concurrence de 25 %, le remboursement immédiat des créances d'un montant supérieur, avec un minimum de 150 000 francs ; que le décret n° 94-296 du 6 avril 1994, dans ses articles 1 à 3 prévoit un remboursement supplémentaire anticipé de 30 000 francs, soit par salarié nouvellement embauché, soit par nouveau contrat d'apprentissage ou de formation en alternance ouverts à des jeunes de moins de 26 ans ; que ces dispositions ne créent aucune discrimination prohibée dès lors que la différence de traitement entre les titulaires de créances en fonction du montant de celles-ci est applicable à l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elles garantissent à toutes le remboursement desdites créances ; que le dispositif de remboursement progressif des créances nées de la suppression du décalage d'un mois présente un caractère spécifique qui ne permet pas d'assimiler les titulaires de ces créances aux autres créanciers de l'Etat qui ne se trouvent pas dans la même situation ; que les différences de rémunération entre les créances de ces deux catégories de créanciers présentent ainsi une justification objective ; que, par suite, les différences de traitement entre titulaires de créances qui répondent à des situations différentes, ne constituent pas des discriminations prohibées et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit et au respect des biens de la société requérante au regard de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de son protocole additionnel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de la société GUILBERT FRANCE tendant à condamner l'Etat à lui payer les sommes de 1 070 543,32 euros et de 807 165,47 euros, en tant qu'elle vient aux droits de la société Groupe Guilbert, assorties des intérêts moratoires et augmentées des intérêts capitalisés, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, que la société GUILBERT FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement à la société GUILBERT FRANCE de la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ne justifie pas avoir exposé de tels frais et que sa demande de condamnation de la société GUILBERT FRANCE au titre desdites dispositions doit donc être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 06DA01131 et 06DA01132 de la société GUILBERT FRANCE sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat à fin de condamnation de la société GUILBERT FRANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée GUILBERT FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Nos06DA01131,06DA01132 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 5 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA01131
Date de la décision : 25/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: M. Alain Poydenot de Pontonx
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LANDWELL et ASSOCIES ; SOCIETE D'AVOCATS LANDWELL et ASSOCIES ; SOCIETE D'AVOCATS LANDWELL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-25;06da01131 ?
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