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25/06/2008 | FRANCE | N°07DA01859

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 25 juin 2008, 07DA01859


Vu la requête sommaire, enregistrée le 6 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par M. Banjob X, demeurant chez

M. Nikhom Y, ...;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704677 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

20 juin 2007 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois à compter de sa notifi

cation et lui a assigné un pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 6 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par M. Banjob X, demeurant chez

M. Nikhom Y, ...;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704677 du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du

20 juin 2007 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois à compter de sa notification et lui a assigné un pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler ladite décision du 20 juin 2007 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 12 février 2008 et régularisé par la production de l'original le 19 février 2008, présenté pour M. X, par

Me Lequien, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à verser à son avocat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de la situation, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Il soutient qu'un titre de séjour lui a été refusé en méconnaissance de l'article L. 313-14 ; que ce refus est entaché d'erreur de fait sur la durée de sa résidence habituelle en France et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales ; qu'il est en mauvaise santé ; qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ; que la mesure d'éloignement n'est pas motivée ; qu'elle est irrégulière en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; que la décision lui assignant un pays de destination n'a pas été prise par une autorité habilitée à cet effet ; qu'elle est irrégulière par suite de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du 11 février 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2008, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; à cette fin, il fait valoir que l'arrêté du 28 août 2006 habilitait

M. Z à signer les actes critiqués ; que le requérant ne saurait utilement se prévaloir en cause d'appel des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne justifie pas d'une résidence habituelle et ininterrompue depuis plus de 10 ans en France ; que les risques allégués de mauvais traitements en cas de renvoi dans son pays sont démentis par le rejet de son recours par la Commission des recours des réfugiés ; que son insertion personnelle et professionnelle alléguée en France n'est corroborée par aucun document ; qu'il invoque, pour la première fois en appel, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement ; que cette dernière est suffisamment motivée ;

Vu la lettre du 22 mai 2008, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, qui se déclare ressortissant thaïlandais, relève appel du jugement du 9 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre la décision du 20 juin 2007 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à compter de sa notification et lui a assigné un pays de destination ;

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes dont celle qui ouvre droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans » ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et qu'aux termes de l'article 8 de la même convention : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X n'a pas, dans sa demande adressée au préfet du Nord le 28 mars 2007, sollicité l'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il ne saurait utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions en annulation, que le préfet du Nord était tenu de consulter la commission départementale du titre de séjour avant de prendre la décision attaquée, ni que cette dernière est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article ;

Considérant que si M. X, né en 1968, soutient que le centre de ses intérêts fondamentaux se situe en France, où il a épousé en 2006 Mme A, de nationalité thaïlandaise, et qu'il n'a jamais causé de trouble à l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'âge auquel il est arrivé en France, de ce qu'il ne démontre pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, ni être dans l'impossibilité d'y reconstituer son foyer, la décision attaquée a porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni qu'elle a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage établi que le refus de séjour qui a été opposé à

M. X est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant que M. X, qui a sollicité un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale, ne saurait utilement invoquer son état de santé à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision lui refusant ce titre ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de cette décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, d'une part, qu'il est constant que, dans le délai de recours contre la décision du 20 juin 2007, M. X n'a présenté que des moyens relatifs à la légalité interne de cette mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette mesure soulève une demande nouvelle en appel ; qu'il suit de là qu'il n'est pas recevable et doit, comme tel, être écarté ;

Considérant, d'autre part, que les moyens articulés à l'encontre de la décision refusant un titre de séjour ayant été écartés, le requérant ne saurait soutenir que la mesure d'éloignement est irrégulière par suite de l'illégalité de cette décision ;

Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus pour rejeter les conclusions en annulation de la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ; qu'il en va de même du moyen tiré de ce que cette mesure est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;

Sur la légalité de la décision assignant un pays de destination :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui assignant un pays de destination, M. X soulève, par voie d'exception, l'illégalité de la mesure lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) » ; et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure toutefois tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler dans ses visas, ses motifs ou même son dispositif, les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que M. X est fondé à soutenir que cette mesure sur le fondement de laquelle a été prise la décision lui assignant un pays de destination, est entachée d'irrégularité et que, par suite, cette décision est illégale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre la décision du préfet du Nord du 20 juin 2007 en tant qu'elle lui a assigné un pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision assignant à M. X un pays de destination, au motif que la décision d'obligation de quitter le territoire est irrégulière, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Nord de délivrer une autorisation provisoire de séjour au requérant jusqu'à ce qu'il soit de nouveau statué sur son droit au séjour et, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de se prononcer sur ce droit ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Lequien, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée à M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0704677 du Tribunal administratif de Lille du

9 novembre 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre les dispositions de l'arrêté du 20 juin 2007 lui assignant un pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du 20 juin 2007 du préfet du Nord est annulé en tant qu'il a assigné à M. X un pays de destination.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de statuer à nouveau sur la situation de

M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui accorder une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa situation.

Article 4 : L'Etat versera à Me Lequien, sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Banjob X, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à

Me Lequien.

Copie sera adressée au préfet du Nord

N°07DA01859 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 07DA01859
Date de la décision : 25/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Stortz
Rapporteur ?: M. Jean-Eric Soyez
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : AVOCATS DU 37

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-25;07da01859 ?
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